La question de l’étendue de l’indemnisation des victimes d’accident du travail revient sans cesse, tant la législation en vigueur laisse place à l’interprétation.
Le système actuel d’indemnisation des victimes d’accidents du travail trouve son origine dans la loi du 9 avril 1898 « concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail ».
Cette loi institue un régime de responsabilité dérogatoire à celui du droit commun. Dès lors qu’un accident survient sur le lieu et pendant les horaires de travail, la responsabilité de l’employeur est engagée, sans faute de sa part. Le salarié victime est alors automatiquement bénéficiaire d’une indemnisation, laquelle est forfaitaire.
Elle prend la forme d’un capital jusqu’à 10% d’incapacité permanente partielle, et d’une rente viagère au delà.
Cette forfaitisation de la réparation présente certes l’avantage d’être rapide et automatique, mais elle porte une atteinte certaine au principe de réparation intégrale qui innerve pourtant aujourd’hui une grande majorité des régimes de responsabilité civile.
L’étendue de l’indemnisation des victimes d’accident du travail a été légèrement améliorée par la loi du 6 décembre 1976. Elle permet désormais à la victime d’obtenir une majoration de son capital ou de sa rente en cas de faute inexcusable de l’employeur [1], ainsi qu’une indemnisation distincte pour les souffrances physiques et morales, pour les préjudices esthétiques et d’agrément, et pour la perte ou la diminution des possibilités professionnelles [2].
Plus récemment, le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC du 18 juin 2010, a précisé qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les victimes peuvent demander, devant la juridiction de sécurité sociale, « réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale ».
Cette réserve d’interprétation permet ainsi aux victimes d’accidents du travail de prétendre, outre le versement d’une indemnisation forfaitaire sous forme de capital ou de rente, à une réparation intégrale des préjudices non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale.
C’est, suivant cette logique, que la Cour de cassation a alloué une indemnisation distincte pour les frais d’aménagement du logement ou l’adaptation d’un véhicule [3], pour le préjudice sexuel, ou encore pour le déficit fonctionnel temporaire [4].
La question s’est alors posée de savoir si la perte des droits à la retraite était un dommage couvert par le livre IV du Code de la sécurité sociale ou si elle pouvait faire l’objet d’une réparation distincte et intégrale.
En l’espèce, un contrôleur technique âgé de 55 ans a fait une chute de plusieurs mètres sur son lieu de travail, ayant entrainé un taux d’incapacité de 15%. Il a par la suite été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. Cet incident a été imputé à la faute inexcusable de l’employeur et dès lors, la rente allouée au salarié victime a été majorée au taux maximum.
Le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale ainsi que la Cour d’appel ont refusé d’octroyer à la victime une indemnisation distincte au titre de la perte de ses droits à la retraite, considérant que ce préjudice avait d’ores et déjà été indemnisé par la rente forfaitaire qui lui avait été allouée.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, saisie du pourvoi, a préféré renvoyer l’affaire devant une chambre mixte. Cette dernière a rejeté le pourvoi, considérant que la perte des droits à la retraite « se trouvait déjà indemnisée par application des dispositions du livre IV, de sorte qu’elle ne pouvait donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ».
Bien que surprenante en ce qu’elle revient sur une précédente décision [5], cette interprétation s’appuie sur de solides fondements juridiques.
En effet, il est de jurisprudence constante que l’incidence professionnelle soit considérée comme couverte au titre du livre IV du Code de la sécurité sociale et ne puisse donc faire l’objet d’une indemnisation distincte [6].
L’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser, en complément des pertes de gains professionnels, « les incidences périphériques du dommage touchant la sphère professionnelle ». Or, si l’on se réfère à la nomenclature Dintilhac, le poste de préjudice relatif à l’incidence professionnelle regroupe notamment « la perte de retraite ».
Bien que juridiquement incontestable, la décision de la Cour de cassation n’en apparaît pas moins inopportune. En effet, le pauvre contrôleur technique, âgé de 55 ans aurait été plus chanceux, dans son malheur, que son accident ait impliqué un véhicule terrestre à moteur. Il aurait ainsi pu bénéficier des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et donc d’une réparation intégrale de son préjudice. Il ne reste plus qu’à espérer une intervention législative, largement plébiscitée par la Cour de cassation elle-même.
(Cass. Mixte, 9 janvier 2015, n°13-12310)
Discussions en cours :
Des millions d accidentés du travail se retrouvent avec des rentes minables de 700 euros après avoir été abîmés par le travail pour la vie !!
deux fois Victime :
une fois par le travail et le coup de grâce par la Justice .
le Conseil Constitutionnel a pourtant raté le rdv que les victimes lui ont donné avec L Histoire .
Alors combien encore de générations sacrifiées !
Mehana MOUHOU
Avocat
Une décision rendue du 18 juin 2010 de la Cour constitutionnelle,qui tend à mettre en compte les fautes inexcusables de l ’employeur
En Polynesie - ou je réside j’ai été victime d’un accident du travail depuis 1983, que suite à une de la Cour Constitutionnelle du je m’aperçois aujourd’hui que je suis mal rétribuer, par conséquent mon IPP à mon avis l’ expertise àfait dans toutes ses règles -
d’ne décision rendue du 18 juin 2010 de la Cour constitutionnelle, que je vous écris.
A l’heure actuelle, que depuis cet accident il m’est impossible de me faire accepter d’un emploi, aussi que - ma rente est divisée par trois - de vivre sans pouvoir travailler et de plus se faire arnaquer par les services - je trouve inacceptable. comment pouvez- vous me conseiller ?
cordialement
Jacques LONGINE
Cet article retrace un résumé de bout en bout de la faible et lente évolution du droit de la réparation des accidents du travail au fil des décennies. Cette situation, dérogatoire pour autant qu’elle le soit, pâtit principalement de la quasi-déshérence des accidents mettant en cause un VTM (véhicule terrestre à moteur) où les salariés sont très rarement indemnisés de leurs préjudices extrapatrimoniaux, les assureurs se gardant le plus souvent de sortir des cadres conventionnels des accidents automobiles.
Il en va de même enfin pour ce qui concerne la situation des agents de la plupart des administrations, ne subissant aucune perte de revenus et indemnisés en tout ou au-delà de leur préjudice patrimonial...par deux fois sans qu’aucune disposition ne puisse empêcher cette situation.