Lorsqu’un conflit sérieux voit le jour entre associés d’une société, se pose rapidement la question des moyens à disposition pour régler ce conflit. Une solution radicale consiste à envisager l’exclusion de l’associé perturbateur ou dissident, ce qui revient à procéder au rachat forcé des titres de l’associé en cause.
L’exclusion d’un associé peut sembler en théorie impossible. En effet, selon un principe reconnu par une jurisprudence constante de la Cour de cassation consacrant le droit de propriété, tout associé a le droit et de demeurer propriétaire de ces parts et associé d’une société et ne peut en être exclu dans le cadre d’une cession forcée.
Cependant, la loi a multiplié les exceptions à ce principe. Ainsi, l’associé-dirigeant sanctionné dans le cadre d’une procédure collective peut être contraint par le juge à céder ses titres. La loi Macron du 6 août 2015 envidage également l’exclusion des associés majoritaires d’une société qui se trouve en redressement judiciaire dans certaines conditions et sous le contrôle du Tribunal. Des associés peuvent également être exclus d’une société à l’occasion de la mise en œuvre du mécanisme de retrait obligatoire des actionnaires minoritaires au sein d’une société cotée. La clause d’exclusion a par ailleurs été expressément autorisée par la loi pour un certain nombre de type de sociétés comme les sociétés à capital variable, les sociétés coopératives ou les sociétés d’exercice libéral (SEL).
Au-delà de ces cas particuliers prévus par une disposition légale spéciale, la Cour de cassation a reconnu la validité des clauses statutaires d’exclusion dans toutes les formes de sociétés, y compris en l’absence de disposition légale autorisant ce type de clause.
Pratiquement, c’est dans les sociétés par actions simplifiées que la clause d’exclusion est le plus souvent prévue par les statuts. Aux termes de l’article L.227-16 du Code de commerce applicable aux sociétés par actions simplifiées, « dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions. Ils peuvent également prévoir la suspension des droits non pécuniaires de cet associés tant que celui-ci n’a pas procédé à cette cession ».
Une clause d’exclusion statutaire valable
Pour que l’exclusion d’un associé soit possible, les statuts doivent comporter une clause d’exclusion. Cette clause qui devra fixer les causes et modalités de l’exclusion.
Pour être valable, la clause d’exclusion doit avoir été introduite dans les statuts lors de la constitution de la société ou avoir été rajoutée en cours de vie sociale par décision unanime des associés. La rédaction de la clause et le résultat de l’accord des parties qui disposent d’une grande liberté pour définir les causes d’exclusion et les modalités de mise en œuvre de la clause.
Les causes d’exclusion doivent être explicitement prévues par la clause et être conformes à l’intérêt de la société ainsi qu’à l’ordre public. Si l’exclusion peut être envisagée comme une sanction d’un associé, par exemple en cas de faute ou de condamnation pénale de l’intéressé, elle peut n’être que la conséquence d’un évènement objectif et non fautif comme la perte par l’associé visé d’une qualité ou d’un titre ou d’un statut jugé nécessaire à son maintien au sein de la société. Il est notamment possible de prévoir l’exclusion d’un associé par ailleurs salarié de la société en cas de licenciement de ce dernier. Un tel dispositif permet de rompre le lien capitalistique si le lien de subordination disparaît.
La décision d’exclusion
L’exclusion d’un associé suppose nécessairement une décision. Celle-ci doit intervenir dans les conditions prévues par les statuts. Là encore, les associés disposent d’une grande liberté.
S’agissant d’une décision touchant directement les associés, il est assez courant que ces derniers se réservent la décision de décider ou non de l’exclusion de l’un d’entre eux. Mais, dans cette hypothèse, se pose les questions de la participation physique et du droit de vote de l’associé dont l’exclusion est envisagée. Contrairement à ce que prévoient encore de nombreuses clauses, il est désormais impossible de priver l’associé concerné par une demande d’exclusion de son droit de participer à la décision et de son droit de voter sur sa propre exclusion. Les clauses stipulant le contraire sont réputées non écrites dans leur totalité, de sorte qu’une exclusion intervenue en violation du droit de vote de l’associé exclu est nulle par principe. Ceci peut déboucher sur des situations de blocage et sur une impossibilité de procéder à une exclusion lorsque l’associé concerné est majoritaire, les modifications portant sur une clause d’exclusion ne pouvant intervenir qu’à l’unanimité.
Pour pallier cette difficulté il est notamment possible de prévoir qu’un associé pourra être exclu, sans qu’une consultation des associés ne soit nécessaire, à la discrétion du seul président de la société , ou sur décision d’un organe collégial statutaire, voire éventuellement d’un tiers. Il est également possible de prévoir un aménagement des modalités du droit de vote selon, par exemple, le principe « un associé – une voix ».
Le respect des droits de l’associé exclu
Qu’elle émane de l’assemblée générale des associés ou d’un organe exécutif, la décision d’exclure un associé doit être justifiée par des motifs prévus par les statuts. Comme en matière de révocation des dirigeants, le respect du contradictoire impose que les motifs justifiant la décision d’exclusion soient communiqués à l’intéressé avant que la décision d’exclusion n’intervienne, afin que celui-ci puisse faire valoir ses observations. Mais il est vrai que l’importance du débat dépendra directement du motif d’exclusion lui-même qui peut, selon les cas, être totalement objectif ou prêter à discussion. Il demeure essentiel de porter une attention particulière à la définition de la procédure d’exclusion ainsi qu’à sa mise en œuvre. En toutes hypothèses, il appartient au juge de se prononcer le cas échéant sur l’éventuel caractère abusif de l’exclusion. Son intervention étant en cette matière d’ordre public, les parties ne pourront pas renoncer par avance à une saisine du Tribunal.
La sortie du capital de l’associé exclu
La décision d’exclure un associé entraîne pour ce dernier la sortie du capital de la société et le rachat de ses droits sociaux, ce qui pose la question du prix de rachat. C’est la raison pour laquelle les associés devront convenir des modalités de calcul du prix de rachat des actions, soit dans les statuts comme le prévoit l’article L.227-18 du Code de commerce, soit dans un acte extra-statutaire. A défaut, et sauf accord entre les parties, ce prix est fixé par un expert dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil à une date la plus proche de celle de la cession effective des droits sociaux.
Au-delà du prix de rachat, les statuts doivent également préciser qui sera le cessionnaire des parts de l’associé exclu. Ce peut être les autres associés, ou la société elle-même. Mais dans ce dernier cas, celle-ci devra céder ces parts dans les 6 mois ou les annuler en procédant à une réduction de capital non motivée par des pertes.
Les statuts pourront également prévoir la suspension des droits non pécuniaires de l’associé exclu tant que celui-ci n’aura pas effectivement cédé ses actions, disposition qui peut accélérer le processus d’exclusion.
Ainsi la clause d’exclusion est un outil à considérer avec attention afin de réserver la possibilité de traiter efficacement une situation de conflit irréconciliable entre associés ou pour entériner les conséquences de l’évolution de la situation de l’un d’entre eux.
Mais d’autres mécanismes peuvent être mis en place, dans les statuts ou dans un pacte d’actionnaires. Des promesses unilatérales de vente peuvent être convenues et n’engager que les associés concernés. Comme la procédure d’exclusion, ces promesses permettent d’obtenir le départ de l’associé concerné et la cession de ses titres, mais permettent également un traitement différencié entre associés, sans nécessaire respect du contradictoire imposé dans le cadre de la procédure d’exclusion ni participation de l’associé concerné.
En réalité, le choix de l’un ou l’autre des mécanismes dépendra de la relation entre les associés au moment de la rédaction des accords statutaires et/ou extra-statutaires, l’objectif devant être de convenir d’un mécanisme permettant d’éviter tout blocage irrémédiable ainsi qu’une éventuelle dissolution anticipée.