1. TRAVAIL TEMPORAIRE : DEFINITION DU DELAI DE CARENCE
A l’expiration de son contrat de mission, un salarié peut être embauché sans délai par contrat de travail à durée indéterminée par l’entreprise dans laquelle il travaillait.
En revanche, au sein d’une même entreprise, le recours à des contrats de travail à durée déterminée ou à des contrats de travail temporaire successifs est strictement limité.
A. Succession de missions de travail temporaire sur le même poste
Sauf dérogation expresse accordée par l’article L 1251-37 du Code du travail, il est interdit, à l’expiration du contrat de mission, de conclure avec le même salarié ou avec un salarié différent, un nouveau contrat de mission sur le même poste de travail avant l’expiration d’un délai fixé par l’article L 1251-36 du même Code.
L’identité de poste est appréciée par la jurisprudence en fonction de la nature des travaux confiés au salarié.
La notion d’identité de poste n’impose pas que le travail soit rigoureusement identique à celui qui était précédemment occupé, même tâche au même lieu.
Selon la jurisprudence, seule les tâches exécutées par le salarié sont prises en considération.
Même si le salarié est amené dans le cadre de contrats de travail temporaire successifs à intervenir dans des lieux distincts, dans la mesure où il accomplit le même travail, il y a identité de poste.
B. Calcul du délai de carence entre deux missions de travail temporaire
Aux termes de l’article L 1251-36 du Code du travail, à l’expiration d’un contrat de mission de travail temporaire, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence.
Ce délai de carence est égal :
Lorsque le contrat est au moins égal à 14 jours, renouvellement inclus, le délai est fixé au tiers de la durée de ce contrat.
Lorsque le contrat est inférieur à 14 jours, renouvellement inclus, le délai est égal à la moitié de la durée de ce contrat.
Pour éviter que le délai de carence ne coïncide avec une période de fermeture de l’entreprise, le décompte est basé sur les jours d’ouverture de l’entreprise, quelle que soit la durée des contrats.
La notion de « jours d’ouverture » s’entend comme jours d’activité de l’entreprise.
Elle doit être distinguée des jours d’ouverture aux clients ou aux fournisseurs.
2. TRAVAIL TEMPORAIRE : SANCTION DU NON-RESPECT DU DELAI DE CARENCE
Le non-respect du délai d’attente entre deux contrats de travail temporaire expose l’entreprise utilisatrice à des sanctions pénales.
Aucune disposition légale ne prévoit la requalification de la mission de travail temporaire en contrat à durée indéterminée chez l’entreprise utilisatrice.
La Cour de cassation, de son côté, a toujours considéré que le non-respect du délai de carence entre deux contrats de travail temporaire successifs sur le même poste n’entraînait pas la requalification des relations contractuelles à l’égard de l’entreprise utilisatrice.
Mais qu’en est-il à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire qui en mettant à disposition un salarié intérimaire ne respecte pas les conditions de recours au travail temporaire ?
C’est sur cette question quelque peu inédite que s’est penchée la Cour de cassation dans un arrêt en date du 12 juin 2014.
Alors que d’ordinaire le salarié intérimaire sollicite la requalification de ses missions de travail temporaire en contrat à durée indéterminée auprès de l’entreprise utilisatrice, dans cette affaire, le salarié a dirigé sa demande vers l’entreprise de travail temporaire.
Le salarié a fondé son action en requalification sur le non-respect du délai de carence obligatoire entre deux missions de travail temporaire, conformément à l’article L 1251-36 du Code du travail.
Les juges du fond, la Cour d’appel de Versailles, l’ont débouté de sa demande.
Selon la Cour d’appel de Versailles, l’action en requalification ne peut être dirigée qu’à l’encontre de l’entreprise utilisatrice et dans des cas limitativement énumérés par le Code du travail, ce qui n’est pas le cas du non-respect du délai de carence.
La Cour de cassation a censuré l’analyse de la Cour d’appel en retenant que :
– Les dispositions du code du travail qui sanctionnent l’inobservation par l’entreprise utilisatrice des conditions de recours au travail temporaire n’excluent pas la possibilité pour le salarié d’agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque cette dernière ne respecte pas les règles du recours à l’intérim ;
– L’entreprise de travail temporaire a failli à des obligations qui lui sont propres en ne respectant pas le délai de carence.
Par cet arrêt la Cour de cassation durcit d’autant plus les conditions de recours au travail temporaire en ouvrant la voie de la requalification en cas de non-respect du délai de carence, au moins envers les entreprises de travail temporaire.
Source : Cass. soc, 12 juin 2014, n° 13-16.362
Discussions en cours :
Apres 5ans et demi dinterim en magasinier cariste jai ete embauché au mois d aout dernier et je viens detre licencié pour faute grave (injure).
Est il possible de demander des dommages et intérêts pour le non-respect du delai de carence ?
Alors que l’entreprise utilisatrice n’a pas respecté les dispositions du Code du travail concernant l’interdiction d’effectuer plus d’un avenant à un CTT, la Cour d’Appel de Paris se fait censurer son arrêt du 6 septembre 2011.
On peut constater même si c’est un arrêt qui n’est pas publié au Bulletin, malgré sa portée limité, que la Cour de Cassation renforce la protection des salariés.
En effet, l’arrêt de Cassation dispose :
"ALORS QU’en vertu de l’application combinée des articles L.1251-35 et L.1251-40 du Code du travail, le travailleur temporaire peut faire valoir les droits afférents à un contrat à durée indéterminée à l’encontre de l’entreprise utilisatrice qui a renouvelé plus d’une fois un même contrat de mission ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt qu’en exécution de contrats de travail temporaire ou d’avenants de renouvellement successifs, M. X... pendant près de dix-huit mois, a été mis à disposition de la société Eiffage pour occuper un même poste de travail consistant en la pose de bordures et divers travaux de maçonnerie VRD, sur des chantiers de réfection et d’entretien des chaussées et trottoirs des 14ème et 16ème arrondissements de Paris confiés à la société Eiffage dans le cadre d’un marché public pluriannuel de travaux (arrêt p. 4, al.2 et 3) ; qu’il en résulte que les contrats successifs et leur avenant de renouvellement éventuel ont servi à l’exécution d’une seule et même mission, pour laquelle un seul renouvellement était autorisé ; que la cour d’appel en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, a violé les deux textes précités."
Il serait souhaitable de voir l’évolution de la jurisprudence sur ce point qui est souvent évoqué en audience des Prud’hommes.
Alain
Conseiller Prud’hommes de LYON