Dans les faits, la société Lactalis consent une avance à la société Seec. Pour garantir cette avance, la Société Cibem se rend caution le 6 août 2009 et affecte en gage sans dépossession l’intégralité de ses stocks. L’acte est publié au greffe du Tribunal de commerce de Tours et désigne le bien gagé de la façon suivante : « boites fromagères-matériaux nécessaires à la production des dites boites fromagères et des dits matériaux appartenant au constituant ». La publication vise l’intégralité de ces matériaux sans plus de précisions.
La société Cibem est mise en liquidation judiciaire le 1 er juin 2010.
La Société Lactalis déclare alors sa créance et son gage. Lors du plan de cession, la société Lactalis accepte de renoncer à son droit de rétention sur les stocks à condition de se faire attribuer le prix de la cession des stocks.
Sa créance est déclarée privilégiée et le prix de vente des stocks lui est versé par ordonnance du juge commissaire le 5 décembre 2011.
L’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés de la société Cibem en conteste le caractère privilégié.
Par un arrêt infirmatif, la Cour d’Appel considère que la créance est privilégiée. La société Cibem, représentée par son liquidateur, la société Francis Villa, forme alors un pourvoi.
Selon la Cour d’appel :
1° le gage du 6 août 2009 est valable car il est commercial. Le gage commercial est un acte consensuel formé à la rencontre des volontés sans formalisme.
2° Le gage du 6 août 2009 est opposable aux tiers car la publicité qui en a été faite est suffisante.
Le pourvoi quant à lui considère que :
1° Le gage sans dépossession constitue un acte solennel, dont la validité est soumise à la rédaction d’un écrit et à la désignation précise des quantités de biens gagés. il invoque donc la violation de l’article 2336 du Code civil.
2° Le gage sans dépossession n’est opposable aux tiers que si, dans la publicité qui en est faite, les quantités de biens gagés sont précisément définies. En l’espèce, la notion « d’intégralité des matériaux » est imprécise. Il invoque donc la violation de l’article 2337 du Code civil.
Il appartenait à la Cour de cassation de déterminer si le gage commercial sans dépossession est soumis au formalisme et aux conditions de précision du bien gagé prévus par les articles 2336 et 2337 du Code civil.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et, par un attendu de principe, elle affirme que l’article L 521-1 Code du commerce n’a pas été modifié par l’ordonnance de 2006 qui impose le formalisme de l’article 2336 du Code civil. En effet, l’article L 521-1 du Code de commerce permet de constater le gage commercial par tous moyens. Dès lors, le gage commercial ne relève pas du champ de l’article 2336 du Code civil.
Outre l’apport principal de cet arrêt relatif à l’exclusion du gage commercial du champ de l’article 2336 du Code civil, on constate que la Cour de cassation est relativement souple s’agissant de l’appréciation de la détermination du bien gagé.
En effet, selon elle, la mention de « l’intégralité du stock » est suffisamment précise pour renseigner les tiers sur la quantité du bien gagé.
De même, la mention « les boîtes fromagères et les matériaux nécessaires à leurs fabrications » est suffisamment précise pour renseigner les tiers sur la nature du bien gagé.
Selon le Professeur Nicolas BORGA : « On peut se demander si l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 17 février 2015 ne pourrait pas être porteur d’une évolution sur le terrain du principe de spécialité des biens grevés » [1].