I. Un marché immobilier en pleine expansion et des prix très intéressants.
Les 30 dernières années ont connu une extension impressionnante des grandes villes (notamment le Caire et Alexandrie) sous forme de banlieues dont certaines sont très convoitées comme le « Nouveau Caire », « El Sheikh Zayed » ou « 6 Octobre ».
À Sharm El Sheikh, El Gouna, et « El Sahel El Shamaly » les ensembles immobiliers donnant sur la mer se prolifèrent avec une offre intéressante en termes de confort, de services, d’espaces de loisir, de cadre de vie etc., à des prix largement abordables en comparaison avec le prix de l’immobilier en France ou dans la plupart des pays européens.
Je suis de temps à autre sollicité par des clients français ou résidant en France concernant des biens immobiliers acquis en Égypte.
Qu’il s’agisse d’un investissement immobilier dans un ensemble luxueux au bord de la Mer Rouge (Hurghada, Sharm El Sheikh, etc.) ou d’un simple pied à terre dans l’une des grandes villes d’Égypte (le Caire, Alexandrie, etc.), il m’est paru au fil des difficultés voire des litiges auxquels ce genre d’acquisition a parfois donné lieu, de porter à la connaissance des futurs acquéreurs francophones, certaines informations et éléments afin d’éviter, autant que faire se peut, les risques associés à ce genre de projets.
II. En matière immobilière, seule une publicité foncière en due et en forme est opposable aux tiers.
Le cadre juridique de la propriété immobilière en Égypte ressemble beaucoup, du moins en principe, à celui de la France : la propriété d’un bien immobilier n’est opposable aux tiers que par la publicité foncière auprès de l’administration compétente qui joue le rôle du Service de Publicité Foncière en France.
Un cadastre et un fichier immobilier existent en effet dans les grandes villes et les zones urbaines cadastrées.
L’idéal pour protéger son droit et son titre de propriété est donc de procéder à la publicité du titre chaque fois que c’est possible.
Hélas, le plus souvent ce n’est pas le cas, surtout dans les nouvelles agglomérations et zones urbaines limitrophes des grandes villes ou au bord de la mer.
III. Une publicité foncière quasi impossible dans la plupart des nouvelles agglomérations urbaines.
Les constructions et les biens vendus dans ces nouvelles agglomérations et zones urbaines sont le plus souvent situés dans des zones non cadastrées ce qui empêche pratiquement toute publicité foncière.
De plus, même lorsque le terrain et l’ensemble immobilier sont cadastrés, il s’agit très souvent (voire quais systématiquement) de terrains dits « réservés », c’est-à-dire des lots relevant du domaine public que l’État propose aux prometteurs immobiliers et aux particuliers en contrepartie d’un prix dont le règlement est étalé en plusieurs échéances s’étendant sur plusieurs années.
Or, les actes emportant « réservation » du lot au prometteur immobilier contiennent quasi systématiquement une clause stipulant que la propriété du lot n’est transférée au bénéficiaire qu’après entier paiement du prix d’attribution (laquelle est de plus en plus souvent fixée par une sorte d’enchère publique).
Le prometteur immobilier lance le projet et vend les biens en état futur d’achèvement. Non seulement il vend des biens construits sur un terrain qui lui est simplement « réservé » et dont il n’est pas propriétaire, mais il arrive très souvent qu’il ait recours à un/plusieurs prêt(s) bancaire(s) pour financier les constructions. Ce(s) prêt(s) dont la durée dépasse souvent 15 ans, est/sont quasi systématiquement garanti(s) par une hypothèque sur les constructions au fur et à mesure de leur achèvement, outre l’engagement par le prometteur d’hypothéquer le terrain au profit de la banque dès qu’il en devient propriétaire.
Le prometteur finance la construction, le prix d’acquisition du terrain et les échéances du/des prêt(s), par les flux financiers provenant de la vente des unités du projet immobilier.
Dans tous ces cas de figure, la publicité foncière dépend du transfert de propriété du terrain au prometteur dans un premier lieu, afin que l’acquéreur puisse dans un deuxième temps procéder à la publication de son titre. Encore faut-il que le terrain ne soit pas hypothéqué.
Or, on l’a vu, le transfert de propriété est quasi-systématiquement tributaire du paiement de la totalité du prix d’acquisition voire du remboursement du/des prêt(s) bancaire(s) contracté(s) par le prometteur.
L’acquéreur ne dispose donc que d’un titre sous seing privé qui ne bénéficie d’aucune publicité foncière le rendant opposables aux tiers.
En cas de cession d’un bien faisant partie d’un ensemble immobilier construit par un prometteur immobilier, le plus souvent celui-ci tient un registre des propriétaires successifs des biens.
Les actes de cession rédigés par la plupart des prometteurs pour les ensembles immobiliers vendus en état futur d’achèvement, prévoient un droit de mutation qui doit être versé au prometteur en cas de cession du bien (de l’ordre de 2 à 3%). Le prometteur met ainsi en place une sorte de « service de publicité foncière » privé qui n’a aucune valeur juridique à l’égard des tiers puisqu’il ne bénéficie d’aucune publicité foncière et ne sert pratiquement qu’à permettre au prometteur de contrôler les cessions subséquentes, à identifier les nouveaux acquéreurs, à toucher une sorte de commission sur la vente même s’il n’est pas intervenu en tant qu’intermédiaire, voire, dans les cas extrêmes, à préempter le bien en cas de cession à un prix dérisoire ou symbolique ou un acquéreur dont le profil ne correspond pas au « standing » de l’ensemble immobilier !
En définitif, en cas de litige ou, pire, en cas de défaillance ou de faillite du prometteur, l’État ou les créanciers peuvent théoriquement saisir tous les biens immobiliers construits sur le terrain par le prometteur.
La faillite du prometteur sur un seul projet peut même entraîner la saisie par ses créanciers de tous les biens immobiliers lui appartenant, tant que leur propriété n’a pas été transférée par un acte opposable aux tiers !
Quant aux immeubles construits par des particuliers sur des parcelles leur appartenant en pleine propriété, la publicité foncière de l’acte de cession sous sein privé suppose que le propriétaire du terrain sur lequel l’immeuble est construit ait lui-même procédé à la publication de son titre de propriété.
Le coût de la publicité foncière, lorsqu’elle est possible, est un élément souvent aperçu comme rédhibitoire par le prometteur immobilier ou par le maître d’ouvrage s’il s’agit d’un immeuble privé.
Tous ces facteurs réunis font que la plupart du temps, la publicité foncière d’un bien acquis dans les nouvelles agglomérations urbaines est quasi impossible ou du moins inenvisageable.
IV. Des palliatifs dont l’efficacité nous paraît douteuse.
Pour pallier ces difficultés et sécuriser autant que faire se peut le transfert de propriété d’un propriétaire à l’autre, une pratique plus ou moins efficace s’est développée. Il s’agit d’un recours judiciaire dit « action en reconnaissance de signature » ((دعوى إثبات صحة توقيع : l’acquéreur d’un bien immobilier en vertu d’un acte sous seing-privé, assigne le cédant du bien devant le tribunal dans le ressort duquel le bien est situé, demandant à ce que sa signature sur l’acte de cession sous seing-privé soit déclarée « authentique » par le juge.
Le plus souvent le cédant ne comparaît pas dans la procédure, et un jugement par défaut est rendu à son encontre. Certains acquéreurs mieux conseillés obtiennent de la part du cédant une procuration irrévocable par acte authentique (i.e., établie et enregistrée auprès de l’Administration de Publicité Foncière et de la légalisation). En vertu de cette procuration irrévocable, le cessionnaire comparaît et représente le cédant dans l’action intentée contre ce dernier sur la foi de l’acte de cession sous seing privé.
Faute de mieux, cette pratique très répandue, est communément considérées par une large majorité des avocats égyptiens comme suffisamment protectrice du titre de propriété.
Elle ne nous paraît pas toutefois sans risques, et nous semble même d’une efficacité très incertaine en cas de revendication du bien par un tiers :
Un tel jugement n’a juridiquement pour objet ou pour effet, que de conférer une certaine forme d’authenticité à la signature apposée sur l’acte sous seing privé par le cédant. Sa portée se limite donc à cet aspect et elle n’a pas en soi d’effet sur l’existence même du droit de propriété, sur son transfert par le biais de l’acte sous seing privé, ou encore moins sur l’opposabilité d’un tel acte aux tiers.
Autrement dit, si le cédant ne disposait pas lui-même d’un droit de propriété incontestable (publié ou acquis par une possession continue, paisible, publique, non équivoque exercée au titre de propriétaire), le jugement ne pourrait conférer au cessionnaire un droit dont ne disposait pas le cédant.
Pire, lorsqu’il est rendu par défaut (ce qui est souvent le cas), un tel jugement indépendamment de sa valeur juridique en tant que titre translatif de propriété, est susceptible d’opposition voire de tierce opposition, et ce même s’il acquiert la force de la chose jugée en dernier ressort après l’expiration du délai d’appel (en Égypte, le délai d’appel court à compter de la date de la décision et non de la date de sa signification à la partie adverse comme en France).
Il est très rare que le jugement ainsi obtenu soit signifié au cédant pour le lui rendre opposable. Toutefois, sa signification au cédant ne le rendrait de toute façon opposable qu’à celui-ci, ce qui veut dire que tout tiers peut à tout moment faire tierce opposition à ce jugement dans le cadre d’une action en revendication, ce qui risque de le priver de tout effet à son égard surtout si celui-ci est un créancier disposant d’une sûreté réelle sur le terrain ou sur le bien.
V. Nos préconisations et conseils.
On l’a vu, l’acquisition d’un bien immobilier en Égypte dans des conditions ne permettant pas la publicité foncière de la vente, expose l’acquéreur à plusieurs risques qu’il convient de bien évaluer et de prendre toutes les mesures utiles permettant, tant que faire se peut, de sécuriser son droit de propriété. À cet effet, nous préconisons de :
Vérifier le titre de propriété et, en tout cas, le droit d’occupation et de construction du vendeur ;
Bien se renseigner sur la réputation et la fiabilité du prometteur immobilier : privilégier les grands groupes bien établis ayant réalisé et achevé avec succès des ensembles immobiliers connus ;
S’il s’agit d’une acquisition de la part d’un premier acquéreur en état futur d’achèvement, se renseigner auprès du prometteur immobilier pour vérifier que le vendeur est bien en droit de céder le bien et que sa propriété n’est pas contestée par le prometteur à quelque titre que ce soit ;
Bien étudier les clauses de l’acte de vente proposé ;
Laisser un solde du prix à verser après l’obtention d’un jugement reconnaissant la signature par le cédant de l’acte sous seing privé ;
Mettre en cause tous les tiers pouvant plus tard contester la vente ou le droit de propriété
Signifier le jugement au vendeur et aux tiers.
Soulignons que même dans les cas où il serait impossible de parfaitement sécuriser l’acquisition et la rendre opposable aux tiers, il vaut mieux acheter en connaissance de cause et être prudent qu’être pris par surprise.
Discussion en cours :
Bonjour,
On cherche à acheter un appartement à alexandrie en egypte,nous avons vus une annonce et nous avons contacter le propriétaire, nous avons aussi contacter un proche qui se trouve Là-bas, pour avoir plus d informations sur ce bien , ma question comment savoir si cet immeuble a été construit avec permis ? Et si ya vraiment un acte comme le dit son propriétaire.
Merci, pour nous donner quelques informations.
Cordialement.