Les directives communautaires
Dans un contexte politique où les investigations relatives aux enjeux de la mondialisation en matière d’emploi, et, où les réflexions quant à l’émergence d’un dialogue international trouvent une place centrale dans les préoccupations du Bureau International du Travail [1] (BIT), il serait tout à fait singulier de ne pas observer les règles juridiques universelles ou européennes [2] applicables à la GPEC.
Le « droit communautaire du travail et de l’emploi » [3] n’a donc pas manqué de marquer son attachement au problème juridique de la GPEC, contribuant par là même à en faire un sujet d’actualité, notamment en ce qui concerne les licenciements économiques. La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs [4], dite charte sociale, rappelle le droit « d’information, de consultation et de participation », inhérent à tous travailleurs, en cas de « restructurations ou de fusion des entreprises affectant l’emploi des travailleurs ». L’ensemble de ces droits sont d’ailleurs repris dans la Charte des droits fondamentaux de Nice du 7 décembre 2000 [5].
Les directives de 1975 sur les licenciements collectifs et de 1977 sur les transferts d’entreprise [6], précisaient déjà que les États membres avaient l’obligation de prévoir dans leur droit interne, l’information et la consultation des représentants des travailleurs. Ce principe fondamental a par ailleurs été reprécisé par la directive « Vilvorde » [7] de 2002, autorisant la prise en considération de « choix économiques moins coûteux en emplois ». La directive préconise ainsi de renforcer le dialogue social afin d’anticiper les risques de restructuration. « La notion de dialogue social permet donc d’introduire, quoique de manière peu explicite, l’idée d’une certaine anticipation » [8]. Le droit européen de la consultation apparaît ainsi beaucoup plus strict que le droit français en la matière. Alors que le droit français assimile la consultation à un simple avis, le droit européen, associe la consultation à un véritable processus de négociation. T. Grunmbach, avocat des syndicats dans l’affaire « Vilvorde », précisera d’ailleurs que « le droit de l’union, c’est information/négociation/consultation. Le droit français, c’est information/consultation » [9].
La directive du 22 septembre 1994 sur les comités d’entreprises européens [10], occupera également une place de choix parmi les textes fondateurs d’une gestion préventive de l’emploi, en précisant que l’entreprise a l’obligation d’informer et de consulter les membres du comité notamment en cas de « délocalisation, de fermetures d’entreprises […] ou de licenciements collectifs ».
Outre ces directives, un certain nombre d’autres outils communautaires sont à l’origine d’un véritable plébiscite en faveur de l’anticipation et de la gestion préventive de l’emploi.
Les autres outils communautaires
Le droit communautaire a contribué à la mise en œuvre d’une gestion sociale et préventive des restructurations, par l’intermédiaire de divers instruments communautaires incitant à la consultation des partenaires sociaux. La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie au travail (Eurofound.) [11] de Dublin crée en 1975, a ainsi eu pour principal objet, comme son nom l’indique, l’amélioration des conditions de vie et de travail en Europe. L’observatoire européen du changement mis en place au sein de cette même Fondation européenne, a ainsi été institué en 2001 afin d’initier une véritable politique d’ « anticipation et de gestion du changement ». L’European Restructuring Monitor (ERM), crée en 2002, viendra également compléter cet arsenal européen en jouant un rôle d’anticipation, en assurant le recensement des cas de restructurations de l’ensemble des états membres.
Les préoccupations européennes en matière d’anticipation et de prévention des restructurations, ont également conduit à l’élaboration du rapport dit Gyllenhammar [12], intitulé « gérer le changement » et publié par la commission européenne en novembre 1998.
Toujours soucieuse de renforcer le dialogue social au niveau européen [13], la commission européenne a présenté, suite au rapport Gyllenhamamar, une communication en 2002 sous la dénomination : « Anticiper et gérer le changement : une approche dynamique des aspects sociaux des restructurations d’entreprises ». Cette communication a été l’occasion pour les partenaires sociaux interprofessionnels [14] de s’impliquer et de participer aux débats, afin d’identifier les meilleurs pratiques permettant d’anticiper et de gérer les restructurations. Les partenaires sociaux interprofessionnels ont ainsi produit des « orientations de référence pour gérer le changement et ses conséquences sociales » [15], le 16 mai 2003. Ces débats d’experts sur les méthodes permettant d’anticiper et gérer le changement ont été suivis d’une deuxième communication le 31 mars 2005, intitulée « restructurations et emploi. Anticiper et accompagner les restructurations pour développer l’emploi : le rôle de l’union européenne » [16]. Cette communication sera donc une nouvelle occasion pour la commission européenne de marquer son attachement au dialogue social, comme outil d’anticipation des restructurations au niveau européen.
In fine, rappelons qu’en matière jurisprudentielle, la Cour de Justice des Communautés Européennes a rappelé dans un arrêt du 18 janvier 2007 [17], la « dimension régulatrice du droit social communautaire » en matière d’information-consultation des représentants du personnel.
Le droit communautaire a donc très largement affiché ses préoccupations en matière de gestion préventive des emplois, en tant que moyen permettant d’anticiper les restructurations. En droit français, la loi BORLOO viendra conforter ces aspirations en instituant une véritable obligation triennale de négocier la GPEC.