Dans cette affaire, l’employeur, une banque, a fait un entretien de recadrage avec un collaborateur, considérant qu’elle ne respectait pas les procédures internes applicables à l’entreprise en matière de paiement par carte bleue.
A la suite de cet entretien, l’employeur a adressé à ce salarié un email récapitulant l’objet de l’entretien, et intitulé « notre entrevue de ce matin : rappel des règles en matière de paiement par Carte Bleue ».
En réalité, il s’agissait d’acter par email qu’il y avait eu un entretien de recadrage, puisque l’employeur y relevait deux manquements du salarié et l’invitait à se conformer à l’avenir aux règles qu’il se contentait de rappeler.
Quinze jours plus tard, l’employeur a prononcé le licenciement pour faute grave de la salariée se prévalant des mêmes faits, c’est-à-dire le non-respect des règles internes en matière de paiement par Carte Bleue.
La salariée conteste son licenciement en se fondant sur la règle non bis in idem, applicable en matière de sanction disciplinaire, et qui interdit de sanctionner deux fois les mêmes faits.
Elle soutient que l’email de l’employeur constituait un avertissement, et que le licenciement prononcé pour les mêmes faits, revenait à sanctionner deux fois ces mêmes faits, et disqualifiait par conséquent le licenciement.
L’employeur de son côté contestait cette argumentation en s’appuyant sur les dispositions de l’article L. 1331-1 du Code du travail qui dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Il soutenait n’avoir eu aucune intention de sanctionner son collaborateur en rédigeant cet email.
La Cour d’appel de Lyon, comme la Cour de cassation (Soc., 9 avril 2014, n°13-10.939), donnent raison au salarié et rejettent l’argumentation de l’employeur, considérant que l’email que ce dernier avait envoyé devait s’analyser en avertissement.
Il faut en déduire que, dès lors que les griefs reprochés au salarié ont été matérialisés par écrit, ce rappel à l’ordre est considéré comme une sanction disciplinaire. Le salarié ne peut donc pas être licencié pour les faits qui ont donné lieu à cet entretien.
Discussion en cours :
Ce genre de pratique est assez courant et c’est tout à fait sidérant. Il s’agit d’un des nombreux symptômes qui révèlent un grave déficit de formation en droit du travail des managers, voire même d’éléments de directions stratégique comme celle des ressources humaines. Oui, le courriel a une valeur juridique à compter du fait établi qu’il a existé plusieurs échanges (donc cela vaut aussi pour les boîtes mail privées), oui il convient d’être extrêmement attentif à ce que l’on va laisser comme trace écrite. « Scripta manent, Verba volent » (les paroles s’envolent, les écrits demeurent).