La CJUE a en effet pris une position cruciale dans les 3 arrêts du 21 septembre dernier, en matière d’exonération de TVA concernant les établissements bancaires et d’assurance.
1. Contexte
L’article 261 C du Code général des impôts (CGI) prévoit l’exonération de TVA pour les opérations bancaires et assurantielles visées par l’article (virement, garantie, prêt etc). Pour les autres activités, elles peuvent être exonérées si elles ne dépassent pas plus de 20% du chiffre d’affaires de l’établissement financier.
Cette disposition est très importante car elle permet aux établissements concernés de créer des groupements de moyens, car le fait de ne pas collecter de TVA est une des conditions. Ces établissements assujettis au paiement de la TVA en ce qui concerne les charges liées à leur activité (par exemple l’appel à des experts, des cabinets de conseils, des avocats), peuvent donc mutualiser ces charges en les partageant avec les autres membres du groupement, mais aussi bénéficier des dispositions de l’article 132-1 f) de la directive TVA de 2006 (article 261 b du Code général des impôts) qui dispose que l’exonération de TVA s’applique aux activités réalisées par des groupements de moyens, mais aussi les GIE.
Ainsi, les établissements qui forment un groupement, confient à ce groupement disposant d’une personnalité morale propre, la réalisation des services directement liés à leur activité et visés par le non assujettissement à la TVA par l’article 261 C du CGI (comme exposé supra). Cela est alors exonéré de TVA. C’est un moyen de contourner légalement l’assujettissement à la TVA.
2. Les arrêts de la CJUE
Les arrêts de la CJUE viennent mettre fin (au moins de manière temporaire) à ce contournement du paiement de la TVA, car la cour intègre la notion « d’intérêt général » à son raisonnement et vise pour cela de manière très spécifique l’article 132-1 de la directive qui s’intitule « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général ». Dès lors, le procédé français consistant à constituer des groupements de moyens ou GIE par les établissements financiers et d’assurance, permettant de jouir des dispositions du petit f) de l’article 132-1 de la directive est remis en cause de manière fondamentale. En effet la cour considère qu’aucune de ses activités assurées par les groupements au profit des établissements financiers n’a pour but l’intérêt général. Il faut souligner que la notion d’intérêt général est appréciée très largement par la cour.
3. Les Conséquences
Si un établissement fait partie d’un groupement de moyens et/ou se voit exonérée de TVA sur de nombreuses prestations auxquelles elle recourt grâce à un GIE auquel il appartient, alors il ne pourra plus bénéficier de ce mécanisme pour les exercices futurs (les exercices clos et l’exercice en cours n’étant pas concernés) et aucun autre mécanisme similaire n’est applicable en droit français. Cela pourrait donc avoir un impact financier majeur puisque des centaines de milliers d’euros seraient à nouveau à charge.
Toutefois, le droit français se trouvant désormais en contradiction avec la jurisprudence communautaire sur ce sujet, le législateur ne vas surement pas tarder à se prononcer sur le sujet, et il est souhaitable que l’administration fiscale publie rapidement un rescrit permettant de savoir si oui ou non le mécanisme français actuel est remis en cause. Il faut espérer que cela ait lieu avant le prochain exercice comptable.
Ces arrêts ouvrent donc une période transitoire en attendant que la Commission et le Parlement européen se penchent sur le sujet.
En tout état de cause si l’administration fiscale ne publie aucune position avant le prochain exercice fiscal, les établissements devront faire un choix à ce moment précis. Soit s’aligner d’ores et déjà sur la position de la jurisprudence communautaire ; soit provisionner une somme permettant de faire face à un éventuel redressement fiscal si l’administration fiscale décidait de s’aligner sur la position de la jurisprudence communautaire avec effet rétroactif.
Ainsi, il serait sans doute utile que la France revoit son positionnement sur la mise en place du régime du groupe TVA tel qu’induit par l’article 11 de la directive TVA. En effet jusqu’à aujourd’hui le gouvernement n’a jamais transposé cette possibilité qui pourrait pourtant être une solution viable afin d’éviter que les établissements financiers et d’assurance du tissu économique français ne se voient confronter à des pertes financières difficilement gérables.