La procédure en changement de prénom existe depuis la loi n°55-1465 du 12 novembre 1955. Souvent réformée, elle a toujours été guidée par un principe directeur : la notion d’ « intérêt légitime » du requérant.
Quiconque justifie d’un « intérêt légitime » peut solliciter l’ajout, la modification, la suppression ou l’inversion de l’ordre de ses prénoms.
Seule une connaissance approfondie de la jurisprudence en la matière permet de connaître les motifs d’intérêt légitime régulièrement admis et, par conséquent, d’avoir une chance d’obtenir les modifications souhaitées.
Vous trouverez ci-après deux brefs résumés :
le premier, relatif aux motifs d’intérêt légitime régulièrement admis ;
le second, relatif à ceux régulièrement rejetés.
Si vous désirez changer de prénom, sachez que la représentation par avocat est obligatoire [1].
I. Les motifs d’intérêt légitime régulièrement admis.
Prénom ridicule ou de pure fantaisie : il est traditionnellement admis que constitue un « intérêt légitime » le fait de vouloir obtenir la suppression ou la modification d’un prénom ridicule.
À titre d’illustration, ont été ordonnées les suppression ou modification des prénoms « Gloarnic » [2], « Folavril » [3] et « Patriste » [4].
À l’inverse, ont été rejetées les demandes en suppression ou modification des prénoms « Tokalie » [5], « Zébulon » [6] et « Furkan » [7].
Toujours à titre d’illustration, le port d’un prénom spécifiquement féminin pour un homme et viceversa pour une femme est indéniablement préjudiciable. Le requérant victime d’une telle situation dispose donc d’un motif d’intérêt légitime justifiant sa requête.
Pour accueillir ou rejeter les demandes, les Juges apprécient in concreto (au cas par cas) le caractère troublant voire traumatisant du prénom et notamment les railleries ou douleurs qu’il est susceptible d’occasionner.
Il incombe donc au requérant de démontrer le préjudice causé par le prénom et les raisons pour lesquelles le changement sollicité serait de nature à y mettre un terme.
La coutume et les origines : il est traditionnellement admis que constitue un « intérêt légitime » le fait de vouloir perpétuer le prénom de ses grands-parents [8], voire d’autres aïeux (les wallisiens attribuent traditionnellement le prénom de l’arrière-grand-mère maternelle à leurs filles par exemple : Cour d’Appel de REIMS, 30 mars 2006).
Il incombe donc au requérant de démontrer l’existence de la coutume qu’il revendique.
L’usage constant : peut constituer un motif d’intérêt légitime le fait de vouloir mettre le droit en adéquation avec une situation de fait.
Un débat jurisprudentiel existe.
D’un côté, certains Magistrats estiment que ce motif ne peut pas être retenu si le requérant a lui-même créé la situation de fait qu’il expose. À titre d’illustration, si « Francis » a lui-même exposé aux tiers qu’il s’appelait « François », il serait mal-fondé à demander au Juge qu’il ordonne la modification de son prénom (de « Francis » à « François ») aux registres de l’état civil.
De l’autre, certains estiment « que l’usage prolongé d’un prénom suffit à caractériser l’intérêt légitime au changement » [9] et ce même si le prénom n’est utilisé que par la famille ou l’entourage du requérant [10].
Il incombe donc au requérant de démontrer l’existence d’une situation de fait (si possible qu’il n’a pas créée lui-même) en inadéquation avec ses prénoms tels qu’ils figurent à l’état civil.
L’intégration dans une communauté nationale : il est fréquemment admis que constitue un « intérêt légitime » le fait de vouloir changer de prénom afin de favoriser l’intégration dans une communauté nationale.
Ainsi, la « francisation » d’un prénom à consonance étrangère et l’« extranéisation » d’un prénom à consonance française peuvent être admis s’il est démontré qu’ils favoriseraient l’intégration dans le cadre d’un projet déterminé.
Tous les changements sont envisageables :
ajout avec interversion : passer de « Rachid » à « François, Rachid » ou de « François » à « Rachid, François » ;
modification : passer de « Samir » à « Samuel » ou de « Samuel » à « Samir » ;
suppression : passer de « Kader, Richard » à « Richard » ou de « Richard, Kader » à « Kader ».
Il incombe alors au requérant de démontrer son projet d’intégration et les raisons pour lesquelles il serait facilité par la modification sollicitée.
L’intégration professionnelle est souvent invoquée car, sur le lieu de travail, les railleries provoquées par un prénom à consonance étrangère (voire à consonance française) sont malheureusement loin d’être en voie de disparition.
L’intégration dans une communauté religieuse : il est régulièrement admis que constitue un « intérêt légitime » le fait de vouloir changer de prénom afin de favoriser l’intégration dans une communauté religieuse.
À titre d’illustration, certains musulmans considèrent que la pratique de leur religion exige qu’ils portent un prénom musulman à l’exclusion de tout autre. La possession d’un prénom hébraïque ou chrétien – fut-ce en deuxième prénom – constitue alors un obstacle à l’exercice de leur religion, ce qui est constitutif d’un « intérêt légitime » justifiant la suppression ou la modification dudit prénom.
Encore à titre d’illustration, certains pays interdisent le port de certains prénoms. Dispose alors d’un intérêt légitime le requérant qui porte un prénom « interdit » et qui démontre son intention de s’intégrer dans le pays où ledit prénom l’est [11].
Toujours à titre d’illustration, certains pays exigent que les candidats à l’immigration portent un prénom d’origine musulmane. Dispose alors d’un intérêt légitime le requérant qui ne dispose pas d’un tel prénom et qui démontre son intention d’émigrer vers le pays où le port d’un prénom d’origine musulmane est obligatoire [12].
II. Les motifs d’intérêt légitime régulièrement rejetés.
Les motifs régulièrement rejetés se déduisent a contrario.
L’idée-force qui anime les Magistrats est que « le seul fait de ne pas aimer son prénom ne peut constituer un motif d’intérêt légitime » [13].
À titre d’illustration, l’admiration portée pour un personnage de théâtre ou de romans ne constitue pas un motif d’intérêt légitime justifiant la modification de son prénom. Les femmes prénommées « Marie » ne sont donc pas fondées à solliciter que leur prénom soit modifié en « Fleur de Marie » [14] ou « Cœur-Marie » [15].
Il est donc peu probable que les « Catherine » puissent faire modifier leur prénom en « Katniss », fussent-elles de ferventes admiratrices de l’héroïne des « Hunger Games ».
De la même manière, de peur de voir un nom de famille disparaître, certains parents souhaitent attribuer à leur enfant le nom de famille « voué à l’extinction » comme deuxième prénom. De manière générale, les Magistrats refusent d’utiliser un nom de famille en tant que prénom [16]. Une personne ayant un nom de famille en tant que deuxième prénom serait donc bien fondée à en solliciter la suppression ; à l’inverse, une personne qui souhaiterait s’adjoindre un nom de famille en tant que deuxième prénom serait mal fondée à le faire.
III. Conclusion
La procédure relève de la compétence exclusive du Juge aux affaires familiales saisi par requête et la représentation par avocat est obligatoire [17].
Si la demande concerne un mineur, elle doit être faite par son représentant légal. Elle nécessite l’accord de tous les titulaires de l’autorité parentale car il ne s’agit pas d’un acte usuel qu’un parent peut prendre seul [18].
Certes, le seul fait de ne pas aimer son prénom ne constitue pas un « intérêt légitime » justifiant une modification.
Cependant, lorsque tel est le cas, il existe de nombreux motifs permettant d’obtenir malgré tout la suppression, la modification ou l’ajout d’un prénom.
N’hésitez donc pas à entrer en contact avec un avocat qui, selon la demande que vous lui présenterez, saura vous renseigner sur ses chances de succès.
Discussions en cours :
Bonjour à tous,
L’auteur a précisé dans l’en-tête de cet article que : "Depuis le 1er janvier 2017 (...) vous pouvez désormais adresser vous-même votre demande à l’Officier d’état civil de votre lieu de résidence (article 60 du Code civil issu de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016) qui est tenu de l’accepter sans que vous ayez à vous justifier."
"Sans que vous ayez à vous justifier". Ai-je bien compris ? Est-il désormais permis de pouvoir changer de prénom sans justification ? Ou s’agit-il simplement de la demande de changement qui doit être accepté sans justification, mais nécessitant toujours un intérêt légitime pour aboutir ?
Maître Christin, pourriez-vous, ou l’un de vos collaborateur me dire si la notion d’intérêt légitime est toujours requise pour tout changement de prénom ou s’il est effectivement permis de pouvoir faire modifier son ou ses prénom(s) à sa convenance et sans justification ? Je vous en serez grandement reconnaissant.
Avec mes remerciements anticipés.
Cordialement.
Bonjour, vous dites que l’intégration dans une communauté religieuse est un motif légitime en prenant comme exemple le fait qu’un musulman peut demander à supprimer un prénom hébraïque de son état civil pour mieux s’intègre dans la communauté musulmane. A l’inverse une personne ayant des origines juives peut elle changer son prénom pour un prénom hébraïque en invoquant le même motif ? Merci
Bonjour,
Mon bébé a 7j de vie quand je vois sur l’extrait de naissance que le prénom manque une syllabes. Parce que le papa ne sait pas lire et sais lui qui a fait la procédure.
J’aimerai savoir si il lui sera possible de changer de prénom ? ? Je voulais qu’il s’appelle taroun mais sur l’extrait il lui mit taroun.
Merci
bonsoir faut simplement se rendre à la mairie de votre lieu de résidence et demander un dossier de changement de prénom pour votre enfant né récemment la procédure est simplifiée et je suis certaine que votre demande aboutira en motivant votre demande par courrier
bonne chance
Je suis née en janvier 1937, soit à la période où fut créée cette machine rapide autorail appelée LA MAICHELINE. Ma mère ayant accouché très rapidement m’a donc tout naturellement prénomée : MICHELINE. Le résultat fut que, de toute mon enfance, mon adolescence et ma vie d’adulte, à l’annonce de mon prénom, les gens disaient : ah ! comme l’AUTORAIL !
Mon mari a donc décidé de m’appeler : MICHELE. et depuis plus de 50 ans, mes proches et , mes amis m’appellent MICHELE. (Ce qui ne les empêche pas, dès qu’ils ont connaissance de mon vrai prénom, de dire, en plaisantant : ah ! comme l’autorail !). Je ne supporte plus cette "plaisanterie".
Je me sens plus à l’aise dans la peau d’une Michèle, et c’est pourquoi je désirerais officialiser mon prénom de MICHELE. Pensez-vous que le motif invoqué soit suffisant ?
Bonjour,
Tout d’abord, merci pour votre article très clair.
J’ai fait l’objet d’une adoption plénière et souhaiterai compléter mon état civil actuel :
mon prénom d’origine (avant l’adoption)
mon nom d’origine (dans la partie nom d’usage)
Je n’ai rien trouvé qui spécifie que ce cas soit considéré comme "motif légitime". Sauriez vous si de tels cas sont possibles ?
Je vous remercie par avance pour vos éclairages
Cordialement
Bonjour jai 21 ans je voudrais changer de prénom je suis née de mère française et de père algérien et reconnue par mon père et ma mère en 2eme je porte le prénom et le nom de mon père bien que je ne renie pas mes aurogines je suis convertie à levangile jai un prénom musulmans et je me sent vraiment pas musulmans je souhaiterai porté un prénom et nom français en plus jai vraiment des difficultés à m’intégrer l’islam ex.. c’est vraiment pas ma tasse de thé je suis français avant tous tous ce qui rentre en coinsidanse avec l’islam la culture musulmane les pays orientales je ne veux pas en entente parler si je pourrais avoir une réponse de votre par cela serait gentil merci
Bonjour, je suis dans le même cas que Kim.
On m’a donné trois prénoms lors de mon adoption plénière mais je souhaite "récupérer" les prénoms qui m’ont été donnés à la naissance (prénoms que ma mère naturelle m’a donné). Pensez-vous que c’est envisageable ? Merci d’avance pour votre réponse.