1) Rappel de la procédure et de la QPC posée
Au cas d’espèce, le Département d’Ille-et-Vilaine est intervenu devant le tribunal administratif de Rennes dans le cadre d’un litige opposant les parents d’un enfant né handicapé au centre hospitalier de Dinan, tendant à réparer les préjudices résultant des conditions de naissance de l’enfant.
Le Département est quant à lui intervenu afin de faire valoir sa créance au titre des prestations d’aide sociale relatives au handicap qu’il avait versées.
Toutefois, les versements effectués au profit d’une victime en vertu d’une obligation légale, conventionnelle ou statutaire, en-dehors des prestations limitativement énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985, n’ouvrent aucun droit à l’exercice d’un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation du dommage ou son assureur.
Il en va notamment des prestations au titre de la prise en charge du handicap versées par les départements (cf. Cass. civ. 2eme, 20 octobre 2016, n°15-17507 ; Cass. Civ.1ère, 19 mars 2015, n°14-12792 ; Civ. 1ère, 17 mars 2016, n°15-13865 ; Civ. 1ère,10 septembre 2015, n°14-23623, Civ. 2ème, 2 juillet 2015, n°14-19797).
C’est dans ce contexte peu favorable au recouvrement de sa créance que le Département d’Ille-et-Vilaine a soulevé la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.
Cette QPC a plus précisément été soulevée en regard du principe d’égalité dès lors que ces dispositions ne prévoient pas la possibilité pour un département versant de telles prestations à la suite d’un accident corporel d’exercer une action subrogatoire contre le responsable de cet accident et ne fixent pas les modalités d’exercice d’une telle action.
Le tribunal administratif de Rennes a transmis cette question au Conseil d’Etat, lequel vient de confirmer son caractère sérieux.
2) Le caractère sérieux de la QPC au regard du principe d’égalité
Le Conseil a tout d’abord souligné qu’une partie intervenante à l’instance peut soulever une QPC lorsque cette dernière a précisément pour objet les modalités
de son intervention.
Il a ensuite confirmé le caractère sérieux de la question posée, estimant :
que si les départements peuvent en principe être subrogés, dans la limite des prestations qu’ils allouent dans les droits de l’allocataire, en ce qui concerne les créances pécuniaires de celui-ci contre toute personne physique ou morale, et ce en vertu des dispositions de l’article L. 132-10 du code de l’action sociale et des familles, cette subrogation est exclue dans le cas particulier où la créance de l’allocataire procède de son droit à réparation en tant que victime d’un dommage résultant d’atteintes à sa personne ;
que le législateur permet à divers organismes versant à la victime d’un dommage corporel des prestations à caractère indemnitaire d’exercer un recours subrogatoire contre le responsable de ce dommage, sans ouvrir la même voie de droit aux départements au titre des prestations d’aide sociale ayant pour objet la prise en charge des frais liés au handicap qu’ils versent à la victime.
Dans ces conditions, une censure du Conseil constitutionnel ne paraît pas improbable et semble susceptible d’entraîner une nouvelle évolution des conditions d’exercice du recours subrogatoire des tiers payeurs.