La décision commentée expose les conditions d’application de deux actions à la disposition de l’assureur, la subrogation conventionnelle du Code civil [1] et la subrogation légale du Code des assurances [2].
Pour rappel, la subrogation permet à l’assureur qui a réglé une indemnité d’assurance d’agir contre le tiers responsable du dommage et son assureur.
En l’espèce, un véhicule poids lourd a été percuté par un convoi ferroviaire. L’entreprise propriétaire du poids lourd a été en partie indemnisée par son assureur.
L’assureur du véhicule ainsi que son assuré ont assigné en réparation l’entreprise qui a pris en charge le convoi ferroviaire et son assureur de responsabilité.
Les juges se sont ici posés la question de savoir si l’assureur qui a indemnisé son assuré pouvait se prévaloir contre le tiers responsable du dommage de la subrogation conventionnelle du Code civil alors qu’il ne remplissait pas les conditions de la subrogation légale du Code des assurances.
La cour d’appel de Dijon [3] a déclaré irrecevable l’action subrogatoire de l’assureur en raison de l’absence de production du contrat d’assurance du véhicule accidenté, qui permet de justifier que le paiement de l’indemnité était intervenu en vertu d’une garantie régulièrement souscrite, pouvant seule lui conférer la qualité d’indemnité d’assurance visée par l’article L. 121-12 du Code des assurances.
La Cour de cassation rappelle [4] en visant les articles 1249 et suivants du Code civil [5] et l’article L. 121-12 du Code des assurances que l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance dispose contre les tiers responsables, non seulement de la subrogation légale du Code des assurances, mais aussi de la subrogation conventionnelle du Code civil.
Les juges du droit rajoutent que la subrogation conventionnelle de l’article 1250 du Code civil doit résulter de la volonté expresse de l’assuré. Celle-ci doit se manifester concomitamment ou antérieurement au règlement reçu de l’assureur et dispense d’établir que ce paiement a été fait en exécution du contrat d’assurance.
Dès lors, elle casse l’arrêt pour manque de base légale [6], parce que la cour d’appel n’a pas recherché si la quittance subrogative consentie par l’assuré à l’assureur de son véhicule n’emportait pas subrogation conventionnelle dans les droits de celle-ci.
Cet arrêt nous enseigne que l’assureur solvens a le choix entre deux actions subrogatoires – la subrogation légale ou conventionnelle.
Enfin, les deux subrogations n’ayant pas les mêmes conditions d’applications, les juges du fond doivent vérifier si les conditions sont réunies pour chacune d’entre elles.
Subrogation légale | Subrogation conventionnelle | |
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Dispositions | C. ass., art. L 121-1 al. 1 ou L. 172- 29 | C. civ., ancien art. 1250, devenu 1346-1 |
Bénéficiaires | Assureur solvens | Assureur solvens |
Conditions | - Identification d’un tiers responsable du dommage ; - Paiement effectif de l’indemnité ; - Paiement en exécution des obligations découlant du contrat d’assurance. |
- Identification d’un tiers responsable du dommage ; - Paiement effectif de l’indemnité ; - Volonté expresse de l’assuré manifestée concomitamment ou antérieurement au règlement reçu de l’assureur. |
Modes de preuve | - Preuve par tous moyens du versement effectif de l’indemnité. - Production du contrat d’assurance (conditions particulières + conditions générales). |
- Preuve par tous moyens du versement effectif de l’indemnité. - Production d’une quittance subrogative exprimant la volonté expresse de l’assuré. Permet de bénéficier de la subrogation lorsque la police a disparu ou lorsqu’on ne souhaite pas produire le contrat d’assurance. |
Effets | Transfert des droits de l’assuré à son assureur dans la limite de l’indemnité reçue par l’assuré. | Transfert des droits de l’assuré à son assureur dans la limite de l’indemnité reçue par l’assuré. |
Prescription | Prescription applicable à l’action en responsabilité de l’assuré contre le tiers responsable. | Prescription applicable à l’action en responsabilité de l’assuré contre le tiers responsable. |