Un amendement n°II-CF275 a été ajouté au projet de loi de finances 2017 et a été adopté en première lecture par les députés le 7 novembre 2016.
En vertu de cet amendement, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, le gouvernement pourra autoriser l’administration fiscale à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors qu’elle lui aura fourni des renseignements ayant amené la découverte d’un manquement à une obligation fiscale, et ce à compter du 1er janvier 2017.
Pour pouvoir bénéficier de ladite indemnisation, les informations doivent être fournies de manière non anonyme et doivent porter sur des faits graves décrits avec précision.
Ce dispositif existait déjà jusqu’en 2003, mais en l’absence de fondement juridique il a été supprimé.
I. L’exigence d’informations relatives à des faits graves et fournies de manière non anonyme
A) La notion de faits graves
Dans cet amendement du 7 novembre 2016, les députés ont considéré que pour bénéficier de l’indemnisation, les informations fournies devaient porter « sur des faits graves décrits avec précision ».
Toutefois, aucune définition fiscale ou jurisprudentielle des « faits graves » ne nous est donnée pour nous permettre de distinguer les limites de ce dispositif.
Après la liste de pratiques ou montages regardés comme abusifs ou frauduleux par l’administration fiscale réalisée par Bercy, doit-on considérer qu’un « fait grave » est un fait s’inscrivant dans l’un de ces montages ?
L’appréciation de faits qui pourraient être qualifiés de graves semble donc être réservée à l’administration fiscale, qui, dans un contexte de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, va sûrement avoir une appréciation restrictive de cette notion de faits graves.
En effet, cela permettrait à l’administration fiscale d’obtenir des informations tout en n’ayant pas à verser ladite indemnisation si les faits ne sont pas qualifiés de graves.
Il faudra donc attendre la mise en place effective de ce dispositif afin de savoir quels faits seront admis par l’administration fiscale comme étant des faits graves, ou s’il suffira que les faits transmis à l’administration fiscale aient permis la découverte d’un manquement à une obligation fiscale pour qu’ils soient qualifiés de « faits graves ».
L’aviseur, qui prend la décision de fournir des informations à l’administration fiscale dans le cadre de ce dispositif n’a donc, pour le moment, aucune garantie de percevoir ladite indemnité puisque nous ne savons pas encore ce qui caractérise un « fait grave » ouvrant droit au bénéfice de l’indemnisation.
B) Le caractère non anonyme de l’aviseur
Si le doute quant à la qualification de ce qui constitue un fait grave subsiste, une chose est en revanche claire dans ce dispositif. L’aviseur qui prendra la décision de fournir des informations à l’administration fiscale devra le faire de manière non anonyme.
Ce non-anonymat pourrait avoir plusieurs justifications.
D’une part, l’administration fiscale aura forcément besoin de l’identité de l’aviseur afin de pouvoir lui verser l’indemnisation si celui-ci peut en bénéficier.
D’autre part, en cas d’informations erronées, l’administration fiscale saura vers qui elle devra éventuellement se retourner. À noter toutefois que l’amendement du 7 novembre 2016 ne prévoit rien dans ce cas de figures. Nous ne savons donc pas ce que risquerait un contribuable mal intentionné qui fournirait de fausses informations à l’administration fiscale.
Cependant, le fait que les informations doivent être fournies de manière non anonyme crée une sorte de garde-fou à ce dispositif en ce qu’il peut être dissuasif pour le contribuable qui verrait ainsi son nom figurer dans les dossiers de l’administration fiscale.
II. La justification du dispositif
A) Un dispositif efficace et permettant un gain net du Trésor
La remise en place de ce dispositif se justifie par deux aspects :
La prévention des comportements délictueux de fraude fiscale
Le maintien et l’amplification de l’action de l’administration fiscale dans son action de recouvrement des droits dus dans le respect des garanties légales accordées au contribuable.
Cet amendement justifie également la mise en place de ce dispositif par le fait qu’il n’aura aucun impact sur les dépenses de l’État.
En effet, la charge représentée par la rémunération ou l’indemnisation de l’aviseur ne serait engagée que lorsque le Trésor aura recouvré les droits résultants des renseignements acquis.
Ainsi, l’aviseur ne pourra être indemnisé qu’à partir du moment où ses renseignements constitueront des faits graves qui auront permis la constatation d’un manquement à une obligation fiscale, et qu’à partir du moment où la créance du Trésor aura effectivement été recouvrée par le contribuable qui n’a pas respecté ses obligations déclaratives.
Le montant des indemnités pour l’année 2017 est toutefois estimé à 2,7 millions d’euros.
B) Un dispositif inscrit dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale
Le deuxième aspect justifiant la remise en place de ce dispositif, c’est-à-dire le maintien et l’amplification de l’action de l’administration fiscale dans son action de recouvrement des droits dus dans le respect des garanties légales accordées au contribuable prend une dimension toute particulière du fait de la fermeture de l’activité du STDR à brève échéance.
En effet, l’amendement évoque lui-même la fermeture à brève échéance du STDR.
Cette fermeture s’était faite pressentir avec la mise en place de l’échange automatique d’informations approuvée en 2014 et qui sera mise en place entre septembre 2017 et septembre 2018 selon les pays.
Cet échange informatique de renseignements permettra la communication systématique à intervalles réguliers de « blocs » de renseignements relatifs à certaines catégories de revenus, par le pays de la source du revenu au pays de résidence du contribuable. Ce dispositif va donc considérablement amoindrir la pertinence du maintien du STDR.
Cet amendement s’inscrit donc dans la logique de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale et fait particulièrement écho à la détention irrégulière de comptes à l’étranger.