La vérité des chiffres tout d’abord. Ceux du département statistique du Ministère de la Justice, qui font référence en la matière, édités à partir des bordereaux d’activité que chaque conciliateur est tenu d’adresser chaque début d’année à ses chefs de cour et de juridictions. Le rapport pour l’année 2014, édité en septembre 2015 fait très précisément état de 188.926 visites reçues par des conciliateurs en France cette année 2014, contre 179.703, l’année précédente. Les conciliateurs ont traité 99.855 saisines directes et 12.179 saisines déléguées par des magistrats. Au total, 58.025 de ces affaires ont été conciliées, pour un taux de 52.6 % pour les affaires déléguées par les magistrats et 58,1V % de taux de réussite pour les affaires en saisines directes.
Les conclusions du rapport de l’Inspection Générale des Services Judiciaires d’avril 2015, relatant les travaux préparatoires de la réforme Justice du XXIème initiés par l’ancienne Garde des Sceaux, Christiane Taubira, traitent également beaucoup des modes amiables de résolution des différends et des conciliateurs de justice. Il y est écrit, sous la signature de l’Inspecteur Général François Felz chargé du rapport, que « la conciliation est un mode amiable de règlement des différends au succès avéré ».
Le rapport note encore que « les conciliations sont en constante augmentation, atteignant désormais un nombre significatif d’affaires prises en charge de manière amiable. Le succès de ce dispositif est aujourd’hui incontestable ». Et le même rapport d’énoncer les types de différends et conditions favorables à la conciliation. Notamment lorsque les parties sont amenées à poursuivre leurs relations ; un montant de litige faible ; des parties présentes à l’audience, en raison du caractère de l’immédiateté de la conciliation ; un contentieux sans représentation obligatoire.
Des conditions réunies le plus souvent dans les contentieux traitant des relations de voisinage, celles nouées entre propriétaires et locataires et les affaires portant sur le droit de la consommation. Le succès, ajoute encore le rapport, repose grandement sur la gratuité du dispositif. Cette spécificité est une des clés du succès du développement de la conciliation judiciaire en France. La mise à disposition à titre gratuit d’un service de règlement amiable des différends participe à la conception française d’une justice très accessible.
Pour en renforcer encore son développement, le rapport de l’IGSJ détaille des besoins de recrutements de nouveaux conciliateurs et la nécessité de lancer une campagne nationale de recrutement pour les soutenir. Il inscrit aussi en priorité d’action, le renforcement de leur place au sein de l’institution judiciaire.
L’étude d’impact remise par la Garde des Sceaux au Sénat le 30 juillet 2015 reprend ces grandes priorités d’actions de la réforme Justice du XXIème siècle. « Les conciliateurs, souligne l’étude d’impact, contribuent, à l’apaisement des relations sociales, l’une des missions premières de la justice. »
L’étude préconise le développement de ces modes amiables de règlement des différends, en instaurant notamment un préalable obligatoire de conciliation confié aux conciliateurs de justice.
« Qualitativement, on peut attendre un apaisement des échanges dans le cours de la procédure, ce qui constitue une amélioration du point de vue tant des parties que du juge saisi. Quantitativement, le principe même du règlement amiable des litiges que le projet de loi entend favoriser tout en préservant des garanties juridictionnelles est de nature à diminuer le contentieux et la charge de travail des juridictions ».
Dans ce cadre, les conciliateurs devront absorber la moitié des 90.000 demandes soumises par an aux juges de proximité et aux juges des tribunaux d’instance, projette l’étude d’impact. « 45.000 saisines qui viendront s’ajouter à leur charge actuelle des conciliateurs, représentant une hausse d’un bon tiers de leur activité actuelle ».
Un imposant recrutement de conciliateurs sera nécessaire pour absorber ce surcroît de travail estimé par l’étude d’impact à 600 conciliateurs supplémentaires, qui s’ajouteront à l’effectif actuel des 1.800 conciliateurs.
Discussions en cours :
C’est bon pour le moral des conciliateurs !
Roger LAFON
afin d’apporter la contradiction à notre collègue Le Dourion et à son approche très enthousiaste de la conciliation et du conciliateur à l’épreuve de la réforme J21, voici une autre approche certes, moins glamour, mais peut-être plus réaliste en insistant sur la nécessité de moderniser cette institution, héritière des justices de paix de 1791, sous peine de disparaître en se confondant avec la médiation conventionnelle mise en oeuvre par de nombreuses institutions à l’accès également gratuit ;
http://www.village-justice.com/forum/viewtopic.php?f=6&t=24315&start=260
pour une conciliation et du conciliateur de justice ambitieux et modernes en les "rejuridictionalisant" dans le cadre d’une nouvelle justice de proximité citoyenne et enfin pérenne.....
http://www.village-justice.com/articles/Conciliation-conciliateur-epreuve,20350.html
Excellent article qui met bien en évidence cette montée en puissance des conciliateurs de justice et le besoin d’une justice....plus proche, moins formaliste et, de surcroît.........gratuite !
le Sénateur DETRAIGNE rapporteur du projet de loi J21 adopté en 1ière lecture au sénat, le 5 novembre dernier, notamment l’article 3 imposant une T.P.C obligatoire par un conciliateur devant le TI s’inquiète de cette mesure et s’interroge sur le statut actuel du conciliateur :
Il insiste sur « le pari risqué d’une telle mesure » en s’interrogeant sur « la capacité pour les conciliateurs de justice d’absorber le surplus d’affaires qui leur seraient ainsi confiées ».
De plus, il dresse un constat alarmant sur l’institution du conciliateur de justice notamment, je cite :
1/ L’âge des conciliateurs qui augmente : « ......La moyenne d’âge se situe entre 66 et 70 ans, mais 17,5 % des conciliateurs ont plus de 76 ans »,
2/ L’absence de mixité des profils des conciliateurs : « Quasiment tous les conciliateurs sont retraités. Ce mode de recrutement ne favorise pas une mixité des profils, alors même que les contentieux exigent des compétences diversifiées. » ;
3/ Un recrutement de plus en plus difficile : « … les acteurs déplorent la difficulté à susciter des vocations pour une fonction exigeante en termes de compétences, sans attrait financier, peu connue et manquant à l’évidence de reconnaissance. »
4/ Une formation non obligatoire et insuffisante : « En outre, avec la généralisation de la tentative de conciliation préalable, se pose la question de la formation des conciliateurs »,
5/ Enfin, des propositions de la Garde des Sceaux jugées insuffisantes pour susciter des vocations : « ..... Certes, une amélioration des conditions de leur défraiement, qui ne permettent pas actuellement de couvrir les frais engagés, ainsi qu’une amélioration de leurs conditions matérielles d’exercice, comme l’a annoncé Mme Christiane Taubira, ministre de la justice, lors de son audition par votre commission, pourrait constituer une incitation à se porter candidat à ce type de fonctions mais votre rapporteur doute que cela suffise. » ;
Alors quel avenir ? et que dire de développement de modes amiables gratuits concurrençant la conciliation extra judiciaire ce qui rend illisible pour les justiciables, l’offre de MARDs ?
Cet article est le reflet d’une réalité évidente du règlement rapide de nombreux litiges que les tribunaux pourraient difficilement absorber.
La notion de gratuité - parfois mais rarement suspecte pour quelques plaignants - associée à une efficacité certaine, est le garant d’une mission de service public exercée avec toute la rigueur nécessaire.