Statut des « Non-Domiciled »
La notion de résidence
Les services fiscaux britanniques (Her Majesty Revenues and Customs, ou HMRC) retiennent deux critères afin de déterminer l’assiette d’imposition des revenus d’un individu : bien évidemment son lieu de résidence fiscale, mais aussi la source de ses revenus.
La notion de résidence fiscale renvoie généralement à la situation d’une personne séjournant pendant une durée totale de six mois au cours de l’année d’imposition. Un jeu de présomptions et de rattachements permet de définir facilement la résidence fiscale, en trois étapes :
- Premièrement, l’Automatic Overseas test, qui s’applique quand la personne n’est clairement pas résidente au Royaume-Uni : moins de 16 jours par an de séjour au Royaume uni par exemple.
- Deuxièmement, l’Automatic United Kingdom test, à appliquer lorsqu’il semble évident que la personne vit au Royaume Uni : séjour de plus de 183 jours ou plus au Royaume Uni.
- Enfin, dans les situations moins clairement définies, un jeu de rattachement prenant en compte le nombre de connexions avec la Royaume-Uni : logement accessible, famille installée sur place, activité locale…
Une fois la résidence fiscale d’un individu rattaché au Royaume-Uni, la HMRC a vocation en principe à taxer l’intégralité des revenus de ce dernier.
Le statut de « Non Domiciled »
La notion de domicile dans le contexte fiscal est complexe mais repose en grande partie sur la nationalité. Un Britannique né au Royaume-Uni possède en principe un domicile en Angleterre, sauf à rapporter la preuve d’une installation définitive dans un autre pays.
Pour bénéficier du statut de Non Domiciled et les avantages y étant rattachés, il faut donc en principe ne pas avoir de passeport ou de parents anglais.
Ce statut a donc été presque automatiquement acquis par tous les citoyens français ayant choisis de s’expatrier en Angleterre.
Avantage fiscaux
Les expatriés souhaitant bénéficier de ce statut le déclarent en cochant la case appropriée dans leur self assessment tax return annuel.
A cette date, opter pour ce statut permet de limiter l’assiette de l’imposition des revenus à ceux provenant de sources générées en Angleterre après l’installation. Autrement dit, le résident non domicilié rapportant la preuve que les revenus rapatriés de France ont été générés avant son installation ne sera pas imposé sur ces derniers.
Par exemple, les revenus issus d’un capital déposé sur un compte bancaire français avant l’installation en Angleterre ne sera pas imposable, puisque issu d’une source antérieure à l’expatriation et située sur un sol étranger. Il en sera de même pour les revenus issus de loyers, dividendes etc.
Opter pour ce statut empêche toutefois son bénéficiaire de se prévaloir de la Personal Allowance [1] (seuil annuel non imposable des salaires générés en Angleterre) et de l’Annual Exempt Amount of Capital Gain Tax [2] (seuil annuel non imposable sur les plus-values).
Le statut évolue en fonction de la durée depuis laquelle l’individu s’est installé en Angleterre. Ainsi :
- Si durant les 9 dernières années il a été résident fiscal en Angleterre pendant 7 ans, il ne sera pas imposé sur ses revenus internationaux ;
- Au-delà, il peut toujours opter pour ce statut en acceptant de payer une Remittance Basis [3] (base de remise), une somme forfaitaire augmentant en fonction du nombre d’année de résidence fiscale en Angleterre.
Ce forfait est de £30,000.00/an au-delà de 7 années de résidence fiscale durant les 9 dernières années, puis £60,000.00/an après 12 années, et enfin £90,000.00/an après 17 ans.
Après 17 années de résidence fiscale, les « Non Dom » continuent donc de bénéficier de la possibilité d’opter pour ce forfait global de £90,000.00.
En tout état de cause, les revenus rapatriés dont la valeur annuelle globale est inférieure à £2000.00 ne sont pas non plus taxés sur simple déclaration de bénéfice du statut, et sans avoir à payer la Remittance Basis et tout en conservant le bénéfice de la Personal Allowance et de l’Annual Exempt Amount of Capital Gain Tax.
Nouveau statut proposé
Le gouvernement anglais dans les différentes notes qu’il a fait circuler rappelle la raison d’être initiale de ce statut de « Non Dom », qui permettait de prendre en considération le rattachement des expatriés à leur domicile d’origine. Après 15 années, le résident a toutefois exprimé l’intention manifeste de s’installer durablement en Angleterre, et d’être soumis aux mêmes règles et à la même fiscalité que ses compatriotes anglais. Il devrait donc être imposé tant ses revenus de sources locales que sur tous les revenus rapatriés en Angleterre.
Ainsi, le gouvernement propose qu’après 15 ans de résidence prises parmi les 20 dernières années, le résident ne puisse plus bénéficier du statut de « Non Dom ». Par ailleurs, l’obtention de ce statut par les citoyens britanniques devient presque impossible. Le principe du paiement d’une Remittance Basis global demeure pendant les 15 premières années, dont le total augmente en fonction du nombre d’années de résidence en Angleterre.
De plus, le seuil de £2000.00 de revenus rapatriés non taxé serait simplement supprimé.
Après 15 ans, le seul moyen de récupérer le bénéfice du statut de « Non Dom » sera donc d’obtenir une nouvelle résidence fiscale pendant 5 années consécutives dans un autre pays avant de revenir s’installer en Angleterre.
Résidence fiscale pour les droits de succession
Par ailleurs, et dans un souci d’uniformisation, le domicile fiscale pour l’Inheritance Tax va lui aussi être modifié.
Jusqu’à présent, les citoyens domiciliés an Angleterre sont redevables de droits de succession calculés sur l’ensemble des biens du défunt, peu importe qu’ils soient situés en Angleterre ou non. Être résident mais « Non Dom » permet au contraire à la succession de ne payer de droits que sur les biens situés en Angleterre.
Le domicile anglais est réputé acquis pour les « Non Dom » après 17 années de résidence fiscale en Angleterre prises parmi les 20 dernières années. Ils ne peuvent donc, contrairement au statut fiscal des revenus, bénéficier éternellement des avantages de la non-domiciliation.
Il était toutefois possible jusqu’alors de perdre ce domicile dans le cadre du calcul de l’assiette des droits de successions, en n’étant pas résident en Angleterre pendant 3 années consécutives avant le décès [4].
Le gouvernement anglais propose d’aligner ce régime sur celui des « Non Dom » : ainsi, après 5 années consécutives de résidence à l’étranger, le défunt n’est plus réputé domicilié an Angleterre pour le calcul de l’assiette des droits de succession.
Possibilité d’aménagement
La réforme proposée sera rétroactive, et s’appliquera à tous résidents bénéficiant actuellement du statut de « Non Dom ». Si ces derniers vivent en Angleterre depuis plus de 15 ans, ils ne pourront donc plus bénéficier de ce statut fiscal pour les années fiscales après 2017.
Le gouvernement prévoit toutefois quelques exceptions :
- Premièrement, si la réforme est rétroactive, elle n’affectera pas les revenus générés pendant la période de bénéfice du statut de « Non Dom », même si ces derniers sont rapatriés en Angleterre après l’acquisition du domicile.
- Les « Potentially Exempt Transfers » [5]. Dons effectués au moins 7 ans avant la mort du défunt, qui ne sont pas réintégrés dans le patrimoine successoral pour le calcul des droits de successions, de biens qui étaient considérés exclus quand le défunt a procédé aux dons ne seront pas réintégrés dans son patrimoine s’il acquiert par la suite le domicile fiscal anglais.
- Enfin, les biens placés dans des « offshore trusts » avant l’implémentation de la réforme et l’acquisition du domicile fiscal anglais continueront à bénéficier de la « Transfer of Assets Abroad legislation » [6].
Ainsi, le gouvernement indique que les biens placés dans ces trusts, et dont les revenus y sont conservés et non distribués au domicilié, son ou sa partenaire ou ses enfants, ne seront pas soumis à l’imposition anglaise.
Après la mise en place de la réforme et l’acquisition du domicile fiscal anglais, les revenus issus d’offshore trusts seront taxés peu importe leur lieu d’origine, et sur une « arising basis », c’est-à-dire dès leur génération.
Ce dernier point fait encore toutefois l’objet de discussions au sein de gouvernement anglais.
Taxation française des trusts ayant un lien avec la France
Cette dernière possibilité aurait pu permettre de placer des biens situés en France dans des offshore trusts créés spécialement pour l’occasion dans des pays reconnaissant l’institution.
Si la France ne reconnaît pas encore le trust dans son système juridique, la loi de juillet 2011 est toutefois venue préciser les façons dont ils doivent y être imposés.
La taxation est triple : droits de mutation à titre gratuit, droit fixe annuel et imposition sur les revenus.
Par ailleurs, la loi de 2011 instaure une obligation de déclaration à la charge de l’administrateur du trust [7] dès lors que les actifs le composant sont susceptibles d’être imposés en France. Ce texte vise notamment le cas d’un bien ou droit placé dans un trust situé en France.
Droit fixe annuel
Les biens et valeurs du trust constitué doivent être déclarés au 1er janvier de l’année d’imposition [8] à condition que la totalité du patrimoine net du constituant-déclarant soit au moins égale à 1,3 million d’euros (nouveau seuil d’application de l’ISF prévu par la loi du 6 juillet 2011).
En l’absence d’une déclaration régulière de ces actifs, un prélèvement spécifique de 0,5% (correspondant au taux le plus élevé du nouveau barème de l’ISF réformé) sera dû par les constituants ou bénéficiaires du trust, personnes physiques. Ce prélèvement s’appliquera à l’ensemble des biens, droits ou produits capitalisés composant le trust, situés en France pour les personnes domiciliées hors de France. Il a vocation à se substituer à l’ISF.
L’administrateur du trust sera tenu de déclarer chaque année la consistance et la valeur des biens, droits et produits capitalisés placés dans le trust [9]. La déclaration devra être adressée au plus tard le 15 juin de chaque année aux services des impôts compétents. A défaut, le constituant et les bénéficiaires, ou leurs héritiers seront solidairement responsables du paiement du prélèvement.
En pratique, placer des actifs français dans un trust ne changera pas la position du constituant qui sera toujours redevable de la même somme au titre de l’ISF. Ce placement est donc neutre pour les patrimoines dont la valeur est supérieure à 1,3 million d’euros.
Imposition sur les revenus des Offshore Trust
Le projet du gouvernement anglais prévoit que les biens placés dans ces offshore trusts, et dont les revenus y sont conservés et donc non distribués au domicilié, son ou sa partenaire ou leurs enfants, ne seront pas soumis à l’imposition anglaise.
La loi française limite elle aussi l’imposition des trusts à la seule distribution des bénéfices générés [10].
En principe donc, et tant que les revenus accroissent le patrimoine fiduciaire, ils ne seront taxés ni en France ni en Angleterre.
Le problème demeure de pouvoir transmettre, à terme, le patrimoine du trust. Si le trust de common law devient indépendant de son constituant après la création, et lui survit, la définition du trust en droit français crée des présomptions de mutations en cas de décès du constituant.
Droits de mutation à titre gratuit
Seront taxables, selon les nouvelles règles fiscales françaises [11], les transmissions portant sur des biens ou droits composant un trust même si le constituant ou le bénéficiaire ne réside pas fiscalement en France si les avoirs y sont situés [12]. Ainsi, seront soumis aux droits de mutation à titre gratuit, sous réserve des conventions fiscales éventuellement applicables [13] :
- les biens français des donateurs ou défunts non-résidents ;
- mais aussi les biens français et étrangers reçus par les héritiers, donataires ou légataires domiciliés fiscalement en France à la condition qu’ils l’aient été pendant au moins six années précédant celle au cours de laquelle ils reçoivent les biens.
Quand la transmission d’un bien du trust se fait directement, en vertu d’un mécanisme de donation ou successoral, ou imite le mécanisme de donation ou successoral, le droit commun, en matière de droits de mutation à titre gratuit, s’applique.
A défaut, un nouveau droit « ad hoc » va s’appliquer. La loi met en effet en place une fiction fiscale, selon laquelle l’actif du trust est transmis dès le décès du constituant, même si ce décès n’emporte pas cessation du trust.
Si le constituant a déjà déterminé pour le trust qu’une part sera transmise de façon globale à plusieurs descendants du constituant du trust sans que les frontières de ce qui est transmis à chacun d’eux soient délimitées et donc qu’il soit impossible de répartir entre les descendants cet actif, alors, le taux des droits ad hoc s’élèvera à 45%.
Lorsque l’ensemble du trust est transmis à des personnes qui ne sont pas des descendants du constituant, ou encore si la moitié sont des descendants et l’autre moitié des non descendants, alors les droits ad hoc seront de 60%. Si les avoirs restent dans le trust, et que les bénéficiaires sont des parents en ligne collatérale ou n’ont aucun lien de parenté avec le constituant, alors le taux sera aussi de 60%. Pour ces trois hypothèses, ce sera à l’administrateur de s’acquitter des droits de succession.
Si l’administrateur ne paie pas les droits, ou encore s’il est soumis à une loi étrangère d’un pays qui n’a signé avec la France aucune convention d’assistance mutuelle au recouvrement (et cela inclut le Royaume-Uni [14] ), alors ce sont les bénéficiaires du trust qui devront payer les droits de succession de façon solidaire.
Conclusion
Indépendamment des résultats du Brexit, les nouvelles règles fiscales anglaises applicables aux expatriés français de longue date supposent une réévaluation de leur situation patrimoniale en conséquence.
Les changements du statut de « Non Dom » affectent principalement les foyers disposant d’un patrimoine en France important, et installé en Angleterre depuis plus de 15 ans.
Le trust ne fournit plus aujourd’hui, au regard de la nouvelle législation française d’encadrement fiscal, l’outil qui aurait pu optimiser la fiscalité d’un important patrimoine. Il convient en tout état de cause aux foyers affectés par cette réforme de consulter leurs conseils avant avril 2017 pour s’y préparer.
Discussions en cours :
félicitation pour cet article pratique et complet
Bonjour,
Vous dites que les revenus de sources international > 2000£ qui entrent au UK ne sont pas taxés mais ce n’est pas ce qui est écrit sur le site du HMRC (voir ci-dessous).
Cdt,
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If your income is £2,000 or more :
You must report foreign income or gains of £2,000 or more, or any money that you bring to the UK, in a Self Assessment tax return.
You can either :
pay UK tax on them - you may be able to claim it back
claim the ‘remittance basis’
Claiming the remittance basis means you only pay UK tax on the income or gains you bring to the UK, but you :
lose tax-free allowances for Income Tax and Capital Gains Tax (some ‘dual residents’ may keep them)
pay an annual charge if you’ve been resident of the UK for a certain amount of time
You pay an annual charge of either :
£30,000 if you’ve been here for at least 7 of the previous 9 tax years
£60,000 for at least 12 of the previous 14 tax years
£90,000 for at least 17 of the previous 20 tax years
Claiming the remittance basis is complicated. You can :
contact HMRC
get professional tax help, for example from a tax adviser