Il convient de revenir sur les propos du premier Président de la Cour d’appel de Bordeaux, M. Dominique Ferrière, publié sur le site Les Annonces de la Seine, le 12 février 2015. Le 1er Président est très clair : il est un partisan de la médiation obligatoire. Et il ne s’en cache pas. Il a désigné Madame le conseiller Wagenaar en qualité de magistrat référent pour la médiation, avec la mission d’établir un annuaire régional de la médiation. Il est porteur d’un projet régional avec Madame le Bâtonnier Cadiot-Feidt.
Les médiateurs professionnels se réjouissent de ces déclarations, d’autant que Bordeaux est la ville pilote de la décennie du droit à la médiation, qui promeut précisément la médiation obligatoire. En octobre 2015, le premier symposium de la Décennie de la Médiation va avoir lieu au Palais des Congrès de Bordeaux.
Le premier président tisse son propos autour d’une citation de Voltaire. Certes, Voltaire parlait de la conciliation, certes Voltaire recommandait de faire sortir les tiers plaideurs comme on retire le bois qui alimente le feu.
« La meilleure loi, le plus excellent usage, le plus utile que j’ai vu, c’est en Hollande. Quand deux hommes veulent plaider l’un contre l’autre, ils sont obligés d’aller d’abord au Tribunal des Juges conciliateurs appelés faiseurs de paix. Si les parties arrivent avec un avocat ou un procureur, on fait d’abord retirer ces derniers, comme on ôte le bois d’un feu qu’on veut éteindre. Les faiseurs de paix disent aux parties : vous êtes de grands fous de vouloir manger votre argent à vous rendre mutuellement malheureux. Nous allons vous accommoder sans qu’il vous coûte rien. Si la rage des chicanes est trop forte dans ces plaideurs, on les remet à un autre jour, afin que le temps adoucisse les symptômes de leur maladie. Ensuite, les Juges les renvoient chercher une seconde, une troisième fois. Si leur folie est incurable, on leur permet de plaider, comme on abandonne à l’amputation des chirurgiens des membres gangrenés. Alors la justice fait sa main ». Mélanges de littérature, d’Histoire et de philosophie volume 29, page 454.
Voltaire observait en fait que la meilleure décision pour mettre un terme à des différends ne pouvait que venir des parties. Il observait aussi que l’assistance d’un tiers était indispensable. Mais il est clair aussi que Voltaire ne pouvait imaginer autre chose qu’une pratique conciliatrice. La scène de l’Avare de Molière, avec M° Jacques, met bien en scène cette idée et la difficulté fondamentale liée aux représentations mêmes du tiers - dans la scène en question, M° Jacques estime qu’un progrès qui l’aurait satisfait devrait arranger l’affaire.
Dans tous les cas, il est clair que la médiation ne saurait constituer un obstacle au recours à l’arbitrage. Le système judiciaire doit être suffisamment affirmé pour que le recours à la médiation soit aussi un recours affirmé.
L’avenir nous dira si le chemin de la médiation ne devrait pas être dissocié de celui du système judiciaire. En attendant, il est heureux que des professionnels de la Justice soient porteurs de ce projet qui va participer d’une nouvelle forme d’éducation pour les prochaines générations.
Avec la médiation, un nouveau rapport aux autres s’amorce et avec lui une nouvelle pratique de l’autorité. Si le système judiciaire reste nécessaire, on peut constater déjà, avec la modeste pratique d’une médiation opérationnelle, une médiation professionnelle, qu’il n’est pas indispensable.
Discussions en cours :
La médiation, c’est pas nouveau et il apparaît aberrant de la rendre obligatoire.
Les justiciables n’abusent pas du recours à la justice, ils font d’abord appel au service client ou à la procédure de règlement des réclamations prévue dans leur contrat.
De plus, la médiation est déjà largement favorisée au sein de la procédure judiciaire et n’est jamais une perte de temps.
Cette réforme est un coup d’épée dans l’eau et dénote une perception erronée de la problématique qui reste que la justice ne dispose pas d’assez de moyen pour faire face à la masse de conflit qui se présente en réaction notamment à un monde commercial plus rapide mais pas plus légaliste.
Pour beaucoup, l’obligation d’éduquer était une aberration pendant très très longtemps. En 1793, des hommes ont imaginer que l’enseignement laïque, comportant des matières scientifiques, avec des connaissances vérifiées et vérifiables par chacun, devait être généralisé. L’idée de l’enseignement obligatoire et de l’école laïque venait de naître. Pourquoi ? Au nom de permettre à chaque humain de renforcer l’exercice de sa liberté : une vie, une liberté.
La médiation, pensez y autrement qu’avec le moule et les chaînes de l’éducation, du droit, de la morale, etc. Pensez-y et vous devriez découvrir que l’aberrant n’est pas dans la démarche d’une obligation d’aller en médiation, mais d’une soumission à la décision d’un tiers...
bjr,
oui bel éloge "à la sagesse de la médiation" avec, en fin d’intervention , une forme de mise en garde du 1ier Pedt, précisant que ce mode de règlement amiable n’a pas pour objet "de désengorger les juridictions...."
mais entre la médiation qui tend à absorber la conciliation, l’arbitrage et le règlement juridictionnel d’un litige, n’y a t-il pas la place à une voie moyenne, "prè-contentieuse", la conciliation mise en oeuvre par un juge conciliateur (y intégrant un léger élément de contrainte), version moderne du juge de paix de 1790 et plus conforme à notre tradition judiciaire ???
cela permettrait de bien distinguer ces 2 modes de règlement amiable, la médiation fondée sur la volonté des parties sans élément de contrainte et la conciliation (issue de l’art 21 du CPC) plus directive et avec un élément de contrainte (tentative de conciliation préalable obligatoire devant le TI) et avec des pouvoirs juridictionnels limités accordés au juge conciliateur ?
cf « Conciliateur de justice et conciliation, les piliers d’une justice de proximité citoyenne du 21ième siècle », in la Gazette du Palais, édit. Professionnelle du 25 avril 2014, n° 115 à 116, Doctrine , par Ch. Mollard-Courtau
ccourtau-cj78370 chez sfr.fr
Il est fort dommage de voir sous tendu ici que l’avocat serait nécessairement un va-t-en guerre alors justement que nous sommes les intervenants naturels de ces modes alternatifs de règlement des conflits.
Si la médiation est une modalité intéressante, elle est limitée d’une part par l’absence de réels conseils juridiques éclairants les parties dans le cadre de leurs négociations et d’autre part du fait des usages locaux parfois aberrants mis en place (certains médiateurs rendent des rapports aux juges, d’autres excluent les avocats du processus, certains magistrats refusent de nommer des médiateurs avocats (pourtant dûment formés)...
Il est impératif pour qu’une négociation se passe bien non seulement que le tiers intervenant soit neutre, bienveillant et formé mais aussi que les parties soient totalement informées de leurs droits, devoirs et des conséquences précises de ce qu’elle envisage afin d’être correctement éclairées.
Pour ce faire, l’intervention d’un avocat est une nécessité absolue.
Arbitrage, droit collaboratif, médiation avec assistance d’un avocat ouvrent ces possibilités, chaque situation étant différente et permettant l’utilisation de tel ou tel mode alternatif.
Mais de grâce cessons de considérer que les avocats sont des bagarreurs impénitents qui n’ont pas les compétences ni la volonté de trouver une solution amiable.
Nombre d’avocats se sont formés à la médiation, à l’arbitrage, au droit collaboratif prouvant ainsi leur implication dans les modes alternatifs de règlement des conflits, faisons connaitre cette compétence aussi
Vous avez tout-à-fait raison, permettre l’émergence de la médiation est primordial, et constructif pour tout notre système social. Mais il ne s’agit pas là de dénigrer le système judiciaire, ni de prendre la place des avocats.
En effet, le médiateur n’est pas un juriste, et ne conseille pas sur le plan juridique. Son expertise dans ce domaine pourrait nuire à sa créativité et sa neutralité.
Il est plutôt un spécialiste de la relation. Il intervient dan sun conflit pour dédramatiser le contexte, et recréer le lien. Il est ainsi parfaitement complémentaire d’un avocat qui sera le seul à connaître la loi et défendre les intérêts des personnes en fonction des textes, et le juge qui donnera la validité juridique aux accords trouvés.
Il s’agit dans ce débat de bien distinguer la compétence et l’expertise de chacun. Les uns ne peuvent pas se passer des autres.
Chacune de nos professions y gagnerons en crédibilité face aux clients et parties.
Gaëlle WALKER
Chaque minute environ, on recense une victime de violence conjugale en France.
Soit 540 000 par an, le plus souvent des femmes.
Une femme décède sous les coups de son conjoint tous les 3 jours en France (174 décès de violence conjugale en 2012 et 146 en 2013).
Ces violences conjugales sont rarement suivies de plaintes.
Les violences conjugales comprennent les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique.
Et vous ?
Vous êtes en train de vous crêper le chignon alors même que via la médiation familiale imposée, les violences intrafamiliales post séparation continueront de perdurer ...
de toute façon les MARC/MARL comme la médiation et la conciliation, ne sont pas la "panacée" ni la "solution miracle" qu’ils soient imposés ou non par le juge, mais un simple "outil" dans l’arsenal thérapeutique du droit et du règlement des contentieux ;
et, il faut veiller à ce que le règlement amiable des litiges ne se substitue pas au règlement contentieux pour des raisons budgétaires et d’indigence de notre justice publique car, seul le procès, constitue la garantie pour les citoyens, d’une justice gratuite, indépendante et impartiale conformément aux dispositions de la CESDH et de la Charte de droits fondamentaux de l’U.E ;
Il conviendrait de donner aux juges, les moyens de leur mission de pacification sociale visant à " à concilier les parties puis le cas échéant, de trancher le litige " conformément à l’art. 21 du C.P.C et même de "statuer en amiable compositeur à la demande des parties" conformément à l’art. 12 al. 5 du C.P.C ;
Négociation et pacification des litiges par la conciliation existent déjà dans notre système judiciaire , il ne reste plus qu’à les mettre en oeuvre avec les moyens adaptés !!!
CCourtau
Pourquoi l’avocat serait-il un intervenant "naturel" en matière de résolution des conflits ? Ceux-ci sont-ils toujours juridiques ? Il suffit d’ouvrir les yeux autour de soi pour remarquer tous les conflits (familiaux, de voisinage, en entreprise, etc.) qui ne sont pas du tout juridiques. Et si ces conflits entraînaient des conséquences juridiques, faudrait-il d’abord traiter leurs conséquences en oubliant leur origine qui est d’abord et avant tout EMOTIONNELLE ?
Le médiateur juriste (avocat, conciliateur ou magistrat) est d’abord un juriste qui analysera le conflit sous la forme d’un conflit de droits, alors que le médiateur formé à rationaliser les émotions en jeu saura les reconnaître, aider les parties à les formuler avec raison (et non bienveillance) avant, et seulement si c’est nécessaire, de faire appel à l’avocat pour fixer les aspects juridiques du conflit.
L’avocat est un expert du droit, absolument pas de la relation, sauf s’il a été formé par des Ecoles indépendantes du barreau et de la justice.
Le médiateur professionnel est expert de la qualité relationnelle, pas du droit. Ils peuvent très bien travailler de concert. De nombreux avocats et magistrats font déjà appel aux médiateurs professionnels et ces derniers font aussi appel aux avocats quand il s’agit de fixer les droits de chacun.
Il serait si constructif de reconnaître les spécialités de chacun et de travailler ensemble, vous ne pensez pas ?
La médiation, (et sa crédibilité par ailleurs), pour le peu que j’en connaisse, repose principalement sur la liberté totale d’y recourir, et j’espère qu’elle ne sera pas rendue "obligatoire". Pour moi le législateur a eu raison de l’ inciter sans l’imposer , car si elle est obligatoire, où est la liberté ? et sans liberté, où s’arrêter ? faudrait-il alors obliger les parties à rester tout le long du processus ? ce qui ressemblerais en fait à pas grand chose au final, car comment peut-on imposer aux parties de garder la main sur leur affaire ...
En tant qu’avocat, très très mauvaise expérience de la médiation (facultative pour l’instant). Pour moi, c’est une justice privatisée au rabais.
Le médiateur n’est pas un juge et il appartient aux avocats des parties de les informer du déroulement de la médiation, de ses règles, des possibilités qu’elle ouvre et également de leur droit d’y mettre fin à tout moment.
Le droit à la médiation - que j’annonce depuis 10 à 11 ans - est donc en marche de manière irréversible. Quand on prolonge la liberté relationnelle, le juriste spécialiste du contentieux voit réduire la part du gateau contentieux. Logique : quand le judiciaire n’est pas au tournant, la place est à la discussion.
En effet, le médiateur n’est pas un juge. Mais il connait sa partition et il n’appartient pas du tout aux avocats d’informer sur ce qu’est la médiation. Pourrait-on dire qu’il appartient à quelqu’un d’autre qu’au chirurgien de dire en quoi consiste son intervention ? Chacun sa spécialité.
Maintenant, pour comprendre la place de l’avocat dans une médiation dans un contexte judiciaire, ce n’est pas de parler de médiation, mais d’anticipation juridique sur un projet... et de l’éventuel rédaction de l’accord avec ses conséquences juridiques. Voilà où les choses peuvent se passer, mais en aucun cas dans le fait d’informer sur quoi que ce soit relativement à la médiation : c’est l’affaire du médiateur... à moins de faire appel à des amateurs ;-)
Et je pense que la médiation entrera définitivement dans les mœurs quand le juge l’imposera » , remarque Françoise Bardoux, présidente du tribunal de grande instance de Mulhouse
http://www.lalsace.fr/actualite/2015/05/16/resoudre-les-conflits-par-la-mediation
Ce texte est à examiner plus sérieusement, c’est évident. Il n’est pas un instrument de torture des juristes, mais un moyen sans envergure, il faut bien le considérer comme cela en tant que spécialiste du domaine, qui a pour but de prévenir le monde juridique qu’un changement plus profond se prépare. Quelle que soit le courant politique - ne soyons pas trop pessimiste avec les effets de manche inopportuns hors prétoire - la réforme aura lieu. Cette réforme piétine sur la "grande profession du droit", mais elle avance sur les modes de règlement alternatifs à la "gestion des différends". En effet, soit on "gère" soit on résout. Ainsi, un nouveau choix se présente dans notre civilisation qui oscille entre féodalité et liberté ; c’est la médiation, quand elle est professionnelle, est une extension de l’exercice de la libre décision.