Aucun texte ne précise le régime de la preuve des jours travaillés dans le cadre d’une convention de forfait-jours.
Selon les principes du droit commun :
- - « À l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder » (article 6 du Code de procédure civile) ;
- - « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » (article 9 du Code de procédure civile) ;
- - « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » (article 1315 du Code civil).
Par dérogation, l’article L. 3171-4 du Code du travail, sur la preuve des heures supplémentaires, dispose :
« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
En l’espèce, un salarié au forfait jours réclamait, après son licenciement pour faute grave, une somme au titre de jours travaillés au-delà du forfait.
Par arrêt du 6 juillet 2011, la Cour de cassation lui donne raison sur ce point en jugeant :
« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d’une convention de forfait jours, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; ainsi la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l’employeur est tenu de lui fournir » (Cass. soc., 6 juillet 2011, n°10-15050).
Ainsi, la Haute Juridiction retient, comme régime de la preuve des jours travaillés par un salarié relevant d’une convention de forfait jours, celui issu de l’article L. 3171-4 du Code du travail sur la preuve des heures supplémentaires.
Il s’agit là de la confirmation d’une jurisprudence récente (voir aussi Cass. soc., 23 septembre 2009, n°08-41377 ; Cass. soc., 7 décembre 2010, n°09-42626 ; Cass. soc., 11 janvier 2011, n°09-65415 ; Cass. soc. 4 mai 2011, n°09-71003).
Sans fondement textuel, cette solution prétorienne n’est justifiée que par la volonté de la Cour de cassation de répartir la charge de la preuve entre le salarié et l’employeur.
La présente affaire est d’autant plus intéressante que l’employeur, qui ne produisait pas le document de contrôle prévu par la convention collective applicable, reprochait aux juges du fond d’avoir considéré que ce document de contrôle était le seul mode de preuve recevable sans examiner ni les éléments fournis par le salarié ni les autres pièces que l’employeur communiquait par ailleurs.
Ainsi, avant même de s’hasarder à remettre en cause la validité de la convention de forfait en jours, le salarié peut déjà en contester très simplement les modalités d’exécution.
Une raison de plus pour que l’employeur soit particulièrement vigilant quant aux documents de contrôle du temps de travail de ses cadres au forfait.