Ces propositions s’inscrivent dans le cadre des orientations politiques annoncées par le Président Junker et de la stratégie de la Commission pour un marché unique numérique présentée en mai 2015. Parmi les objectifs clés de ce plan, figure la création des conditions nécessaires à l’essor des réseaux et services numériques.
1. La protection des consommateurs et l’harmonisation des contrats de ventes en ligne
Les nouvelles règles proposées par la Commission visent à améliorer la protection des consommateurs lorsqu’ils effectuent des achats en ligne dans l’Union et à aider les entreprises à augmenter leurs ventes en ligne au-delà de leurs frontières.
La Commission a adopté deux propositions de directive : la première porte sur l’offre de contenus numériques, la seconde sur la vente en ligne de biens. Elles ont pour but de supprimer les principaux obstacles au commerce électronique transfrontière dans l’Union, à savoir les réglementations nationales non harmonisées dans le domaine du droit des contrats à la consommation, et le manque de confiance des consommateurs lorsqu’ils achètent en ligne dans un autre pays.
Le niveau de protection plus élevé des consommateurs repose notamment sur :
le renversement de la charge de la preuve : la Commission fait peser la charge de la preuve de l’absence de défaut de conformité sur le vendeur (pour une période de garantie de deux ans pour les biens).
des droits clairs et précis pour les contenus numériques : grâce à la proposition de directive, les consommateurs pourront demander la résolution des problèmes de non-conformité du contenu numérique et, si elle n’est pas possible ou pas faite convenablement, obtenir une réduction du prix ou résilier le contrat et être intégralement remboursés.
2. La modernisation du droit d’auteur afin de l’adapter à l’ère numérique
La Commission a par ailleurs présenté « sa vision d’un cadre moderne pour le droit d’auteur dans l’Union ». L’objectif annoncé est de permettre aux Européens d’accéder à une vaste offre légale de contenus tout en garantissant une meilleure protection et une rémunération équitable aux auteurs et aux autres titulaires de droits. Alors que la réglementation est aujourd’hui disparate, le but à atteindre à long terme est l’application d’un droit d’auteur uniforme dans l’ensemble de l’Union.
Le plan d’action de la Commission repose sur « quatre piliers complémentaires » :
« Élargir l’accès aux contenus dans toute l’Union » :
La Commission souhaite faire disparaître les restrictions d’accès aux contenus numériques, et, dans ce cadre, a proposé, « en tant que première étape » un règlement visant à assurer la portabilité transfrontalière des services de contenus en ligne.
La portabilité transfrontalière vise à permettre aux Européens qui se déplacent dans un autre pays de l’Union européenne d’accéder aux contenus en ligne (films, musiques, livres numériques, jeux...) qu’ils ont achetés ou pour lesquels ils ont souscrit un service en ligne dans leur pays d’origine.
Selon la Commission, la portabilité transfrontalière constitue « un nouveau droit pour les consommateurs européens » qui « devrait devenir une réalité en 2017, année où seront également abolis les frais d’itinérance (ou de "roaming") dans l’Union » (utiliser son téléphone mobile lors de déplacements dans l’Union coûtera le même prix que dans son pays de résidence habituel).
La portabilité est une mesure que redoutaient spécifiquement les producteurs d’œuvres audiovisuelles et les diffuseurs d’évènements sportifs, car ils craignaient une remise en cause du principe de territorialité sur lequel repose le financement du secteur de l’industrie culturelle (notamment diffusion des compétitions sportives par les chaines de télévision, préfinancement des œuvres audiovisuelles et des films par les chaines de télévision en échange de l’exclusivité de la diffusion).
La proposition de règlement vise les personnes présentes « temporairement » dans un autre Etat européen que son pays de résidence, comme lors d’un voyage d’affaires ou pour des vacances, sans préciser la durée de ce séjour temporaire.
Les conditions de la portabilité devraient donc être précisées, afin d’encadrer le principe et d’assurer un contrôle (notamment pour authentifier le pays de résidence de l’abonné).
La proposition de règlement devra être examinée par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. Si le règlement est approuvé, il sera obligatoire et applicable dans l’ensemble des pays de l’Union, sans mesure de transcription nationale.
La Commission a annoncé d’autres propositions qui devraient intervenir au printemps prochain, visant notamment à améliorer la circulation des contenus, et notamment des programmes de radio et de télévision en ligne (en réexaminant la directive « câble et satellite ») et faciliter l’octroi de licences pour l’accès transfrontalier aux contenus.
Elle entend également aider à redonner vie aux œuvres qui ne sont plus commercialisées.
« Prévoir des exceptions au droit d’auteur pour une société innovante et inclusive » :
Pour la Commission, l’élargissement des exceptions au droit d’auteur, qui permettent dans certaines circonstances, d’utiliser des œuvres protégées sans autorisation préalable des titulaires de droits, et leur harmonisation au sein de l’Union, constitue l’un des principaux moyens pour faciliter l’accès à la culture et à la connaissance, en particulier dans la recherche et l’éducation.
Dans ce cadre, la Commission évaluera notamment l’opportunité de réduire l’incertitude juridique liée à la diffusion en ligne de photos de bâtiments et d’œuvres d’art situés de manière permanente dans des lieux publics (« liberté de panorama »). Cette exception facultative prévue par la directive 2001/29/CE a été mise en œuvre par la plupart des pays membres, mais selon des modalités diverses, mais n’a pas été appliquée par la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et la France.
La Commission souligne également les difficultés liées au caractère facultatif et à l’absence d’effet transfrontière de l’exception en faveur des personnes handicapées.
« Créer un marché plus juste » :
Il s’agit d’améliorer la répartition de la valeur créée par les nouvelles formes de distribution en ligne d’œuvres protégées par le droit d’auteur.
Une réflexion sera également menée sur la mise à disposition d’hyperliens (qui devraient rester libres) et les services d’agrégation d’actualité.
La Commission cherchera en outre à déterminer s’il est nécessaire, au niveau de l’Union, de renforcer la sécurité juridique, la transparence et l’équilibre du système qui régit la rémunération des auteurs et des artistes interprètes en Europe.
« Lutter contre le piratage » :
Affirmant une approche globale visant à mieux protéger les droits de propriété intellectuelle, la Commission entend favoriser l’offre légale en ligne et travailler sur un cadre européen selon une approche « follow the money », qui consiste à interrompre les flux financiers vers les entreprises faisant du profit grâce au piratage.
L’objectif est d’aboutir au printemps 2016 à des accords avec les partenaires concernés (titulaires de droits, prestataires de services de paiement et de publicité, associations de consommateurs...).
La Commission examinera enfin les moyens de rendre plus efficace la suppression des contenus illicites par les intermédiaires en ligne.
En l’état de ses propositions, qui doivent encore être complétées, il semble que la Commission avance avec une relative prudence eu égard aux avertissements qui lui ont été adressés par les acteurs de l’industrie culturelle.
Néanmoins, les actions présentées devraient se traduire par des propositions législatives et d’autres actions dans les prochains mois, sur la base notamment des résultats de plusieurs consultations publiques actuellement en cours. La Commission a ainsi annoncé 16 nouvelles initiatives qui seront présentées d’ici la fin de l’année 2016.
Les acteurs du secteur restent par conséquent attentifs à ces mesures qui pourraient constituer un bouleversement du régime du droit d’auteur et avoir des conséquences importantes sur les systèmes de financement de la création culturelle en Europe.
Dans un communiqué, la ministre française de la Culture Fleur Pellerin et le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Harlem Désir ont estimé que « la communication de la Commission européenne marqu[ait] des avancées dans sa vision sur le droit d’auteur » et ont assuré veiller à ce que les actions engagées ne remettent pas en cause « le principe fondamental de l’exploitation des droits d’auteurs dans chaque Etat membre qui est au cœur du financement de la création et de la diversité culturelle » et que l’ « initiative de révision de la directive sur le droit d’auteur ne soit pas prétexte à une extension incontrôlée des exceptions préjudiciables à la création en Europe ».