Cette réforme dénommée « le Paquet Marque » comprend l’adoption des textes suivants :
(i) Le règlement (UE) n°2015/2424 en date du 16 décembre 2015
Ce nouveau règlement publié au Journal Officiel de l’Union Européenne (JO) le 24 décembre dernier entrera en vigueur fin mars 2016.
Ce texte – qui porte sur les marques protégées au niveau de l’Union Européenne, a pour effet de réviser le règlement (CE) n°2007/29 du 26 février 2009 sur la marque communautaire, le règlement n°2868/95 du 13 décembre 1995 portant modalités d’application du règlement (CE) n°40/94 du Conseil sur la marque communautaire et d’abroger le règlement (CE) n°2869/95 relatif aux taxes à payer à l’Office d’Harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles).
(ii) La directive (UE) n°2015/2437 en date du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques
Cette nouvelle directive publiée au JO le 23 décembre 2015 entrera en vigueur le vingtième jour suivant cette publication, soit le 13 janvier 2016, et devra être transposée par les Etats membres dans un délai de 3 ans (à l’exception des procédures administratives de déchéance et de nullité évoquées ci-dessous, qui bénéficient d’un délai de transposition de 7 ans).
Ce texte qui révise la directive 2008/95/CE modifie le régime des marques au niveau national, et a donc vocation à s’appliquer aux marques françaises.
Les points clés de la réforme, qui reprennent, pour certains, des solutions énoncées par la jurisprudence, sont les suivants :
Nouvelle terminologie
La marque communautaire est désormais intitulée « la marque de l’Union européenne ».
L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) devient quant à lui l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle et sera le seul office compétent pour recevoir et traiter les demandes d’enregistrement des marques de l’Union européenne.
Suppression de l’exigence d’une représentation graphique de la marque
Il ne sera plus nécessaire de fournir une représentation graphique du signe lors de la demande d’enregistrement : le signe peut être enregistré à titre de marque dès lors qu’il est propre à distinguer les produits et services qu’il désigne et qu’il peut être représenté sous n’importe quelle forme appropriée (graphique ou non) de manière claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective.
Elargissement de la clause d’exclusion des marques de forme
Tous les signes qui résultent, par leur forme ou par toute autre caractéristique, de la nature des produits eux-mêmes, ou qui sont nécessaires à l’obtention d’un résultat technique ou qui confèrent une valeur substantielle aux produits seront exclus de la protection du droit des marques.
Nouveaux droits antérieurs justifiant un refus d’enregistrement de la marque
Désormais, outre les appellations d’origine et les indications géographiques, les mentions traditionnelles pour les vins, les spécialités traditionnelles garanties, et les dénominations des variétés végétales – lorsqu’elles sont protégées au niveau national, constituent des antériorités faisant obstacle à la demande d’enregistrement de la marque.
Renforcement des pouvoirs du titulaire pour interdire l’usage du signe protégé
Le titulaire d’une marque est désormais expressément autorisé à :
Interdire à un tiers d’utiliser à titre de nom commercial ou de dénomination sociale le signe constituant la marque, dès lors que le nom commercial ou la dénomination sociale en cause est utilisé(e) par le tiers pour distinguer des produits et services ;
Interdire l’usage du signe constituant la marque par un tiers dans une publicité comparative, si celle-ci est contraire à la directive 2006/114/CE en matière de publicité trompeuse ;
Empêcher, par des mesures douanières, l’entrée dans l’Union (ou dans l’Etat membre où la marque national est protégée) de produits provenant d’un pays tiers, lorsque ces produits portent sans autorisation un signe identique ou pour l’essentiel identique au signé protégé du titulaire, y compris si ces produits ne sont pas destinés à être mis sur le marché dans l’Union européenne (ou sur le territoire où la marque nationale est protégée) ;
Interdire l’apposition du signe protégé à titre de marque sur des produits mais également sa fixation sur leurs conditionnements, les étiquettes, les marquages, etc.
Précisions sur la notion d’usage loyal du signe par le tiers
Le titulaire ne peut pas interdire aux tiers l’usage du signe protégé lorsque cet usage est loyal et par conséquent, conforme aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, ce qui est notamment le cas dans les hypothèses suivantes :
Lorsqu’une personne physique fait usage dans la vie des affaires de son nom ou de son adresse (ce principe ne s’applique pas en revanche au nom des personnes morales) ;
Lorsque le tiers fait usage d’un signe descriptif et/ou non distinctif ;
Lorsque le tiers fait usage du signe protégé pour désigner ou mentionner les produits et services comme étant ceux du titulaire de la marque ;
Lorsque le tiers fait usage du signe protégé pour attirer l’attention des consommateurs sur le fait qu’il s’agit de produits originaux qui ont été vendus au sein de l’Union, à l’origine par le titulaire ou avec son consentement (hypothèse uniquement prévue par le Considérant (27) de la directive et le Considérant (21) du règlement) ;
Lorsque le tiers fait usage du signe à des fins d’expression artistique et plus généralement, lorsque l’usage du signe protégé par le tiers relève de sa liberté d’expression (hypothèse évoquée uniquement par le Considérant (27) de la directive et le Considérant (21) du règlement).
Moyens de défense du titulaire d’une marque postérieure
Dans une procédure en contrefaçon, le titulaire d’une marque antérieure ne peut pas interdire l’usage d’une marque enregistrée postérieurement :
Lorsqu’il a toléré l’usage de cette marque postérieure, pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage, sauf si la marque postérieure a été demandée de mauvaise foi ;
Lorsque la marque postérieure a été déposée à un moment où la marque antérieure n’aurait pas pu lui être opposée : autrement dit, lorsque la marque antérieure était susceptible, au moment du dépôt de la marque postérieure, d’être déclarée nulle ou déchue ;
Lorsqu’il n’est pas en mesure de prouver l’usage sérieux de sa marque pendant la période de cinq ans ayant précédé la demande de nullité de la marque postérieure ;
Lorsqu’il a expressément donné son consentement à l’enregistrement de la marque postérieure, avant d’introduire sa demande de nullité.
Par ailleurs, à la demande du défendeur, le titulaire de la marque antérieure devra être en mesure de prouver l’usage sérieux de sa marque durant les cinq ans ayant précédé la date d’introduction de l’action ou à défaut, l’existence de juste motifs justifiant l’absence d’exploitation de la marque invoquée au soutien de l’action en nullité. S’il n’y parvient pas, la demande en nullité et/ou l’opposition fondée sur cette marque antérieure sera rejetée.
Non incidence de l’enregistrement de la forme dans laquelle la marque est utilisée, en matière de déchéance
Le titulaire peut échapper à la déchéance de sa marque s’il prouve l’usage de celle-ci dans une forme n’ayant pas altéré son caractère distinctif, que la marque ait ou non été enregistrée sous la forme dans laquelle elle est utilisée par le titulaire.
Procédure administrative de déchéance ou de nullité
La déchéance et/ou la nullité d’une marque pourra désormais être demandée devant les Offices nationaux (et donc devant l’INPI), ce qui n’était auparavant possible que devant l’OHMI ou devant le juge national.
Fondement la protection des marques renommées
La nouvelle directive prévoit que l’usurpation d’une marque renommée au niveau national constitue une atteinte au droit des marques (alors que jusqu’à présent le fondement de l’action en défense d’une marque renommée était la responsabilité civile – article 1382 c. civ.).
Il en résulte que la marque nationale renommée peut désormais être protégée par une action en contrefaçon et faire l’objet des mesures accessoires y afférentes (interdiction provisoire, saisie-contrefaçon, etc.).
De plus le titulaire d’une marque nationale renommée peut désormais s’opposer ou agir en nullité à l’encontre de l’enregistrement, au niveau national et/ou européen, d’une marque postérieure identique ou similaire désignant des produits et/ou services différents.
Intitulé des produits et services visés à l’enregistrement
Le déposant d’une marque est tenu de décrire de manière claire et précise les produits et/ou services qu’il entend viser à l’enregistrement de sa marque.
Le dépôt ne couvrira que les produits et services littéralement visés dans le dépôt.
Le titulaire d’une marque déposée au niveau européen avant le 22 juin 2012 qui a utilisé l’intitulé général des classes de la classification de Nice a la possibilité de faire une déclaration pour indiquer si sa marque couvre l’intégralité des produits et services compris dans cette classe ou si la protection doit être limitée aux produits et services littéralement désignés dans l’intitulé général de la classe.
Une taxe de dépôt par classe de produits et services (la fin de : « trois classes pour le prix d’une »)
Le déposant d’une marque de l’Union européenne devra payer une taxe de dépôt pour chaque classe demandée.
La taxe de dépôt européen s’élèvera désormais à 850 euros par voie électronique (1.000 euros pour un dépôt papier), 50 euros pour la 2ème classe et 150 euros par classe supplémentaire au-delà de la 2ème classe.
Ce principe sera également appliqué à la marque française si la France décide de transposer la disposition facultative de la directive en ce sens.