Les enjeux de la caution solidaire dans la cession du droit de bail.
La garantie n’est pas toujours due !
Le recours à une clause de garantie solidaire est habituel en matière de cession de bail commercial. Celle-ci a pour objet de rendre le locataire initial et cédant du bail, débiteur solidaire des loyers, voire de l’ensemble des obligations découlant du bail commercial avec son successeur. Cette clause et les obligations qui en découlent pour le cédant sont importantes et leurs conséquences peuvent être redoutables puisqu’elles s’inscrivent dans la durée.
Vous êtes débiteur solidaire d’une telle clause et le bailleur du bail cédé vous appelle en garantie, il existe des moyens pour vous aider à combattre une telle obligation en recherchant les vices qui peuvent l’affecter.
La clause de garantie solidaire est d’usage dans les actes de cession de fonds de commerce incluant un bail commercial cédé. Tout d’abord, il est nécessaire de préciser qu’une telle garantie n’est pas applicable de plein droit, la clause de garantie solidaire devant être prévue au bail (Cass. 3ème Civ. 3 juillet 1988).
Il faut également savoir que la loi Pinel, entrée en vigueur le 20 juin 2014, est venue réglementer la garantie solidaire dans le cadre de cession de baux commerciaux. Pour les contrats de bail conclus (ou renouvelés) avant le 20 juin 2014, pour lesquels la loi Pinel n’est pas applicable, les parties étaient libres de prévoir dans le bail commercial toute clause de garantie solidaire (durée, modalités de mise en œuvre, étendue…). Depuis la loi Pinel, deux nouveaux articles (L.145-16-1 et L.145-16-2 du code de commerce) conditionnent l’application des clauses de garantie pour les contrats conclus ou renouvelés postérieurement au 20 juin 2014.
Il est au préalable important de préciser que ces clauses constituent des engagements de codébiteurs solidaires et non des engagements de caution (CA Paris 18 janvier 2006), ce qui empêche d’invoquer les causes d’inopposabilité propres aux actes de cautionnement (comme celle prévu à l’article 2017 du code civil par exemple). La caution appelée est un débiteur à l’égal du débiteur principal.
Un des caractères de ce type de clause est l’interprétation stricte qui en est faite par la jurisprudence (Cass, 3ème civ, 12 avril 1995). Ainsi, les obligations qu’elle couvre et ses modalités de mise en œuvre doivent s’appliquer à la lettre.
Alors comment combattre une telle clause lorsque le cédant est appelé en garantie ?
Il peut donc être intéressant de s’attarder, dans un premier temps, sur la clause contractuellement prévue pour tenter de prouver qu’elle n’est pas valable et/ou qu’elle n’est pas opposable (modalités, renvoi à des contrats antérieurs…) ou que sa portée est limitée.
Au-delà de son contenu, invoquer l’expiration de la durée de la clause peut se révéler utile. En effet, pour les contrats dans lesquels la garantie est stipulée sans délai, celle-ci s’éteint lors de l’expiration du bail au cours duquel la clause a été insérée. Ainsi, le bailleur d’un bail résilié (même de façon anticipée) ne peut appeler en garantie le cédant. (CA Amiens, 14 juin 1999).
En plus de cela, pour les contrats de bail pour lesquels la loi Pinel s’applique, l’article L.145-16-2 du code de commerce limite la durée maximale de la garantie solidaire du cédant à trois ans à compter de la date de cession effective du bail.
En outre, le renouvellement du bail, sauf clause contraire, n’emporte pas prolongation de garantie (puisque c’est un nouveau contrat de bail qui s’opère de par l’effet de la demande de renouvellement ou du congé avec offre de renouvellement du bail) alors que la tacite reconduction du bail prolonge les conditions du bail en ce compris la clause de garantie solidaire qui doit alors s’appliquer jusqu’à l’expiration du bail prolongé tacitement (Cass. 3ème civ, 5 juin 2002).
Si la clause de garantie solidaire insérée dans le contrat de bail et reprise dans le contrat de cession de fonds de commerce lequel acte de cession prévoit la garantie du cédant pour le bail cédé, la garantie vaut alors également pour le bail renouvelé. (CA Amiens, 14 juin 2011).
En revanche, l’accord entre le bailleur et le cessionnaire de poursuivre le bail alors que le bailleur a renoncé à la clause résolutoire est assimilé à un nouvel accord pour lequel le cédant n’est pas garant (CA Paris, 2 mai 2007).
En cas de cession de bail en cours de procédure collective du locataire tenant du droit de bail et cédant, la clause de solidarité du bail est réputée non écrite aux termes de l’article L.641-12 al 5 du code de commerce. Cependant, la clause sera applicable au nouveau locataire, cessionnaire du cédant frappé par la procédure de sauvegarde, qui sera tenu aux termes de la clause de solidarité avec son cessionnaire en cas de nouvelle cession.
En outre des caractéristiques intrinsèques de la clause, la négligence fautive du bailleur (CA Paris, pole 5, chambre 3, 21 juin 2017), c’est à dire son défaut d’information en cas de défaut de paiement et sa carence dans le recouvrement de ses créances, peut être invoquée. La jurisprudence a, en effet, déjà reconnu la responsabilité du bailleur dans l’accumulation de dette (Cass. Civ.3ème 24 juin 1998 ; CA Paris 2 mars 2005, CA Douai 30 mars 2017). Ainsi, le cessionnaire qui laisse s’accumuler la dette sans agir (défaut de mise en œuvre de la clause résolutoire, défaut d’action en référé, négligence au regard des difficultés financières connues par le locataire…) perd totalement ou partiellement son recours, le poids de sa faute n’ayant pas à peser sur le cédant.
La loi Pinel est encore une fois venue renforcer cette obligation puisque pour les contrats pour lesquels elle s’applique, l’article 145-16-1 du code de commerce crée une obligation légale d’information du cédant en cas de défaillance du cessionnaire dans un délai d’un mois à compter de l’échéance de l’obligation du bail non respectée par le cessionnaire sans pour autant l’avoir accompagné de sanction légale spécifique.
Compte tenu de l’importance des engagements de la caution et de la complexité liée à la co-existence de plusieurs régimes juridiques au regard de l’opération, seule l’analyse de l’ensemble des actes y afférents permet d’apprécier au cas par cas la validité, l’opposabilité et la portée d’une clause de garantie solidaire.
Ce n’est pas parce qu’elle est écrite dans le bail et/ou dans l’acte de cession de fonds de commerce ou de droit de bail qu’elle vaut !