La douane a pour mission de contrôler les individus, les marchandises et les capitaux (art. 464 et suiv. du Code des douanes) sur l’ensemble des points d’accès au territoire national français, métropolitain et outre-marin : ports, aéroports et routes, y compris sur la mer territoriale.
Sa charge de travail est colossale car chaque année ce sont plus de 82 millions de voyageurs qui franchissent les frontières françaises, 1,4 million de tonnes de fret aérien et 330 millions de tonnes de fret maritime à contrôler [1] par un effectif d’environ 16 000 hommes.
Quelques rappels sur la douane
Ses contrôles se font « à l’importation, à l’exportation, à la circulation, à la détention, et également après dédouanement, a posteriori ». [2]
Elle est garante de la loyauté des transactions internationales et vise à protéger les consommateurs.
Selon la douane, le début des années 2000 et l’ascension d’Internet ont marqué une nette augmentation de la contrefaçon. Elle parle même de « formidable expansion » et fait remarquer que les saisies douanières sont passées en France de 200 000 articles en 1994 à 4,6 millions en 2012.
La direction générale des douanes et droits indirects est implantée à Montreuil (93) et des directions interrégionales et régionales sont réparties sur l’ensemble de la France.
La DGDDI, Direction générale des douanes et droits indirects, dispose de services spécialisés particulièrement actifs dans la lutte anti-contrefaçon :
la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), en charge de la lutte contre les grandes fraudes et les organisations criminelles, et qui permet de cibler les contrôles
le service Cyberdouane pour la surveillance du web
le Service national de douane judiciaire (SNDJ), responsable des enquêtes et bénéficiant des moyens de police judiciaire pour démanteler les filières
Moyens juridiques de la douane contre la contrefaçon
La douane est régie par le droit national issu du Code des douanes national, et par le droit international issu, depuis le 1er mai 2016, du Code des douanes de l’Union (CDU) (en remplacement du Code des douanes communautaire).
Ainsi, les 27 services de douane des États de l’Union européenne bénéficient d’une réglementation commune et peuvent retenir des marchandises suspectées de violer des droits de propriété intellectuelle.
Principes généraux
Pour déceler des fraudes douanières, l’article 60 du Code des douanes prévoit que les agents des douanes disposent d’un droit de « visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes ».
L’article 61 poursuit en précisant qu’il peut être fait « usage de tous engins appropriés pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs ne s’arrêtent pas à leurs injonctions. »
Outre ce pouvoir d’immobiliser, l’article 65 du Code des douanes octroie aux agents des douanes un pouvoir de saisie de document : « peuvent exiger communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leurs services. »
Enfin, en ce qui concerne les grandes lignes, la douane peut accéder indifféremment à tout local à usage professionnel (art. 63 ter du Code des douanes), bureaux, terrains, entrepôts ou moyens de transport professionnels.
De la même manière, un droit de visite dans les locaux privés est prévu à l’article 64 du Code des douanes et se rapproche du droit de perquisition prévu par le Code de procédure pénale.
La saisie douanière
Une saisie douanière est réalisée par un agent des douanes quand ce dernier est certain d’être confronté à une marchandise constituant une contrefaçon.
La saisie douanière est prévue par le Code des douanes et le Code de propriété intellectuelle aux articles L. 716-9 a), L. 716-10, L. 613-3, L. 513-4, L. 335-2 et L. 335-4. Les agents des douanes peuvent constater, en fonction des circonstances, un délit douanier en matière de contrefaçon de marque, de dessin et modèle, de brevet, de droits d’auteur et de droits voisins.
Les marchandises de fraude sont en général saisies et confisquées (art. 323 du Code des douanes).
La retenue douanière
Lorsqu’il existe un doute sur le caractère contrefaisant de la marchandise, l’agent des douanes procède, préalablement à la saisie, à une retenue des marchandises afin d’établir la matérialité de l’infraction auprès du titulaire du droit de propriété intellectuelle.
La procédure de retenue douanière est prévue aux articles L. 716-8 à L. 716-8-8 du Code de propriété intellectuelle et nécessite tout d’abord que le propriétaire de droits de propriété intellectuelle sollicite la douane.
Cette demande est gratuite, doit se faire par écrit et est à renouveler tous les ans. Elle peut se faire :
au niveau de l’Union européenne, sur la base du règlement de l’Union européenne n° 608/2013. Cela permet aux autorités douanières sollicitées de retenir aux frontières extérieures de l’UE (importation, mise en libre pratique, réexportation, placement en zone franche ou entrepôt franc) des marchandises suspectées de violer un droit de propriété intellectuelle ;
au niveau national, pays par pays, en s’appuyant sur la législation nationale. C’est le code de la propriété intellectuelle qui s’applique en ce qui concerne la France, les articles variant en fonction des droits à protéger :
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- dessins et modèles : art. L521-14 à L521-19
- brevets d’invention : L614-32 à L614-39
- protection des connaissances techniques : L623-36 à L623-44
- marques de fabrique, de commerce ou de service : L716-8 à L716-16
- indications géographiques : L722-9 à L722-17
- propriété littéraire et artistique : L335-10 à 335-18
Sollicitée, la douane française peut retenir toute marchandise suspectée de porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, y compris provenant d’un pays de l’UE.
Cette procédure juridique nécessite une étroite collaboration entre le titulaire des droits et les services des douanes. En effet, pour plus d’efficacité, le titulaire doit communiquer régulièrement ses nouvelles créations aux autorités, leurs signes distinctifs, les informations qui lui sont remontées sur les modèles contrefaisants et les moyens de les détecter, ainsi que procéder éventuellement à des sessions de formations des fonctionnaires des douanes...
En 2012, ce sont 1586 demandes d’intervention qui ont été déposées par des entreprises auprès de la DGDDI, Direction générale des douanes et droits indirects.
Ainsi, lorsque des marchandises suspectes se présentent, la douane peut les retenir pendant 10 jours ouvrables. Ce délai est réduit à 3 jours ouvrables pour les denrées périssables.
Pendant ce laps de temps, des échantillons sont en général prélevés puis examinés afin d’évaluer leur caractère contrefaisant.
Si l’expertise du titulaire du droit prouve la contrefaçon, des poursuites peuvent être engagées sur la base de ces éléments.
Par ailleurs, à l’issue du terme de la retenue, si le titulaire des droits de propriété intellectuelle et le détenteur des marchandises (ou le déclarant) l’acceptent, les marchandises de contrefaçon peuvent êtres détruites sans intervention du juge.
Il est alors procédé à leur destruction sous contrôle douanier et sous la responsabilité du titulaire de droits de propriété intellectuelle.
Cette procédure accélérée évite les longueurs et le coût d’un procès.
Si les marchandises ne sont pas détruites faute d’accord entre les parties ou de volonté de la part du titulaire, il est possible d’engager un procès civil ou pénal.
Au préalable, il peut être utile de prendre des mesures conservatoires.
Si une procédure judiciaire est engagée, la douane a la possibilité de transmettre les informations dont elle dispose comme l’identité et les coordonnées des personnes mises en cause, afin de faciliter la défense des titulaires de droits de propriété intellectuelle.
La procédure dite du « coup d’achat » : l’art. 67 bis-1 du Code des douanes
La loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite loi LOPPSI 2 a accentué les sanctions contre la cybercriminalité et renforcé les moyens des pouvoirs publics pour y faire face.
Ainsi, l’article 67 bis-1 a été ajouté au Code des douanes pour permettre aux agents d’acheter sur Internet des marchandises soupçonnées de constituer des produits de contrefaçon « aux seules fin de constater l’infraction ».
Cette technique dite du « coup d’achat » leur permet de contrôler la nature des produits et s’il y a délit de contrefaçon, d’« identifier les auteurs et complices et d’effectuer les saisies ».
Pour préserver la sécurité des douaniers, l’anonymat est favorisé car il leur est possible « de faire usage d’une identité d’emprunt » pour l’achat des marchandises.
Par ailleurs, ils sont exonérés de toute responsabilité pénale pour ces acquisitions.
Depuis la publication de la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, tous les droits de propriété intellectuelle sont concernés par cette procédure qui est jugée efficace bien qu’assez lourde et non aboutie.
En effet, pour être mise en œuvre, l’autorisation du procureur de la République est nécessaire et si l’anonymat des agents est préservé lors de l’achat sur Internet grâce à l’utilisation de pseudonyme, leur véritable nom se retrouve sur les procès verbaux qu’ils rédigent par la suite. Aussi, les délinquants finissent par connaître leurs noms et ces derniers font l’objet de menaces régulières sur internet.
Seule une protection juridique telle qu’en bénéficient les agents de renseignement leur permettrait un anonymat réel.