1/ L’intérêt à agir.
Le droit de contester le scrutin législatif appartient :
- À toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l’élection,
- Ainsi qu’aux personnes qui ont fait acte de candidature (perdants).
A contrario, les opérations électorales ne peuvent donc pas être contestées par les partis politiques, les associations, ou les personnes publiques (article 33 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).
Le scrutin législatif d’une circonscription ne peut par ailleurs pas être contesté par un électeur d’une autre circonscription.
2/ La juridiction compétente.
Il résulte de l’article 59 de la Constitution que le Conseil constitutionnel est seul compétent pour connaître de la régularité des élections législatives :
- « Le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l’élection des députés et des sénateurs ».
Un recours contre le scrutin législatif porté devant le Tribunal Administratif ou le Conseil d’Etat sera donc irrecevable.
Les recours devront donc être adressés au 2 Rue de Montpensier, 75001 Paris.
3/ Les délais pour agir, et les modalités concrètes d’exercice du recours.
L’élection d’un député peut être contestée devant le Conseil constitutionnel jusqu’au dixième jour qui suit la proclamation des résultats de l’élection, au plus tard à 18 heures (article 33 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).
Ainsi, les recours contre les élections législatives de 2017 devront être déposés au secrétariat général du Conseil constitutionnel au plus tard :
- Le mercredi 21 juin 2017 à 18 H pour une élection acquise au premier tour,
- Ou le mercredi 28 juin 2017 à 18 H pour une élection acquise au second tour.
On note toutefois que les résultats sont généralement proclamés le lundi qui suit le tour de scrutin au terme duquel l’élection est acquise, ce qui porte le délai de recours aux jeudis 22 et 29 juin 2017, mais il convient d’être prudent en la matière.
Toutes les personnes ayant intérêt à agir contre le scrutin ont le choix d’adresser leur requête :
- Directement au Secrétariat général du Conseil constitutionnel,
- Ou indirectement, au Préfet, qui assurera lui-même la transmission au Conseil constitutionnel.
On conseillera toutefois aux requérants de préférer la voie directe, en adressant leur requête au Secrétariat général du Conseil constitutionnel par LRAR (afin de conserver la preuve de l’envoi dans les délais). L’intermédiaire du Préfet pourrait en effet poser difficultés en matière de computation des délais (en cas de litige) et n’apporte pas de plus-value supplémentaire sur la requête.
4/ La présentation de la requête.
Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi que par une requête écrite adressée au secrétariat général du Conseil ou au représentant de l’Etat.
De manière traditionnelle s’agissant d’un contentieux administratif, la requête en contestation d’un scrutin législatif devra impérativement :
- Être signée par le requérant,
- Comporter ses nom, prénom, domicile, et qualité (électeur / candidat vaincu),
- Indiquer de manière précise et non équivoque le nom des élus dont l’élection est attaquée,
- Mentionner les irrégularités relevées (seuls les griefs pouvant exercer une influence sur les résultats de l’élection seront examinés par le Conseil).
La requête n’a pas d’effet suspensif : le député proclamé élu continue d’exercer son mandat tant qu’aucune décision d’annulation n’a été rendue.
Elle est dispensée de tous frais de timbre ou d’enregistrement (Article 35 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).
5/ L’instruction.
Le Conseil constitutionnel dispose de la faculté de rejeter par décision motivée et sans instruction contradictoire préalable, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui ne peuvent manifestement pas avoir une influence sur les résultats de l’élection. Cette décision est immédiatement notifiée à l’Assemblée nationale (Article 38 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).
Il convient donc de prêter une attention particulière à la rédaction de la requête pour ne pas risquer l’irrecevabilité, et le rejet sans instruction par le Conseil Constitutionnel.
Dans l’hypothèse d’une requête recevable, le Conseil Constitutionnel avise le député dont l’élection est contestée du recours, et lui donne un délai de son choix pour produire des observations écrites, dans le respect du contradictoire.
Dès réception de ces observations ou à l’expiration du délai imparti pour les produire, l’affaire est rapportée devant le Conseil qui statue par une décision motivée. Cette décision est notifiée à l’Assemblée nationale.
Cette procédure rappelle ici encore l’importance de la bonne rédaction de la requête initiale, puisque le Conseil Constitutionnel est en capacité juridique de statuer sur la base de cette seule requête, et de la réponse adverse, sans attendre de mémoire complémentaire.
Dans le cadre de l’instruction, le Conseil Constitutionnel peut, si besoin, ordonner une enquête et se faire communiquer tous documents et rapports ayant trait à l’élection (notamment les comptes de campagne établis par les candidats intéressés). Il peut également procéder à l’audition des parties et entendre des témoins. En 2012, le Conseil a procédé à huit auditions.
6/ Les irrecevabilités.
L’irrecevabilité peut d’abord résulter du caractère prématuré de la requête. En effet, contester les résultats au soir du premier tour pour une élection acquise au second tour est inutile : la requête sera irrecevable. Il convient donc de bien veiller à attaquer le scrutin après le second tour (le cas échéant), en invoquant éventuellement à l’appui de la requête des moyens liés à l’irrégularité du premier tour de scrutin. Pour des exemples de 2012, voir :
- Décision n° 2012-4546, (Français établis hors de France, 11e),
- Décision n° 2012-4547, (Hauts-de-Seine, 7e),
- Décision n° 2012-4548, (Hauts-de-Seine, 6e),
- Décision n° 2012-4550, (Paris, 2e).
L’irrecevabilité peut également résulter de la tardiveté de la requête. On veillera donc à bien respecter les délais pour agir (voir les délais supra). En 2012, de nombreuses requêtes ont été irrecevables pour tardiveté :
La requête sera aussi irrecevable si elle est déposée auprès d’une autorité incompétente pour la recevoir comme le Tribunal administratif. Pour un exemple, voir la Décision n° 2012-4582 (Nord, 9e).
Enfin, l’irrecevabilité sera constatée lorsque la requête contient uniquement des moyens ne tendant pas réellement à l’annulation de l’élection du député : il s’agit de griefs insusceptibles d’exercer une influence sur l’issue du scrutin. Ainsi, à titre d’exemples, de :
- La seule présence d’un candidat au premier tour (Décision n°2012-4562, Nord, 13e),
- Le seul contenu d’affiches électorales (Décision n°2012-4573, Seine-Maritime, 10e).
Une bonne rédaction de la requête permettra d’éviter toute irrecevabilité.
7/ Les moyens invocables.
Tout moyen peut être invoqué par les requérants pour démontrer la nullité du scrutin (ex : irrégularités des affiches électorales, tracts, démarchage irrégulier sur internet ou par téléphone, fausses procurations, comptes de campagnes, pressions par intimidation ou corruption, différences de signatures d’électeurs entre le premier et le second tour, vices des opérations électorales, etc.).
On conseillera donc aux équipes de campagne des candidats de bien surveiller et relever toutes les irrégularités constatées, surtout pendant les opérations électorales, quitte à faire le tri au lendemain de l’élection.
L’annulation du scrutin ne sera toutefois encourue qu’en cas de griefs précis, démontrés, établis en fait, et susceptibles d’exercer une influence sur l’issue du scrutin en raison d’un faible écart de voix.
En 2012, le Conseil Constitutionnel a été saisi de 108 requêtes, et n’a prononcé que 7 annulations.
A titre d’exemples :
- Dans la 6ème circonscription de l’Hérault, le Conseil a invalidé 23 procurations, et annulé par conséquent l’élection acquise avec une avance de dix voix (Décision n° 2012-4590 A.N., 24 octobre 2012, Hérault 6e circ.),
- Dans l’Oise, la diffusion tardive d’un tract a altéré la sincérité du scrutin et invalidé ce dernier, acquis avec 63 voix d’écart (Décision n° 2012-4594 A.N., 25 janvier 2013, Oise 2e circ.),
- Dans les Hauts-de-Seine, l’élection a été annulée car le suppléant du candidat élu était déjà le remplaçant d’un sénateur élu (Décision n° 2012-4563/4600 A.N., 18 octobre 2012, Hauts-de-Seine 13e circ.).
Plus l’écart de voix sera faible, plus l’hypothèse d’un recours devra donc être sérieusement envisagée par les candidats.
8/ Les pouvoirs du Conseil Constitutionnel – les conséquences du recours.
Le Conseil Constitutionnel dispose d’un pouvoir très large en matière électorale et peut notamment :
- Rejeter la requête et valider l’élection,
- Annuler l’élection (dans la circonscription concernée),
- Réformer les résultats et proclamer élu un autre candidat.
L’annulation du scrutin législatif dans une circonscription est loin d’être exceptionnelle, le Conseil Constitutionnel ayant déjà prononcé 63 annulations en la matière depuis sa création en 1958.
On note toutefois que le Conseil Constitutionnel n’a jamais encore proclamé élu un candidat à la place d’un autre, bien qu’il ait tout à fait pouvoir pour ce faire. La tendance est donc plutôt à l’annulation du scrutin en cas d’irrégularités, et à laisser les électeurs se prononcer à nouveau.
9/ Les délais de jugement et les possibilités de recours contre la décision rendue.
Aucun délai n’est fixé au Conseil Constitutionnel pour rendre sa décision. Le délai de jugement variera donc en fonction de la complexité des irrégularités relevées.
Il convient de rappeler que le député élu restera en place jusqu’à l’éventuelle décision d’annulation.
En application de l’article 62 de la Constitution, l’autorité de la décision rendue par le Conseil Constitutionnel est absolue : aucun recours n’est possible.
La décision du juge constitutionnel n’a toutefois d’effet juridique qu’en ce qui concerne l’élection dont il est saisi (circonscription concernée).
Enfin, si le recours à un avocat est facultatif en matière électorale devant le Conseil Constitutionnel, les conseils et l’expérience du professionnel s’avèrent néanmoins pertinents et efficaces pour contester valablement le scrutin législatif.
Discussions en cours :
J’ai contesté les élections sénatoriales du 24 septembre 2017 en Martinique. j’ai choisi la LRAR. La requête avait été postée le 2 octobre à 15h06 et un mémoire ampliatif le 4 octobre à 9h 12
Le CC dit les avoir reçus le 6 et 9 octobre et les a considéré comme "tardifs", puisque dit-il on avait jusqu’au 4 octobre à 18h.
Manifestement, puisque on pouvait déposer la requête à 18 h au plus tard à la préfecture de Martinique...ce n’est pas l’heure d’arrivée au CC qui compte, mais,le cachet de la poste faisant foi, l’heure de l’envoi postal.
Ma requête n’était pas pas tardive. Mais elle contenait une contestation du cadre dans lequel se tenait cette élection : "la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM)" illégalement créée : a)par 3 Faux et usage de Faux par le Conseil d’Etat(CE), b) le refus du CE de transférer au delà de 3 mois une QPC qui contestait cette CTM. c)le refus du CC d’appliquer sa propre jurisprudence dite "BUBENHEIMER" (12 janvier 2012). d) le refus du CC de revoir la Conformité à la constitution à la loi créant cette CTM, malgré les "changement de circonstance de droit et de fait" survenus par les FAUX du CE. Alors le CC s’est caché derrière une "tardiveté" inventée pour ne pas avoir à examiner la requête et la QPC associée. Il ne reste plus qu’à solliciter la CJUE en application de l’article 267 du TFUE. Si vous voulez m’aider, diffusez ce post. merci vendredi 22 décembre 2017
JV
Au vu de l’actualité bouillonnante, la question qui se pose ce soir : Est-ce que le fait de refuser l’accès à des assesseurs est de nature à influencer les résultats d’une élection ? Je dirais à priori que non puisqu’au vu de l’article et de la jurisprudence que vous citez, il semblerait qu’il s’agisse de faits en amont (cas de corruption électorale, irrégularités des listes) propres par exemple à jouer sur le choix du votant ou encore à accueillir des suffrages qui, normalement ne devraient pas l’être. Or, au moment du décompte des bulletins, la présence ou l’absence de représentants des candidats participe "juste" à la sincérité du dépouillement et non à la détermination des résultats.
Si mon raisonnement est juste, quel autre moyen pourrait être invoqué et devant quelle instance ? Je pose cette question sans avoir connaissance de la sanction prévue pour de tels faits.
En temps qu’électeurs, nous n’avons reçu aucune profession de foi dans notre boite aux lettres sauf celle de En marche. Il y a 15 candidats et nous n’en recevons qu’une seule. Est-ce un motif légitime pour faire un recours ?
Même souci dans le Gard ou nous avons reçu que partiellement les professions de foi. Est-ce une cause d’annulation potentielle ?