1. La procédure de constatation de l’inaptitude
Par principe, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a réalisé [1] :
1° Une étude de ce poste ;
2° Une étude des conditions de travail dans l’entreprise ;
3° Deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.
A titre exceptionnel, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu’un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de 30 jours au plus, l’avis d’inaptitude peut être délivré en un seul examen [2].
Si le texte est clair, il peut arriver que le médecin du travail ne respecte pas ses dispositions, contraignant l’employeur à intervenir pour sécuriser la procédure.
1.1. Délai entre les deux examens médicaux
Le respect du délai de deux semaines entre les deux examens médicaux est une obligation fondamentale.
En effet, la Cour de cassation considère qu’est nul le licenciement prononcé en raison de l’état de santé d’un salarié dont l’inaptitude n’a pas été constatée, conformément aux termes de l’article R. 4624-31 du Code du travail, à l’issue de deux examens médicaux espacés d’un délai minimum de deux semaines [3].
En l’espèce, le second examen médial avait été effectué dans le délai de 13 jours après la première visite.
L’employeur doit donc vérifier si deux semaines se sont bien écoulées entre les consultations successives du médecin du travail.
Le cas échéant, il doit également prendre l’initiative de faire convoquer le salarié au second examen.
En sens inverse, un second avis d’inaptitude rendu plus de 15 jours après le premier ne peut pas être considéré comme permettant de constater régulièrement l’inaptitude [4].
Dans un tel cas, il appartient à l’employeur de se rapprocher du médecin pour recommencer la procédure d’inaptitude.
1.2. Etude de poste et des conditions de travail
Avant de déclarer le salarié inapte à son poste, le médecin du travail doit procéder à l’étude de ce poste et des conditions de travail dans l’entreprise.
Pour l’administration, une telle étude s’impose même lorsque le salarié est déclaré inapte à l’issue d’un seul examen médical [5].
La Cour de cassation considère qu’il n’appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur le respect, par le médecin du travail, de son obligation de procéder à une étude de poste et des conditions de travail dans l’entreprise [6].
Toutefois, il est recommandé d’inviter le médecin du travail à respecter les dispositions légales, au besoin.
1.3. Examen médical unique
Comme indiqué ci-dessus (§ 1), l’inaptitude peut être constatée à l’issue d’un seul examen lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers.
L’avis du médecin du travail doit impérativement mentionner le « danger immédiat », sous peine de nullité du licenciement notifié sur le fondement de cet avis [7].
Dans un arrêt postérieur, la Cour de cassation a toutefois admis la validité de l’avis d’inaptitude indiquant, outre la référence à l’article R. 4624-31 du Code du travail, qu’une seule visite est effectuée [8].
Dans tous les cas, l’employeur doit donc vérifier les mentions de l’avis d’inaptitude.
NB. La référence au danger immédiat ou à l’article R. 4624-31 doit figurer dans l’avis d’inaptitude et non dans une lettre d’accompagnement du médecin [9].
2. Le libellé de l’avis d’inaptitude
Même si l’avis d’inaptitude a été rendu selon les formes requises, l’employeur doit être vigilant sur ses termes.
En effet, un avis d’inaptitude ambigu ne permet pas de procéder au licenciement du salarié.
L’employeur dispose d’ailleurs d’un recours administratif pour contester la décision du médecin du travail.
2.1. Avis ambigu
Certains avis du médecin du travail sont ambigus en ce qu’ils ne déclarent pas le salarié inapte à son poste mais contiennent des restrictions ou prescriptions telles que le salarié ne peut plus l’occuper.
Pour la Cour de cassation, l’avis du médecin du travail sur l’aptitude du salarié à occuper un poste de travail s’impose aux parties et il n’appartient pas aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail [10].
Il en résulte que l’employeur ne peut pas considérer qu’un avis d’aptitude avec réserves constitue un avis d’inaptitude, même si l’ampleur de ces réserves interdit de facto le maintien du salarié à son poste.
Au contraire, l’employeur doit interroger le médecin du travail afin qu’il se prononce plus clairement sur l’aptitude -ou l’inaptitude- du salarié.
Cette démarche implique, outre la modification du libellé de l’avis d’inaptitude, le respect de la procédure applicable à la déclaration de l’inaptitude (§ 1).
Si le différend persiste entre le médecin du travail et l’employeur, ce dernier peut former un recours administratif contre l’avis litigieux.
2.2. Recours administratif
Selon l’article L. 4624-1, alinéa 3 du Code du travail, « en cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. »
Ce recours administratif peut viser un avis d’aptitude ou d’inaptitude, professionnelle ou non, mais aussi des propositions d’aménagement de poste.
Il doit être adressé, dans un délai de 2 mois, par tout moyen permettant de lui conférer une date certaine, à l’inspecteur du travail dont relève l’entreprise. La demande énonce les motifs de la contestation [11].
NB. Le salarié déclaré inapte à son poste n’a pas l’obligation d’informer l’employeur de l’exercice d’un recours administratif contre l’avis du médecin du travail [12]. Des difficultés pratiques peuvent alors surgir puisque le salarié peut être licencié sur le fondement d’un avis d’inaptitude invalidé ultérieurement. Dans ce cas, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse…
Saisi d’un recours, l’inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail dans le champ de compétence géographique duquel se situe le service de santé au travail [13].
La décision de l’inspecteur du travail peut être contestée dans un délai de 2 mois devant le ministre chargé du travail [14].
Elle peut également faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, selon les règles de droit commun.
En revanche, en l’absence de contestation de l’avis du médecin du travail, celui-ci s’impose aux parties qui ne peuvent le contester devant le Conseil de prud’hommes [15].
Discussions en cours :
Bonjour pour ma part j’ai contesté l’avis inaptitude que j’ai eu car la restriction n’avait aucun lien avec mon état de santé,l’inspection du travail a même annulé cette avis car il présentait des anomalie(visite de prereprise qualifié de reprise alors que j’étais encore en arrêt à ce moment la) ,étude de poste faite dans les locaux de la médecine du travail et non dans l’entreprise........
et l’inspection du travail émet un nouvel avis avec les bonnes restrictions.
Les prudhommes ont statué en faveur de mon ancien employeur et non même pris en compte l’irrégularité des visite médical ,,je suis perdu
Bonjour j’ai été déclaré inapte en 1 seul rdv le 11 janvier 2018 le médecin n’avais pas fais d’etude De poste mon employeur a appremment contacter l’an medecine du travail afin que celle ci soit faite nous sommes le 12 février été je dois repasser en médecine du travail je ne comprend pas pourquoi car l’avis étant fais en 1 seul rdv pour danger immédiat ! L’employeur est il tenus de me payer mon mois début salaire ? Je ne sais plus quoi faire si quelqu’un pourrais me repondre svp
Je relève "En sens inverse, un second avis d’inaptitude rendu plus de 15 jours après le premier ne peut pas être considéré comme permettant de constater régulièrement l’inaptitude".
Le délai de deux semaines prescrit par l’article R4624-31 C.trav. est un délai minimum et non maximum. Si la 1ère visite a lieu un lundi, la 2e visite doit avoir lieu au plus tôt le mardi 2 semaines plus tard, soit 15 jours.
Autrement dit, si la 2e visite a lieu au bout de 13 jours, la procédure est nulle. Si elle a lieu au bout de 17 jours la procédure est régulière.
Attention, la jurisprudence fournit des exemples d’avis d’inaptitude déclarés irréguliers en raison d’un délai trop long entre les deux visites.
Xavier Berjot
Les hypothèses où la 2ème visite intervient dans un délai pile-poil de 15j doivent être exceptionnelles pour ne pas dire rarissimes. Le code du travail est précis quant au délai de deux semaines. Certes un abus est toujours sanctionnable. Je suis intéressé par la jurisprudence Cour de Cassation , surtout si elle est abondante !
Dans mon expérience, le second examen se tient systématiquement deux semaines à l’issue de la première visite. En tout état de cause, plus le délai augmente entre les deux visites, plus le risque de remise en cause de l’avis d’inaptitude est important.
Je profite de ce dernier post pour citer une jurisprudence que mes alertes viennent de me signaler :
CE 21 janvier 2015 n° 365124 : il incombe à l’inspecteur du travail saisi d’un recours formé par le salarié à l’encontre de l’avis d’inaptitude d’en avertir l’employeur.
Cette précision se rattache au paragraphe 2.2 de l’article.
Xavier Berjot
je viens de poster un commentaire dans le sens de ceux qui ont déjà été faits mais dont je n’avais pas pris connaissance. Comme un des commentateurs, je suis preneuse de jurisprudence mettant en cause un dépassement du délai de 2 semaines : ancien médecin inspecteur jusqu’en 2010, je n’en ai pas vu passé, et à ma connaissance depuis cette date non plus...
Pour le dépassement possible du délai de 2 semaines, lire les éléments apportés par l’équipe de juristes de l’ISTNF : http://istnf.fr/news-45-1078.html#menu
"Elle peut également faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, selon les règles de droit commun"
Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
A quel sujet peut être fait recours auprès juge adminitratif (contestation de l’avis d’aptitude du médecin du travail ? celui de l’inspection du travail ? celui de ministère ?
Délai de recours ? ....
Auriez-vous donc la juriceprudence au sujet des délais qui ne respectent pas les 15 jours strictes ?
Je suis d’accord avec les 2 derniers commantaires. Je pense que lorsque le délais est raisonnable, entre 15 jours et un mois avant la 2è visite (exemple si on attend un examen complémentaire ou que la visite du poste ou de l’entreprise n’a pas pu se faire dans le délais de 15 jours), il n’y a pas de jurisprudence qui a cassé, pour ce motif, un avis d’aptitude.
Bonjour
Pour être clair : le dépassement du délai de 2 semaines entre les 2 examens de la procédure d’inaptitude est possible mais doit rester "raisonnable" (laissé à l’appréciation du médecin, avec éventuel recours administratif de la part du salarié ou de l’employeur en cas de désaccord avec le caractère "raisonnable"). La jurisprudence citée (arrêt de cour de cass. 16 mai 2000) ne traite pas de cette problématique mais de l’obligation de reclassement. Un dépassement du délai de 2 semaines peut être nécessaire à certains examens complémentaires médicaux, ou à certaines études de poste, par exemple pour explorer d’éventuelles solutions ergonomiques qui permettraient d’aménager le poste et donc finalement de maintenir le salarié en emploi, ou au contraire confirmer l’impossibilité d’aménagement et donc l’inaptitude .