Pressimo On Line (POL), l’exploitant du site www.seloger.com a agi contre un mandataire immobilier pour cybersquatting (forme de parasitisme commercial consistant à réserver des noms de domaines correspondant à des enseignes connues afin de capter un trafic Internet qui leur est normalement destiné).
Devant la Cour d’appel de Paris, le mandataire a demandé et obtenu reconventionnellement l’annulation des deux marques « se loger » détenues par POL dans les classes relatives à l’immobilier.
Pour mémoire, une marque est soumise à plusieurs conditions de validité, notamment celle du caractère distinctif du signe par rapport aux produits ou services désignés. A cet égard, le Code de la propriété intellectuelle indique que sont dépourvus de caractère distinctif « les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service » ainsi que « les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service » [1].
Cependant, l’INPI n’en fait pas un obstacle à l’enregistrement, ce sont les tiers (en pratique, les concurrents), qui tenteront de s’opposer à l’enregistrement par le biais d’une action en opposition dans les trois mois du dépôt ou plus tard par une action en annulation à titre principal ou reconventionnel.
En l’espèce donc, les marques « se loger » ont été annulées car considérées comme non distinctives pour des produits et services immobiliers qu’elles avaient vocation à désigner (les marques subsistent en revanche pour les autres produits et services que l’immobilier).
La Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 14 octobre 2014 juge en revanche que la marque « seloger.com » est distinctive et donc tout à fait conforme aux exigences du Code de la propriété intellectuelle. En raison de l’adjonction de l’extension « .com » qui suffit à éloigner le signe des produits et services désignés au dépôt.
« seloger.com » est donc une marque valable pour des produits et services immobiliers tandis que « se loger » est considéré comme non distinctif et encourt donc l’annulation.
Voilà qui vient en contradiction avec la décision rendue le 28 novembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de Paris qui avait annulé la marque « vente-privee.com ». Il en résulte une insécurité juridique pour les titulaires de marques.
Discussions en cours :
Ce qui rend la marque "SeLoger.com" distinctif aux yeux de la Cour d’appel n’est pas l’ajout de l’élément ".com" (car en lui-même aussi un élément couramment utilisé par le public concerné) au verbe "se loger", mais son usage. En effet, selon article L. 711-2 CPI, "Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage". C’est cela qui rend la décision plus subtile et c’est exactement ce point qui pourrait aussi jouer dans l’affaire "vente-privée.com", si le titulaire de cette marque/site réussit à démontrer l’utilisation notoire du vocable.
Pas de raison alors de croire à l’insécurité juridique.
sans doute une coquille : le délai d’opposition est de 2 mois devant l’INPI (L 712-3 du CPI) et 3 mois devant l’OHMI.
Tout à fait, il s’agit d’une coquille, vous avez évidemment raison le délai d’opposition est de 2 mois. Et effectivement ce droit est relatif à la disponibilité du signe par rapport à des antériorités mais uniquement à celles constituées par des marques, à l’exclusion donc des titulaires de dénominations sociales, noms commerciaux, noms de domaine ou droits d’auteur. Il ne reste à ces derniers que l’action en concurrence déloyale ou en contrefaçon.
Pour le caractère distinctif du signe, si l’INPI effectue un certain contrôle, celui-ci n’est évidemment pas absolu sinon le juge n’annulerait jamais aucune marque à ce motif.
Petite précision : L’INPI effectue bien l’examen du caractère enregistrable du signe (motifs absolus), donc de son caractère distinctif. L’opposition n’est pas une contestation du caractère intrinsèquement enregistrable du signe mais de sa disponibilité au regard de certains droits antérieurs.