La teneur des échanges lors de l’entretien préalable a souvent une incidence dans le contentieux prud’homal qui peut le suivre. Pour en faire la preuve, les salariés sont en mesure de produire, dans le cadre de l’instance, le compte rendu d’entretien préalable dressé par la personne qui les a assisté lors de l’entretien.
Cette possibilité est-elle également offerte au représentant de l’employeur lors de l’entretien préalable ?
Les juridictions prud’homales avaient tendance à répondre à cette question par la négative, en vertu du principe suivant lequel nul ne peut se constituer de preuve à lui-même.
Dans cette affaire notamment, où le salarié, licencié pour insubordination et pour avoir proféré des insultes à l’encontre de sa supérieure hiérarchique, a entrepris de contester son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes.
L’employeur soutenait pour sa défense que le salarié avait reconnu les faits lors de l’entretien préalable et produisait à l’appui de cette argumentation des attestations rédigées par deux responsables qui l’avaient représenté lors de cet entretien, le responsable des ressources humaines et une chef de service.
Assez classiquement, la Cour d’Appel avait rejeté ces attestations, ce rejet étant fondé sur le principe suivant lequel nul ne peut se constituer de preuve à lui-même : « Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que, nul ne pouvant témoigner pour soi-même, il y a lieu d’écarter des débats les attestations du responsable des ressources humaines et de la responsable de l’unité Fer, qui avaient représenté l’employeur lors de l’entretien préalable au licenciement ».
Cette motivation est cassée par la Cour de cassation qui considère que la preuve est libre en matière sociale, et qu’il appartient simplement aux juges d’apprécier souverainement la force probante des attestations versées aux débats.
La Cour de cassation fait ici l’application d’un principe posé dans un arrêt de la chambre sociale du 27 mars 2001 (pourvoi n° 98-44.666, Bull. 2001, V, n° 108) dans lequel elle avait rappelé qu’en matière prud’homale la preuve étant libre, rien ne s’opposait à ce que le juge prud’homal retienne une attestation établie par le conseiller du salarié qui l’avait assisté pendant l’entretien préalable au licenciement. A charge pour le juge d’en apprécier souverainement la valeur et la portée.
Dans cette même veine, Il a été également jugé que la circonstance qu’un salarié, agissant comme représentant de l’employeur, procède au licenciement d’un autre salarié, n’est pas de nature à le priver de la liberté de témoigner en justice en faveur de la personne dont le contrat de travail a été rompu (Soc., 4 avril 2006, pourvoi n° 04-44.549, Bull. 2006, V, n° 135).
C’est donc logiquement qu’elle juge ici que l’employeur bénéficie de la même liberté de produire des attestations portant compte rendu de l’entretien préalable par les personnes qui l’ont mené.
Il convient néanmoins de limiter la portée de cette décision. La Cour de cassation considère simplement ici que le fait que l’attestation soit produite par l’employeur ne suffit pas à l’écarter des débats. Les juges du fond ne peuvent donc pas l’écarter pour ce seul motif mais demeurent parfaitement libres d’en apprécier la force probante.
Cette faculté peut néanmoins s’avérer précieuse dans les affaires où, comme en l’espèce, l’employeur ne dispose pas d’autre moyen que le témoignage du personnel d’encadrement pour rapporter la preuve des faits qui ont conduit à la sanction du salarié.