Cette question constituait en quelque sorte l’enjeu de la saisine de la Cour de cassation pour avis par un Conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Poitiers.
En effet, celui-ci avait interrogé la Cour suprême ainsi :
« Dans la procédure d’appel en matière civile contentieuse avec représentation obligatoire, la signification des conclusions de l’appelant à la personne de l’intimé qui n’a pas constitué avocat, délivrée au cours du délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel, et avant le commencement du délai subséquent d’un mois imparti par l’article 911 du code de procédure civile, fait-elle courir envers l’intimé le délai bimestriel pour conclure imparti par l’article 909 du même code ? »
L’idée sous-jacente était éventuellement de permettre de différer automatiquement le délai de deux mois imposé par les articles 909 et 910 du Code de procédure civile de la durée complète prévue à l’article 911, en cas d’absence de constitution d’avocat par la partie intimée.
La Cour de cassation n’a pas souhaité répondre positivement à cette problématique.
Selon son avis n°14-70.008 en date du 6 octobre 2014 (BICC 15 janvier 2015), la Cour de cassation a précisé que :
« lorsque l’appelant a remis des conclusions au greffe, dans le délai de trois mois fixé par l’article 908 du code de procédure civile, alors que l’intimé n’avait pas constitué avocat, la notification de ces conclusions à l’intimé faite dans ce délai ou, en vertu de l’article 911 du même code, au plus tard dans le mois suivant son expiration constitue le point de départ du délai dont l’intimé dispose pour conclure, en application de l’article 909 de ce code »
Ainsi, le délai de deux mois visé par les articles 909 et 910 démarre, pour l’intimé n’ayant pas constitué avocat devant la Cour d’appel, dès la signification des conclusions de l’appelant et avant même que ne débute ne délai supplémentaire d’un mois pour procéder à la signification.
L’article 911 ne fixe en réalité qu’un délai butoir à l’appelant pour effectuer la notification de ses conclusions à l’intimé défaillant et ne permet pas de computer les délais des articles 909 et 910.
En pratique, il convient pour l’intimé – et son conseil - de surveiller le délai qui court par application des dispositions de l’article 909 ou 910 pour notifier ses propres conclusions et ce, à peine d’irrecevabilité de celles-ci.
L’acte de signification des conclusions ou l’acte de notification à avocat constitue le point de départ du délai pour conclure.
Pour l’intimé, il appartient donc d’être particulièrement vigilant sur la dénonciation de ses conclusions par l’appelant, d’autant plus que cette dénonciation est parfois concomitante avec la dénonciation de la déclaration d’appel prévue à l’article 902 du code de procédure civile et peut engendrer une confusion pour son destinataire.
Discussion en cours :
Cet article est très instructif.
Cependant une question me turlupine, car j’ai une divergence d’opinion avec certains avocats postulants dans mes dossiers d’appel.
Dans une procédure tripartite où je suis intimé constitué, je suis opposé à un appelant et à un intimé défaillant.
J’ai fait procéder à la signification par exploit d’huissier de mes premières conclusions d’intimés à l’intimé défaillant, dans le délai d’un mois à compter de la notification RPVA au Greffe et à l’appelant, et sur ce point la procédure a été respectée.
Toutefois si je produit des conclusions récapitulatives d’intimés et les notifie par RPVA, dois-je à peine d’irrecevabilité de mes nouvelles conclusions signifier de nouveau par huissier ces conclusions à l’intimé défaillant (et ce dans le délai d’un mois à compter de la notification au Greffe) ?
Selon moi non, selon certains de mes postulants oui.
Je précise que je rencontre cette problématique dans une affaire régie par les règles antérieures à la réforme de la procédure d’appel de 2017.
Quel est votre avis sur cette question ?