Ce principe a été progressivement introduit en droit judiciaire français et consacré par la Cour de cassation [1].
En droit administratif, en revanche, le Conseil d’État a jugé que ce principe n’était pas compatible avec le contentieux de la légalité des actes administratifs [2].
Ce principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui permet donc d’opposer une fin de non-recevoir nouvelle, tirée d’une sorte de morale ou de bonne foi procédurale.
Il intéresse au premier chef les situations procédurales complexes dans lesquels les parties mènent des combats de longue haleine, devant même parfois plusieurs juridictions.
Il se rapproche d’autres principes comme celui de cohérence, voire de loyauté, dérivés également du devoir d’agir de bonne foi.
Ce principe n’interdit toutefois pas à une partie de changer de stratégie de défense au cours de son procès. Il reste en réalité assez flou et le juge judiciaire français apparaît tout à fait frileux dans son application, modérant alors le principe consacré.
Ainsi la Cour de cassation a-t-elle refusé de faire application du principe de l’estoppel, tandis qu’une partie en première instance fondait sa demande sur un contrat d’agent commercial, pour contester la qualification même d’agent commercial ensuite devant la Cour d’appel.
Dans ce cadre, elle estime, sur le fondement de l’article 563 du Code de procédure civile, que les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause [3].
La Cour de cassation rappelle également que ce principe ne peut être appliqué que dans le cadre d’actions ayant des fins identiques [4], ce qui renvoie aux dispositions de l’article 1351 du code civil et à la triple identité de cause, de chose demandée et de parties revêtues de la même qualité.
Il faudra certainement un bon nombre d’arrêts pour que la Cour de cassation définisse avec précision le principe de l’estoppel, tant dans son contenu que dans sa portée.
Mais, au vu de ses arrêts les plus récents, on constate que la Cour de cassation a déjà réduit ce principe, pourtant fort intéressant et utile, à une véritable peau de chagrin.
Discussion en cours :
Quid de l’arrêt de la Cour de Versailles 8 mars 2016 RG 14/04340 et de l’adage "non concedit venire contra factum proprium"