Le plus souvent le contact de ces contribuables avec l’administration fiscale consiste à recevoir une invitation à déclarer le compte à l’étranger. L’administration indique qu’elle connaît l’existence de ce compte à l’étranger (c’est notamment le cas pour ceux qui étaient sur les listes HSBC qui ne sont pas régularisés) et invite le contribuable à le déclarer spontanément. L’administration se fonde sur l’article L23 C du livre des procédures fiscales pour former cette demande de renseignement, et brandit en quelque sorte la menace d’en appliquer la disposition. Comment réagir face à cette demande ?
Globalement vous avez deux possibilités. La première réaction serait de tenter la démarche de régulariser ; l’administration connait l’information et vous choisissez d’aller négocier avec l’administration fiscale une solution qui soit acceptable, ce que l’administration fait encore pour le moment. Dans ce cas, il faudra bien justifier l’origine des fonds, justifier que ce sont des sommes qui ne sont pas taxables, parce qu’elles constituent une succession qui est prescrite ou des sommes qui ne seraient éventuellement pas imposables en France.
La deuxième réaction consiste à écrire à l’administration fiscale que vous n’êtes pas disposé à répondre en soutenant que cet article L23 C du livre des procédures fiscales n’est pas conforme au droit européen. Pourquoi peut-on soutenir que cet article n’est pas conforme au droit européen ? Il faut savoir que cet article de loi est né par une loi du 29 décembre 2012, donc après la révélation de l’étendue des comptes à l’étranger. L’argumentation qu’on peut essayer de soutenir est que l’article L23 C tel qu’il est monté aujourd’hui créé une présomption du fait que les sommes figurant sur un compte à l’étranger sont une libéralité taxable à 60% ; c’est-à-dire qu’on présume que les sommes qui figurent sur un compte à l’étranger sont le fruit d’une donation qui vous aurait été faite par quelqu’un avec qui vous n’avez aucun lien de parenté, et par conséquent seraient imposables à 60%.
Face à cette argumentation, on peut soutenir une illégalité de cet article au regard du droit européen sous deux angles : d’abord soutenir que l’argent qui figure sur ce compte existe depuis une période antérieure à la loi du 29 décembre 2012 et qu’en fait c’est une loi presque rétroactive qui vous serait appliquée. Et surtout, vous pouvez soutenir que cette disposition, l’article L23 C du LPF et le renvoi à l’article sur les droits de mutation au taux de 60%, doit s’analyser en réalité comme une sanction fiscale ; ce ne sont pas des droits que l’on vous demande, ni des impôts, ni des droits de mutation, mais c’est une sanction ; dès lors que c’est une sanction vous pouvez soutenir qu’il y a une inégalité des armes entre le contribuable et l’administration fiscale, puisqu’on a créé de toutes pièces un article de loi pour venir sanctionner rétroactivement un contribuable.
Jusqu’à présent l’administration fiscale dans les dossiers que j’ai eu à traiter considère que ce n’est pas une sanction, que les droits de mutation sont des droits et un impôt mais je pense que cette position pourra difficilement tenir pour plusieurs raisons. D’abord, on peut très bien dire que l’article L23 C du LPF ne s’applique qu’à l’égard des contribuables qui sont défaillants dans le fait d’avoir régulièrement déclaré leur compte à l’étranger, donc c’est déjà une sorte de réaction à une défaillance de la part du contribuable ; c’est un premier point.
Ensuite, la manière dont est organisée l’imposition - à savoir présumer que ce sont des droits de mutation à 60 % dès lors qu’il s’agit de sommes figurant sur un compte lui-même non déclaré - est aussi une forme de sanction.
On dispose de jurisprudence qui a été rendue sur le sujet de la taxation à 60%, notamment dans l’affaire dite des témoins de Jéhovah. C’est une anecdote mais qui peut présenter un intérêt.
En 2004, les témoins de Jéhovah ont été fortement redressés et taxés parce que cette association figurait sur un rapport parlementaire où on dénonçait les témoins de Jéhovah comme étant une secte. Pour pouvoir la sanctionner, on avait tenté de le faire par le biais de l’imposition, et cette association a eu une vérification de comptabilité. Elle a montré qu’elle était à caractère non lucratif, qu’elle était tout à fait dans les clous de son activité, qu’elle recevait des dons et qu’elle n’avait pas d’activité commerciale. Pour autant, l’administration fiscale a considéré qu’à l‘occasion de la vérification de la comptabilité, cette association aurait révélé spontanément des dons et elle l’a donc taxée à 60 %. Cette association s’est battue en première instance, elle a perdu au tribunal de Nanterre ; elle s’est ensuite battue en appel et a perdu à Versailles et elle a même perdu en cassation.
Elle a donc dû entreprendre une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme qui a sanctionné la France pour violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, considérant que par une simulation ou une création de droits de mutation fictifs, on avait voulu en réalité sanctionner cette association. Et la France a été condamnée ; cette décision n’a pas été extrêmement diffusée médiatiquement, mais la question de la légalité des 60 % a bien été remise en cause à l’occasion de cette jurisprudence-là.
En réalité, je pense qu’il y a une forme d’analogie entre le dispositif qui a été créé par la loi L23 C du LPF et le dispositif dont j’ai parlé juste avant. Donc si l’administration vient vous menacer ou vous actionner sur le terrain de l’article L23 C du LPF et que votre compte n’est pas régularisable pour beaucoup de raisons - ce n’est pas le lieu pour en parler - évidemment que vous pouvez tenter de vous battre notamment en soulevant l’illégalité de l’article L23 C du LPF.
Discussion en cours :
Cela me semble pouvoir être défendu devant les différentes juridictions.