1. L’attribution d’actions gratuites au regard du droit des sociétés.
A. Définition des actions gratuites
Notons à titre préliminaire que seules les sociétés par actions (SA, SCA, SAS), qu’elles soient cotées ou non, peuvent procéder à un aménagement de l’actionnariat salarié.
Les actions gratuites renvoient aux actions attribuées aux salariés et mandataires sociaux de l’entreprise.
Elles sont souvent assimilées à tort aux stock-options. Ces derniers constituent en effet un autre moyen permettant aux salariés de détenir le capital social de l’entreprise. Pour autant, ces deux opérations, bien que présentant certaines similitudes, sont à distinguer. En effet, alors que les actions gratuites ne requièrent en principe aucune contrepartie financière de la part des bénéficiaires, le dispositif des stock-options met à la charge du bénéficiaire le paiement d’un prix déterminé à l’avance. Par ailleurs, ce dispositif offre en réalité un droit d’option à la souscription ou l’achat de titres de l’entreprise, l’opération n’étant réalisée qu’à la levée de l’option par le bénéficiaire.
B. Les bénéficiaires des actions gratuites : un champ strictement encadré par la loi.
Les actions gratuites peuvent être attribuées aux salariés mais également aux mandataires sociaux.
Concernant les salariés, il s’agit de ceux de la société attributrice, mais aussi de ceux des sociétés liées, qu’il s’agisse indistinctement de sociétés filiales, de sociétés mères ou de sociétés sœurs. Toutefois, une société cotée ne peut attribuer des actions gratuites qu’à ses propres salariés ou ceux de ses filiales, à l’exception de ses sociétés mères et sœurs.
Quant aux mandataires sociaux, il s’agit des personnes physiques ayant des fonctions de direction [1], à l’exclusion des administrateurs et des membres du conseil de surveillance. Toutefois, si ces derniers sont liés à l’entreprise par un contrat de travail, il leur est possible de bénéficier d’actions gratuites au titre de leur activité salariée. Tout comme les salariés, les mandataires sociaux peuvent également se faire attribuer des actions d’une société liée, sous réserve toutefois que cette société liée soit cotée et qu’elle remplisse une des conditions prévues à l’article L.225-197-6 du Code de commerce [2]
Enfin, il faut préciser que l’attribution d’actions gratuites s’effectue dans le respect de certaines limites :
une limite individuelle au niveau des bénéficiaires, ces derniers ne pouvant se voir attribuer d’actions gratuites lorsqu’ils détiennent plus de 10% du capital social de l’entreprise, ou lorsque cette attribution aurait pour effet d’entraîner à leur niveau une détention de plus de 10% du capital social de l’entreprise ; et
une limite globale au niveau de l’entreprise, étant précisé que le nombre total des actions gratuites attribuées ne peut excéder 10% du capital social de la société attributrice, ce seuil étant porté à 30% lorsque l’attribution bénéficie à l’ensemble des membres du personnel salarié de la société.
C. Les actions gratuites : un dispositif d’attribution en deux temps.
L’attribution d’actions gratuites fait dans un premier temps l’objet d’une autorisation préalable de l’assemblée générale extraordinaire (AGE). Elle détermine les titres sur lesquels porte l’attribution, étant précisé que lorsqu’il s’agit d’actions à émettre, l’autorisation de l’AGE emporte de plein droit renonciation des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription. L’AGE détermine également la durée des périodes d’acquisition, et le cas échéant, de conservation.
La période d’acquisition est la période au terme de laquelle le bénéficiaire de l’attribution devient propriétaire des titres, tandis que la période de conservation renvoie quant à elle à la période au terme de laquelle le bénéficiaire peut pleinement disposer des titres [3]. Notons qu’il existe cependant des limites à la libre-cessibilité des actions à l’échéance de la période de conservation pour les actions gratuites attribuées par une société cotée et pour les actions gratuites attribuées à des mandataires sociaux [4].
Concernant la durée de ces périodes :
depuis la Loi Macron de 2015, la durée de la période d’acquisition fixée par l’AGE ne peut être inférieure à un an et l’AGE n’est plus obligée de fixer une période de conservation, étant précisé que la durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation ne peut être inférieure à deux ans ;
concernant les actions attribuées avant 2015, la durée des périodes d’acquisition et de conservation fixées par l’AGE ne peuvent être inférieures à deux ans chacune, étant précisé que l’AGE peut réduire ou supprimer la durée de la période de conservation lorsqu’elle retient une période d’acquisition d’une durée au moins égale à quatre ans pour tout ou partie des actions attribuées.
Lorsque l’AGE a autorisé l’opération, cette dernière est dans un second temps décidée par le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, qui fixe les conditions et critères d’attribution (ancienneté, performance individuelle ou globale).
Tout ce qui précède est détaillé aux articles L.225-197-1 à L.225-197-6 du Code de commerce.
Fiscalement, l’attribution d’actions gratuites était devenue une alternative à celle des stock-options dont la fiscalité était devenue très peu incitative. Toutefois, la fiscalité des actions gratuites a progressivement été durcie, en particulier au cours du dernier quinquennat, une inflexion ayant toutefois vu le jour avec la loi Macron du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Aujourd’hui, le projet de loi de finances pour 2018 semble suivre le même chemin, une année seulement après la dernière réforme.
2. Une réforme fiscale, « message positif » aux entreprises.
Le régime fiscal des attributions d’actions gratuites est applicable au contribuable domicilié fiscalement en France, dès lors que l’attribution d’actions gratuites intervient conformément aux dispositions des articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du Code de commerce précédemment développées. A défaut, les avantages constituent un complément de salaire, imposable dans les conditions de droit commun [5].
Amenée à cohabiter avec les multiples régimes précédents, l’inflexion de régime applicable à compter du 1er janvier 2018 affectera aussi bien le gain d’acquisition, que la plus-value de cession et les produits financiers afférents.
A. Une taxation du gain d’acquisition intermédiaire.
Le gain d’acquisition - correspondant à la valeur des titres à la fin de la période d’acquisition et diminuée de la participation symbolique du bénéficiaire le cas échant - est imposable tant du côté du bénéficiaire des actions gratuites, que du côté patronal.
Les modalités d’imposition du gain d’acquisition seront modifiées par le projet de loi de finances pour 2018, applicable aux attributions consécutives à une décision d’assemblée générale extraordinaire prise à compter du 1er janvier 2018. Ainsi, le gain d’imposition demeurerait imposable au barème progressif de l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour la fraction n’excédant pas 300.000€, la différence apparaissant par l’application d’un abattement unique de 50% quelle que soit la durée de détention des titres. En sus de cette imposition, cette fraction du gain d’imposition serait soumise aux prélèvements sociaux au titre des revenus du patrimoine au taux de 17,2% en raison de l’augmentation de la CSG prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, la fraction déductible s’élevant à 6,8%.
Au-delà de ce seuil de 300.000€, le gain d’acquisition resterait soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu sans abattement, aux prélèvements sociaux sur les revenus d’activité dont le taux sera porté à 9,2% [6] dont une fraction déductible à hauteur de 6,8%, et enfin à la contribution salariale de 10% rétablie à la fin du dernier quinquennat [7].
Enfin, s’agissant du versant patronal, à savoir le taux de la contribution patronale spécifique, tout comme l’avait fait la loi Macron en 2015, l’article 11 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 abaisserait à 20% le taux de cette contribution actuellement à 30% [8]. Le retour à 20% de cette cotisation aurait pour objectif de renforcer « le message positif que cette majorité [La République en marche, N.D.L.R.] souhaite porter à l’égard des acteurs économiques de premier plan que sont les entreprises » [9], cette même attractivité qui a été avancée à l’occasion de l’inflexion du régime par la loi Macron.
Mais au-delà du constat d’instabilité législative, il semblerait que ces nouvelles dispositions ne constituent pas un simple retour à la loi Macron, mais plutôt un intermédiaire entre les législations successives relatives aux gains d’acquisition. En matière de plus-values de cession et de produits financiers qui, eux, n’avaient pas fait l’objet des multiples réformes, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) constitue toutefois une inflexion plus nette du durcissement fiscal qui a globalement marqué le dernier quinquennat en la matière.
B. Une taxation des plus-values de cession et produits financiers particulièrement infléchie.
En matière de plus-values de cession d’actions gratuites, dans l’hypothèse d’une cession réalisée à compter du 1er janvier 2018, cette plus-value devrait être soumise au PFU de 30% [10] (17,2% de prélèvements sociaux en sus d’un impôt sur le revenu forfaitaire de 12,8%) qui se substituera au régime actuel de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux. Ce plafonnement forfaitaire de l’impôt sur le revenu s’accompagnera de la suppression des abattements de droit commun et renforcés pour les titres acquis après le 1er janvier 2018, à l’exception du seul abattement fixe de 500 000€ prévu pour le dirigeant de PME partant à la retraite à l’occasion de la cession de son entreprise, mis en place jusqu’en 2022. Par ailleurs, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus demeurera applicable en sus du PFU, sur une fraction du revenu, au taux de 3 ou 4% [11].
Le contribuable pourrait toutefois, sur option, bénéficier de l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu. Cette renonciation optionnelle au PFU sera alors applicable à l’ensemble des revenus entrant dans le champ du PFU notamment aux plus-values et dividendes, dès lors qu’il n’est pas possible de procéder à une option partielle. Une clause de sauvegarde permettra en principe, pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018, dès lors que l’option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu a été souscrite, de préserver l’abattement de droit commun ainsi que l’abattement renforcé, notamment pour les cessions de titres de PME de moins de dix ans en faveur des contribuables qui ont acquis ou souscrit leurs titres antérieurement au 1er janvier 2018. Il faut toutefois noter que l’application de cet abattement ne saurait être cumulée avec l’application du nouvel abattement fixe de 500.000€ [12].
Finalement, les produits financiers, à savoir les dividendes et les produits de la cession du droit préférentiel de souscription, se verront également imposés selon le régime applicable aux plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux, à savoir le PFU de 30% sans abattements, avec l’option globale pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
En dépit de l’apparente simplification de la loi fiscale permise par le prélèvement unique forfaitaire, cette nouvelle réforme laisse coexister de nombreux régimes composés, ajoutant encore à la complexité de la loi fiscale.