Les faits sont les suivants : le salarié, agent de sécurité travaillant pour le compte d’un prestataire de service, était chargé, de nuit, de l’ouverture d’un site appartenant au principal client de son employeur.
En arrivant sur les lieux, un salarié de l’entreprise cliente a trouvé l’agent de sécurité profondément endormi et le portail d’accès aux locaux ouvert. Après avoir essayé vainement de le réveiller à plusieurs reprises, le salarié a récupéré lui-même la clef dont il avait besoin pour accéder aux locaux. En effet, l’armoire à clef, en principe inaccessible, était posée de manière à ce que les personnes entrant dans la loge du gardien puissent les récupérer sans le solliciter.
Informé, son employeur le licencie pour faute grave considérant que le manquement est d’autant plus important qu’il intervient en phase d’appel d’offres avec ce client.
Le salarié a bien reconnu les faits mais il conteste cette décision en mettant en avant plusieurs attestations de ses collègues qui le décrivent comme compétent, fiable et sérieux. Surtout, il fait valoir que l’employeur n’a pas respecté les règles légales en matière de durée maximale du travail car il a travaillé 72 heures sur 7 jours consécutifs au moment des faits, excédant largement la limite de 48 heures prévue par le Code du travail.
La cour d’appel fait droit à ces demandes (CA Colmar 7-3-2017 n° 15-03621), estimant, au vu des éléments produits par le salarié, que sa défaillance résulte d’une fatigue excessive causée par une durée du travail excessive. Les juges considèrent que l’employeur qui ne respecte pas la durée maximale hebdomadaire de travail ne peut pas en imputer les conséquences au salarié en lui reprochant de s’endormir à son poste de travail. C’est pourquoi le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.
Cette décision s’écarte des décisions rendues antérieurement pour des faits comparables. S’endormir à son poste de travail notamment quand le salarié assure des fonctions de gardiennage est généralement considéré comme une faute justifiant le licenciement, par exemple s’agissant d’un gardien de nuit qui dormait et n’assurait pas la surveillance dont il était chargé (Cass. soc., 20 juill. 1977, no 76-40.646). La spécificité de cette affaire est que les juges ont tiré les conséquences logiques du dépassement (particulièrement important) des seuils légaux et de ses conséquences sur la santé du salarié qui n’était plus en mesure d’assurer la mission qui lui était confiée.