1/ Définition d’un emploi saisonnier est codifiée
La loi Travail a codifié la définition des emplois saisonniers comme suit : « emplois à caractère saisonnier dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs » (l’article L. 1242-2 3° du Code du travail).
2/ Négociations relatives au contrat de travail à caractère saisonnier
Dans les six mois suivant la promulgation de la loi Travail, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs des branches dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé et qui ne sont pas déjà soumises à des stipulations conventionnelles en ce sens engagent des négociations relatives au contrat de travail à caractère saisonnier afin de définir les modalités de reconduction de ce contrat et de prise en compte de l’ancienneté du salarié.
L’ordonnance en date du 27 avril 2017 prévoit qu’un arrêté du ministre chargé du travail établira la liste des branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé.
3/ La liste des branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé
Arrêté du 5 mai 2017 listant les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé, est paru au Journal Officiel du 06 mai 2017.
Les branches mentionnées aux articles L. 1244-2-1 et L. 1244-2-2 du Code du travail sont :
Sociétés d’assistance (IDCC 1801) ;
Casinos (IDCC 2257) ;
Détaillants et détaillants-fabricants de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie (IDCC 1286) ;
Activités de production des eaux embouteillées et boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière (IDCC 1513) ;
Espaces des loisirs, d’attractions et culturels (IDCC 1790) ;
Hôtellerie de plein air (IDCC 1631) ;
Hôtels, cafés, restaurants (IDCC 1979) ;
Centres de plongée (Sport IDCC 2511) ;
Jardineries et graineteries (IDCC 1760) ;
Personnels des ports de plaisance (IDCC 1182) ;
Entreprises du négoce et de l’industrie des produits du sol, engrais et produits connexes (IDCC 1077) ;
Remontées mécaniques et domaines skiables (IDCC 454) ;
Commerce des articles de sports et d’équipements de loisirs (IDCC 1557) ;
Thermalisme (IDCC 2104) ;
Tourisme social et familial (IDCC 1316) ;
Transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16) ;
Vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France (IDCC 493).
4/ Ordonnance en date du 27 avril 2017 prise sur le fondement de l’article 86 de la loi Travail
L’ordonnance n°2017-647 du 27 avril 2017 relative à la prise en compte de l’ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction, vient d’être prise sur le fondement de l’article 86 de la loi Travail.
4.1. Le calcul de l’ancienneté
En premier lieu, l’ordonnance n°2017-647 du 27 avril 2017 relative à la prise en compte de l’ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction, crée un nouvel article du Code du travail, relatif à la prise en compte de l’ancienneté des salariés saisonniers.
Cet article est rédigé comme suit :
« Art. L. 1244-2-1 - Dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé définies par un arrêté du ministre chargé du travail, à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, pour calculer l’ancienneté du salarié, les contrats de travail à caractère saisonnier dans une même entreprise seront considérés comme successifs lorsque conclus sur une ou plusieurs saisons, y compris lorsqu’ils auront été interrompus par des périodes sans activité dans cette entreprise ».
Rappelons à ce titre que la jurisprudence antérieure s’est déjà prononcée sur la question de calcul de l’ancienneté du salarié. Dans un arrêt en date du 30 septembre 2014 (n°13-21.115), la question se posait de savoir si le cumul des durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs prévu par l’article L. 1244-2 du Code du travail visait uniquement les contrats comportant une clause de reconduction pour la saison suivante ou pas.
Dans cette affaire, la Cour de cassation n’a pas retenu l’argumentation de la cour d’appel, puisqu’elle a jugé que les durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs dans la même entreprise, sont cumulées pour calculer l’ancienneté du salarié, indépendamment de l’existence ou non de la clause de reconduction pour la saison suivante.
4.2. Création d’un droit à la reconduction
En second lieu, l’ordonnance crée un nouvel article L. 1244-2-2 du Code du travail, relatif au droit à la reconduction de contrat de travail saisonnier.
Dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé, définies par un arrêté du ministre chargé du travail, à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, l’employeur informe le salarié sous contrat de travail à caractère saisonnier, des conditions de reconduction de son contrat avant l’échéance de ce dernier.
Tout salarié ayant été embauché sous contrat de travail à caractère saisonnier dans la même entreprise bénéficie d’un droit à la reconduction de son contrat dès lors que deux conditions sont remplies :
1ère condition : Le salarié a effectué au moins deux mêmes saisons dans cette entreprise sur deux années consécutives ;
2nde condition : L’employeur dispose d’un emploi saisonnier à pourvoir, compatible avec la qualification du salarié.
L’employeur informe le salarié de son droit à la reconduction de son contrat, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information, dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° sont réunies, sauf motif dûment fondé.
5/ Rappel de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation relative aux clauses de priorité d’emploi et aux clauses de reconduction
Rappelons tout d’abord que dans un arrêt en date du 08 juillet 2015 (n°14 - 16.330), la Cour de cassation s’est déjà prononcée sur l’application des clauses de priorité d’emploi.
La Cour de cassation a tout d’abord rappelé qu’une convention ou un accord collectif peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante.
Dans cette affaire, la Haute Juridiction a jugé qu’une telle clause, qui a seulement pour effet d’imposer à l’employeur une priorité d’emploi en faveur du salarié, ne peut être assimilée à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante et n’a pas, en toute hypothèse, pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée.
En revanche, la Haute Juridiction a tranché en faveur d’une relation de travail à durée indéterminée dans les cas suivants :
Contrat saisonnier assorti d’une clause de reconduction pour la saison suivante (Cass. Soc. 15 octobre 2002, n°00-41.759 ; Cass. Soc. 16 novembre 2004, n°02-46.777) ;
Clause conventionnelle prévoyant, sauf motif dûment fondé, le renouvellement du contrat de travail pour la saison suivante (Cass. Soc. 1er février 2000, n°97-41.304 ; Cass. Soc. 18 novembre 2003, n°01-43.549).
Qu’en sera-t-il finalement avec la création d’un droit à la reconduction ? Faut-il craindre la requalification du contrat de travail saisonnier en contrat de travail à durée indéterminée ?
6/ CDI intermittent et contrat saisonnier
6.1. Rappel de la jurisprudence antérieure
Pour comprendre les nouvelles dispositions en matière des contrats saisonniers, un petit rappel de la jurisprudence antérieure s’impose.
Rappelons ainsi que dans un arrêt en date du 24 juin 2015 (n°13-25.762), la Cour de cassation s’est interrogée sur l’interprétation de l’article 14.2 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.
Aux termes de l’article 14, 2°, de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants :
« Les contrats saisonniers conclus pendant 3 années consécutives à partir de la date d’application de la convention collective et couvrant toute la période d’ouverture de l’établissement peuvent être considérés comme des contrats à durée indéterminée ».
Dans cet arrêt en date du 24 juin 2015, la Cour de cassation a jugé que cette disposition n’ouvre qu’une simple faculté dépourvue de force obligatoire.
L’argumentation de cet arrêt est fort intéressante, puisque la Haute Juridiction juge « que cette disposition, qui ne saurait créer un contrat de travail intermittent ne répondant pas aux conditions légales n’ouvre qu’une simple faculté ».
Le caractère saisonnier du contrat à durée déterminée suppose l’existence d’une période travaillée, liée à la saison, et, à l’inverse, d’une période non travaillée.
Le contrat de travail intermittent permet également au salarié d’alterner périodes travaillées et périodes non travaillées.
Mais, à la différence d’un contrat saisonnier, le contrat intermittent est un contrat de travail à durée indéterminée.
La requalification d’un contrat de travail saisonnier en contrat de travail indéterminée aurait pour effet d’en faire un contrat de travail intermittent.
Or, l’article L. 3123-33 nouveau du Code du travail prévoit que : « des contrats de travail intermittent peuvent être conclus dans les entreprises couvertes par une convention ou par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche étendu qui le prévoit ».
Autrement dit, la Cour de cassation a écarté la possibilité pour une convention collective de prévoir une requalification automatique du contrat saisonnier en contrat de travail indéterminée. En l’espèce, la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants ne prévoyait pas l’existence d’un contrat intermittent.
Mais, certaines conventions collectives, comme celle des espaces de loisirs, d’attractions et culturels, prévoient, quant à elles, la possibilité pour les salariés saisonniers de se voir proposer un contrat de travail intermittent.
En effet, les dispositions de cette convention collective prévoient que « les salariés embauchés sous contrat de travail à durée déterminée saisonnier par un site de loisirs ouvert une partie de l’année seulement (5 semaines de fermeture minimum), ayant effectué trois saisons consécutives dans le même site de loisirs et dont la durée de contrat était à chaque fois de 3 mois consécutifs au moins pourront se voir proposer, par priorité, un contrat de travail à durée indéterminée intermittent ».
6.2 Expérimentation du CDI intermittent pour des emplois saisonniers
Les dispositions de l’article 87 de la loi Travail prévoient que, par dérogation à l’article L. 3123-33 du Code du travail et à titre expérimental, les emplois à caractère saisonnier peuvent donner lieu, jusqu’au 31 décembre 2019, à la conclusion d’un contrat de travail intermittent en l’absence de convention ou d’accord d’entreprise ou d’établissement ou en l’absence d’accord de branche, après information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.
Le cas échéant, le contrat précise que la rémunération versée mensuellement au salarié est indépendante de l’horaire réel effectué et qu’elle est lissée sur l’année.
La conclusion d’un CDI intermittent, à titre expérimental, est admis dans les branches dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé, déterminées par arrêté du ministre chargé du travail.
Le contrat de travail à durée déterminée saisonnier aura-t-il finalement vocation à disparaître au profit des CDI intermittents dans les branches dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé ?