Le texte applicable en la matière est le règlement n°261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol [1].
Ce texte aménage des droits pour les passagers (I) mais il prévoit aussi des causes d’exonération pour le transporteur (II). Décryptage.
I- Les droits des passagers.
Selon le règlement, en cas d’annulation de son vol, le passager a le droit :
de choisir entre le remboursement de son billet ou réacheminement vers sa destination finale ;
à se voir offrir un rafraîchissement et une possibilité de se restaurer en suffisance compte tenu du délai d’attente ;
d’être hébergé en hôtel quand cela est nécessaire (et le transport vers le lieu d’hébergement) ;
à deux appels téléphoniques gratuit, deux télex, deux télécopies ou deux mails ;
sauf exceptions qui sont exposées par le texte, à une indemnisation forfaitaire.
Attention, même si vous avez été réacheminés et que vous arrivez à destination, vous pouvez être indemnisé.
En cas de retard « importants » (notion détaillée par le règlement à l’article 6.1), le passager a le droit :
à se voir offrir un rafraîchissement et une possibilité de se restaurer en suffisance compte tenu du délai d’attente ;
d’être hébergé en hôtel quand cela est nécessaire (et le transport vers le lieu d’hébergement) ;
à deux appels téléphoniques gratuit, deux télex, deux télécopies ou deux mails ;
lorsque le retard est d’au moins 5 heures le remboursement du billet.
L’indemnisation forfaitaire n’est pas prévue par le règlement en cas de retard mais a été étendue à ces « retards importants » par la jurisprudence tant européenne que nationale, qui assimile les retards de plus de trois heures à l’arrivée par rapport à l’heure d’arrivée initialement prévue à une annulation au sens du texte [2].
II- Le transporteur peut être exonéré mais à des conditions assez restreintes.
A titre liminaire, il faut préciser que le règlement n°261/2004 est au passager aérien ce que le droit de la consommation est au consommateur : très protecteur de ses droits.
L’indemnisation n’est pas due dans deux grandes catégories de cas : lorsque les circonstances dans lesquelles le passager a été prévenu permettent d’assurer son transport dans de bonnes conditions (A) et en présence de circonstances extraordinaires (B).
A) L’indemnisation n’est pas due si les circonstances dans lesquelles le passager a été prévenu permettent d’assurer son transport dans de bonnes conditions.
L’indemnisation n’est pas due lorsque le passager est prévenu :
soit au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue ;
soit entre deux semaines et 7 jours si on lui offre un réacheminement lui permettant de partir au plus tôt deux heures avant l’heure de départ prévue et d’atteindre sa destination finale moins de 4 heures après l’heure d’arrivée prévue ;
moins de sept jours avant le départ prévue si on lui offre un réacheminement lui permettant de partir au plus tôt 1 heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure d’arrivée prévue.
B. L’indemnisation n’est pas due en présence de circonstances extraordinaires.
Le transporteur peut en effet être exonéré de son obligation d’indemnisation en présence de circonstances extraordinaires.
Selon le règlement, la circonstance extraordinaire est celle qui « n’aurait pas pu être évitée même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».
« De telles circonstances peuvent se produire, en particulier en cas d’instabilité politique, de conditions météorologiques incompatibles avec la réalisation du vol concerné, de risques liés à la sécurité, de défaillances imprévues pouvant affecter la sécurité du vol, ainsi que de grève ayant une incidence sur les opérations d’un transporteur aérien effectif ».
Sur la base de ces dispositions, beaucoup de transporteurs (et également de passagers) adoptent la même réaction vis-à-vis des grèves : grève = circonstance extraordinaire = pas d’indemnisation.
C’est une erreur car toute grève n’est pas exonératoire.
Il est souvent affirmé que la grève qui n’exonère pas la compagnie est celle qui est propre au personnel de celle-ci car s’agissant d’une grève « interne », le transporteur est par définition prévenu et il peut réagir à temps en adoptant les mesures adéquates.
Il est également souvent affirmé que par conséquent, toutes les autres grèves dites « extérieures », constitueraient une circonstance extraordinaire et exonèreraient le transporteur de son obligation d’indemnisation.
Tout n’est pas tout blanc ou tout noir, et comme souvent en droit, tout est affaire de circonstances.
Un jugement du TGI d’Ivry sur Seine du 15 janvier 2018 nous donne un exemple significatif.
Aux environs du 20 mars 2017, une grève massive est née en Guyane française et s’est développée jusqu’à paralyser l’intégralité du territoire et par voie de conséquence les déplacements, y compris aériens (l’accès routier à l’aéroport de Cayenne était notamment bloqué).
Des dizaines de vols annulés et des passagers retenus sur place sans possibilité de retour pendant des jours, voire des semaines.
Une des compagnies assurant des vols depuis et vers ce territoire avait alors refusé tout dédommagement à un passager bloqué sur place et ayant vu son vol du 31 mars entre Cayenne et Paris annulé.
Sur la base d’une réclamation du passager, la compagnie avait avancé sans surprise que la grève était sans aucun doute la cause des annulations et qu’il s’agissait, au regard du règlement, d’une circonstance extraordinaire. Elle avait donc refusé d’indemniser le passager alors que celui-ci avait fait une demande au service client. Cette affaire est donc venue devant le juge compétent.
Le juge français, faisant application de son pouvoir souverain d’appréciation, a replacé les choses dans leur contexte pour accorder une indemnisation à ce passager.
En effet, la grève était extérieure au personnel de la compagnie, et même extérieure à l’aéroport puisqu’il s’agissait d’un mouvement social général ayant prise sur tout le territoire.
Cependant, le juge a considéré que dans les conditions de l’espèce, le transporteur n’avait pas rapporté la preuve de circonstances extraordinaires propres à l’exonérer de sa responsabilité [3].
En effet, il s’agissait, au jour du vol (le 31 mars 2017) d’une grève généralisée, fortement médiatisée, qui s’était développée et installée sur tout le territoire depuis des jours. La compagnie avait donc eu le temps de s’adapter, les lignes aériennes n’étaient pas coupées et d’autres compagnies concurrentes avaient notamment pu réacheminer leurs passagers. De telles circonstances ne sont pas extraordinaires au sens du règlement.
En résumé, il convient de retenir que si le transporteur peut s’exonérer, les mécanismes se veulent protecteurs du passager donc restrictif pour les compagnies.
Il est parfois malheureusement nécessaire d’aller jusqu’au contentieux pour soumettre les compagnies à leurs obligations. En effet, celles-ci redoublent d’effort pour argumenter sur l’existence ou précisément la caractérisation de circonstances extraordinaires lorsque les passagers font des réclamations via le service client.
Un mail bien argumenté aura vite raison du passager qui abandonnera, trop peu conscient de ses droits.
Ainsi, si votre vol est annulé ou retardé de manière importante, que ce soit pour raison de grève comme pour toute autre raison d’ailleurs, tout est affaire de circonstances.