Après avoir donné naissance à un enfant en mai 2011, une femme a assigné le père en recherche de paternité, ce dernier se désintéressant totalement de l’enfant.
L’expertise biologique a confirmé la paternité du défendeur, la mère exerçant l’autorité parentale exclusive sur le jeune enfant, dont la résidence est fixée chez elle.
La mère sollicitait l’adjonction du nom du père au sien quant au choix du nom de famille de l’enfant.
Sa demande se fondait notamment sur l’article 3 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, selon lequel toutes les décisions concernant un enfant doivent être prises au regard de l’intérêt supérieur de celui-ci. La mère faisait valoir le fait que l’enfant entretenait des relations affectives avec son grand-père paternel, et s’identifiait spontanément comme appartenant aux deux familles, paternelle et maternelle.
Les juges d’appel ont jugé qu’il n’y avait pas lieu à adjonction du nom du père, en motivant leur décision sur « le risque de confronter en permanence l’enfant par le simple énoncé de son nom au rejet dont il est l’objet de la part d’un père qui n’entend pas s’intéresser à lui ».
Devant la Cour de cassation, la mère fait valoir le fait qu’il s’agit là d’un motif hypothétique, qui équivaut à un défaut de motif, en violation de l’article 455 du Code de procédure civile.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la mère, en écartant le caractère hypothétique de la motivation de l’arrêt, et en confirmant la motivation des juges d’appel :
« Attendu que la cour d’appel, qui ne s’est pas déterminée par un motif d’ordre général ou par un motif hypothétique, a pris en considération l’ensemble des intérêts en présence, dont celui supérieur de l’enfant, et a relevé, d’une part, que son nom n’avait pas d’incidence sur le lien de filiation, qui était judiciairement établi et n’était plus contesté, d’autre part qu’accoler au nom de la mère celui d’un père qui n’entendait pas s’impliquer dans la vie de l’enfant et s’intéresser à lui risquait de confronter en permanence ce dernier au rejet dont il était l’objet de la part de son père ; que par ces motifs, la cour d’appel a souverainement estimé qu’au regard du contexte familial, il n’était pas de l’intérêt de l’enfant de porter le nom de son père ».
Ainsi, la Cour de cassation estime qu’il n’est pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant d’adjoindre à son nom de famille le nom d’un parent qui ne l’assume pas et se désintéresse totalement de lui.
Dans cette affaire, il est dommage que l’intérêt supérieur de l’enfant n’ait pas été également apprécié au regard de l’identité qu’il avait commencé à se forger. En effet, l’enfant a manifestement commencé à se construire en s’identifiant aux deux familles et comme appartenant aux deux familles, et l’on peut s’interroger quant au fait de savoir s’il n’était pas davantage contraire à son intérêt de devoir se passer désormais d’un nom qu’il avait semble-t-il commencé à intégrer. L’absence d’un père ne se limite pas à l’absence de son nom dans son patronyme.
Cour de cassation, Civ. 1ère, 11 mai 2016, n°15-17.185