Le citoyen a parfois l’impression que dans les bureaux ouatés des divers ministères se promènent de savants cerveaux, dont la pensée pure veille à se tenir éloignée de ces viles contingences matérielles que le peuple subit ; souverain dit-on ; le peuple.
On a vu les médecins protester contre l’extension du tiers payant alors même que la ministre de la santé les a invités à avoir confiance quant au recouvrement de leurs frais auprès des divers intervenants.
Ayez confiance !
Pour celui qui exerce et qui doit, en sus de son travail intellectuel s’occuper de paperasserie et de comptabilité, sans délégation, la crainte est compréhensible.
C’est peut-être par solidarité ministérielle que Madame Taubira vient de délivrer un décret concernant la procédure électronique, mais surtout les résolutions amiables des conflits.
Dans son ministère, un cerveau savant a donc prévu de modifier l’article 56 du Code de procédure civile comme suit :
« L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice :
1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
2° L’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier.
Elle comprend en outre l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.
Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, l’assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Elle vaut conclusions. »
Le texte précise qu’à défaut de cette mention complémentaire visant à préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, le juge aura la possibilité de désigner un conciliateur ou un médiateur.
Il faut en effet pousser à la médiation et la méthode choisie, très certainement, aura la même efficacité que quand Madame Duflot a inventé la loi ALUR visant à promouvoir le logement.
Celui qui écrit ces lignes est favorable à toutes ces belles initiatives !
Il semblerait que ce texte magnifique soit applicable pour le 1er avril.
Amis lecteurs, qu’appelle-t-on l’urgence : est-ce le principe du référé ?
Mais quid alors du référé provision qui n’est pas fondé sur l’urgence ?
Et puis que considère-t-on être des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ?
Après tout, par exemple en matière de recouvrement, une mise en demeure est une tentative de résolution amiable avant que le juge ne soit saisi par les parties.
Alors ?
Nulle crainte, il reste 20 jours pour conceptualiser la chose.
Ayez confiance !
Bien sûr, c’est un détail du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends.
Bel effet d’annonce, que ce décret.
Le praticien, une fois encore, éprouvera un grand moment de solitude procédurale.
Discussion en cours :
Il semble que, le décret visant officiellement à la simplification des procédures, son auteur se soit ingénié à rendre totalement inutile et inefficace, donc d’une grande simplicité, la complication procédurale qu’il était chargé d’y insérer.
A se demander, en effet, si la date du 1er avril choisie pour l’entrée en vigueur n’est que pur hasard.
Car, à lire la nouvelle version des articles 56 et 58 du code de procédure civile, on croit comprendre que la mention supplémentaire à ne pas oublier dans les actes introductifs d’instance ne relève pas vraiment de la plaisanterie, au point que, pour s’en dispenser, il faudra "justifier" d’un motif "légitime" tenant à l’urgence ou à la matière considérée. Donc, rien de plus contraignant, à première vue, que cette mention des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du différend.
Et se posent alors, comme vous l’évoquez, toutes sortes de problèmes d’interprétation, tant sur le principe (quelles diligences ?) que sur les exceptions (quelles urgences ? quelles matières ?), sans compter la difficulté liée à la confidentialité des échanges entre les avocats.
Et se pose ensuite la question de la sanction, car il n’est pas envisageable qu’une exigence aussi rigoureusement formulée ne soit assortie d’aucune sanction. Personnellement et précipitamment, j’ai écrit que cette sanction ne pouvait être que la nullité pour vice de forme telle qu’elle est déjà prévue par les articles 56 et 58.
Mais des observateurs sachant commenter se sont joints à des commentateurs sachant observer pour faire valoir, à juste titre et non sans raison, que la nullité ne visait expressément que les mentions dûment numérotées à cet effet dans lesdits articles, et non les suivantes. Donc, pas de nullité.
La seule "sanction" prévue serait donc celle que vous indiquez, résultant du nouvel article 127 du CPC, dont il résulte qu’à défaut de justification des diligences entreprises (ce qui, d’ailleurs, semble indépendant du point de savoir si les diligences en question sont précisées ou non dans l’assignation), le juge pourra (et non devra) proposer (et non imposer) une mesure de conciliation ou de médiation. Ce qu’il peut déjà faire en tout état de cause ...
Autant dire, aucune sanction. Ce n’est plus "ayez confiance" mais "n’ayez pas peur" !
On pourra encore entamer un procès sans avoir attaqué les diligences.