Il résulte de l’article L. 651-2 du Code de commerce que :
« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. »
Cette sanction est plus connue sous le nom de « comblement du passif social ».
Rappel des contours de l’action en comblement de passif
Le liquidateur de la société ou le Ministère public peut agir en comblement de passif à l’encontre du dirigeant.
Tous les dirigeants de droit ou de fait de sociétés en liquidation judiciaire peuvent être poursuivis en comblement de passif.
Cette action en comblement de passif se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire (art. L 651-2, al. 3), sans considération de la date de réalisation des fautes de gestion (Cass. com. 8 avril 2015 n° 13-28.512).
La condition de mise en œuvre de l’action est double :
il faut une mise en liquidation judiciaire de la société ayant fait apparaître une insuffisance d’actif ;
il faut que le dirigeant ait commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance.
Toute faute de gestion, même légère, peut entraîner la mise en cause de la responsabilité des dirigeants sociaux.
La nouvelle exonération de la loi « Sapin 2 » : la faute par négligence.
La loi dite « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 a choisi d’insérer à l’alinéa l’article L. 651-2 du code de commerce une formule très importante : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».
En clair, une simple négligence dans la gestion de la société ne peut plus être qualifiée de faute de gestion (art. L 651-2, al. 1 modifié par loi 2016-1691 du 9 décembre 2016).
L’action en comblement de passif est donc écartée en cas de simple « négligence ».
La question se posait de la date d’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition.
Date d’entrée en vigueur de l’exonération
La cour d’appel de Versailles a répondu à cette question dans un arrêt récent :
« A défaut de disposition spécifique de la loi du 9 décembre 2016 rendant cette modification applicable aux procédures ouvertes avant l’entrée en vigueur de la loi et cette modification ne relevant ni d’une loi de procédure ou de compétence ni d’un texte interprétatif, le nouvel article L. 651-2 du code de commerce n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 11 décembre 2016. » (CA Versailles 7 novembre 2017 n° 17/04229).
En clair, désormais pour toute procédure collective ouverte depuis le 11 décembre 2016, le dirigeant qui a été simplement négligent ne peut plus être condamné au comblement du passif social.
Restera à la jurisprudence de préciser la définition des faits pouvant être qualifiés de simple « négligence » par opposition aux comportements « actifs » qui pourraient entraîner pour leur part une condamnation…
Discussions en cours :
Madame,
la jurisprudence que vous citez, de la cour d’appel de Versailles est erronée.
La Cour de cassation a en effet eu l’occasion de se prononcer sur la réserve introduite par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relativement à la "simple négligence" du débiteur. Elle a jugé, la loi n’ayant rien prévu explicitement sur son application, que cette disposition était applicable immédiatement aux procédures collectives et aux instances en responsabilité en cours (Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.031 publié au Bulletin).
Bien à vous
Patrick de Pontonx
Monsieur,
La jurisprudence citée n’est pas "erronée".
L’arrêt de la CA de Versailles a bien été rendu ... L’arrêt de la Cour de cassation que vous citez est intervenu postérieurement à cet arrêt de la CA de Versailles et a remis en cause la position de la CA de VERSAILLES.
Précision étant faite que mon article a été publié en janvier 2018 soit AVANT l’arrêt de la Cour de cassation datant de septembre 2018 de sorte qu’à la date de l’écriture de mon article, cet arrêt n’était pas rendu et je ne pouvais donc pas le connaître n’ayant malheureusement pas encore de don de précognition :)
Quoi qu’il en soit, je vous rejoins, cette précision sur la simple négligence, introduite par la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016, est DONC applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours.
La solution était attendue car, vous l’avez compris, certaines cours d’appel dont la CA de VERSAILLES s’étaient prononcées dans un sens différent : la cour d’appel de Versailles dans l’arrêt que je cite avait choisi de se fonder sur le principe de non rétroactivité pour écarter l’application de la loi « Sapin II » dans un cas similaire.
La Cour de cassation a quant à elle choisi de justifier sa solution par le principe de l’application immédiate de la loi nouvelle aux situations et rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation et de rejeter tout droit acquis du liquidateur à la réparation du préjudice auquel le dirigeant a contribué par sa faute de gestion.
Bien cordialement,
excusez-moi de n’avoir pas répondu plus tôt, je n’avais pas vu votre réponse. Merci pour ces précisions.
Bien à vous,
Patrick de Pontonx