Dans le cadre de l’exécution d’un marché public, le recours à la sous-traitance nécessite l’établissement d’un acte spécial, destiné d’une part à attester de l’acceptation et de l’agrément des conditions de paiement du sous-traitant par le Maître d’ouvrage, d’autre part à mettre en place le paiement direct au bénéfice du sous-traitant.
Cet acte spécial peut faire l’objet de modifications en cours de chantier, pour augmenter ou diminuer l’assiette du paiement direct, et tenir ainsi compte d’éventuelles variations du montant des travaux confiés au sous-traitant.
A cet effet, la question de savoir si le Maître d’ouvrage et l’Entreprise principale peuvent librement procéder à la modification de l’assiette du paiement direct, sans obtenir la signature de l’acte spécial modificatif par le sous-traitant, ou à tout le moins l’accord de ce dernier, a préoccupé les praticiens au cours des dernières années.
Sur cette question, la Cour Administrative d’Appel de Marseille a pu faire application du principe de l’effet relatif des contrats, en considérant, dans un arrêt du 28 décembre 2015 (req n°15MA01485), que dans la mesure où le Maître d’ouvrage n’était pas partie au contrat de sous-traitance, il n’avait pas à en contrôler les modifications de montants avant de valider l’acte spécial modificatif.
La décision de la Cour faisait écho à certains auteurs, pour lesquels l’acte spécial de sous-traitance constitue un acte contractuel, signé uniquement par le Maître d’ouvrage et l’Entreprise principale, dans le but de déterminer les modalités du paiement direct (Sébastien Palmier, Sur la nature juridique de l’acte spécial de sous-traitance, AJDA 2015 p.2358).
Parallèlement, la Cour Administrative d’Appel de Paris avait considéré que le Maître d’ouvrage n’était pas tenu d’exiger la signature de l’acte spécial modificatif par le sous-traitant lui-même (req n°14PA01272). En effet, ni l’article 114 du code des marchés publics aujourd’hui abrogé, ni l’article 134 du décret du 25 mars 2016 se substituant à lui imposent une telle signature.
Il pourrait être précisé à cet effet que, bien que le formulaire DC4 utilisé comme acte spécial type comporte un encadré réservé à la signature du sous-traitant, ce formalisme est justifié par le fait que ce formulaire comporte une déclarations sur l’honneur du sous-traitant telle qu’imposée par les textes (ancien article 114 du code des marchés publics substitué par l’article 134 du décret n°2016-360 relatif aux marchés publics).
De telles décisions, fondées sur des applications strictes des principes issus du droit commun des contrats, tendaient à protéger le Maître d’ouvrage, l’Entreprise principale étant seule susceptible d’engager sa responsabilité dans l’hypothèse où la réduction du droit à paiement direct du sous-traitant n’était pas justifiée.
Par deux arrêts rendus le 27 janvier 2017 (req n°397311, société Baudin Châteauneuf Dervaux) et le 27 mars 2017 (req n°394664, Société SEMAEST), le Conseil d’Etat est néanmoins revenu sur les solutions précitées, en imposant aux Maîtres d’ouvrages une obligation de s’assurer que la diminution du montant ouvert au paiement direct n’est pas opérée sans le consentement du sous-traitant.
En effet, par ces arrêts, la haute juridiction administrative impose au Maître d’ouvrage, avant de signer l’acte spécial diminuant l’assiette du paiement direct, de s’assurer que le montant du contrat de sous-traitance à lui-même été diminué.
Ce faisant, sans imposer la signature de l’acte spécial par le sous-traitant, le Conseil d’Etat impose au Maître d’ouvrage de vérifier que le sous-traitant a donné son accord sur la réduction du montant de son contrat, et par suite de son droit à paiement direct (pour une solution comparable, imposant un accord à tout le moins tacite du sous-traitant : Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 12 décembre 2013, n°12BX00185).
A défaut d’accord constaté, le Conseil d’Etat laisse néanmoins la possibilité au Maître d’ouvrage, conformément à une jurisprudence constante, de contrôler que le sous-traitant a effectivement exécuté les travaux pour lesquels il revendique un paiement (Conseil d’Etat, 28 avril 2000, Société Peinture Normandie, n°181604, Publié au recueil Lebon). Les personnes publiques ne peuvent en effet jamais être condamnées à payer des sommes qu’elles ne doivent pas (Conseil d’Etat, 19 mars 1971, Sieur Mergui n°79962, Publié au recueil Lebon).