Le divorce ne devient cependant effectif qu’après enregistrement de la convention au rang des minutes d’un notaire [3] ; formalité qui lui confère alors date certaine et force exécutoire.
Il existe toutefois deux cas où le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats est exclu : lorsque l’un des époux est un majeur protégé (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, habilitation familiale, mandat de protection future) et lorsque l’enfant mineur demande son audition par le juge [4].
Il s ’ensuit une évolution du rôle de bien des acteurs habituels du divorce, exclusion faite des époux : recul voire retrait du juge aux affaires familiales [5] ; extension corrélative du rôle des avocats [6]. Avec pour ces derniers une implication de taille, qui tient à la nécessaire collaboration des deux avocats sollicités par les époux. Tout en défendant, chacun, les intérêts de son client, ils sont appelés à travailler en tandem. Sans pour autant jouer aux marionnettistes de l’ombre, c’est en véritable duo qu’ils doivent traduire en acte la volonté des époux. En somme, d’eux sont attendus une attitude et un comportement proches de ceux des acteurs des modes alternatifs de règlement des différends.
Seront successivement envisagées : la nécessité du travail d’équipe (I) et la manifestation du travail d’équipe (II).
I- La nécessite du travail d’équipe
Ce travail d’équipe est nécessaire pour au moins trois raisons, qui tiennent à la nature de cette convention, à la responsabilité des avocats et à la disparition du filtre juridictionnel.
A - La convention de divorce est un contrat. Comme tel, sont nécessaires à sa validité : le consentement des parties, leur capacité de contracter et un contenu licite et certain [7]. Dès lors, elle est susceptible d’être attaquée voire annulée, eu égard notamment aux conditions de son élaboration. L’on songe par exemple aux hypothèses de violences (notamment psychologiques) ou de réticences dolosives. Il importe, à ce dernier égard, de rappeler que les époux sont tenus par un devoir précontractuel, qui fait obligation au détenteur d’une information déterminante pour le consentement de l’autre de l’en informer [8].
B- Le tandem doit d’autant mieux fonctionner que la responsabilité des co-rédacteurs de l’acte peut être engagée. Clairs sont de ce point de vue les termes de l’article 7.2 du RIN : « L’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les précisions des parties. Il refuse de participer à la rédaction d’un acte ou d’une convention manifestement illicite ou frauduleux. Sauf s’il en est déchargé par les parties, il est tenu de procéder aux formalités légales ou réglementaires requises par l’acte qu’il rédige et de demander le versement préalable des fonds nécessaires ». D’autant qu’en le contresignant, l’avocat atteste avoir éclairé son client sur les conséquences juridiques de l’acte.
C- Enfin, autrefois effectué par le juge aux affaires familiales, c’est aux avocats qu’il incombe désormais de s’assurer de la réalité de la volonté des époux, de leur consentement et de la préservation des intérêts en cause. Car, comme le rappelle l’article 229-3 du Code civil : « Le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas ». En somme, cette disparition de l’homologation judiciaire, preuve de la confiance accordée ici aux avocats, les oblige davantage.
Nécessaire, ce travail d’équipe l’est en effet tout au long du processus.
II- La manifestation du travail d’équipe
Cette collaboration doit s’exprimer aux différentes étapes majeures du processus : négociations, rédaction du projet, envoi du projet aux conjoints, dépôt de la convention chez le notaire et transcription.
A- Tout d’abord, au moment de la rédaction. A l’instar de ce qui est prévu pour le divorce par consentement mutuel judiciaire, un projet de convention réglant notamment les effets du divorce est rédigé par les soins des deux avocats. A peine de nullité, il comporte :
1° Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants ;
2° Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d’assister les époux ainsi que le barreau auquel ils sont inscrits ;
3° La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention ;
4° Les modalités du règlement complet des effets du divorce ;
5° L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation ;
6° La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 du Code civil et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté [9].
D’autres clauses peuvent y figurer. Quelles qu’elles soient, chacune d’elles exige de l’avocat non seulement une vigilance nécessaire à la défense des intérêts de son mandant, mais également un travail d’équipe indispensable pour donner son plein effet à l’acte.
Bien qu’il faille s’en assurer, le recours à ce divorce suppose un accord des conjoints sur le principe de la séparation et sur ses effets. Lorsqu’ils en ont connaissance, c’est aussi pour la rapidité dont il est crédité que les époux décident de recourir au divorce par consentement mutuel [10].
De sorte qu’il serait fâcheux que le processus s’étire et se complexifie, à la suite d’un défaut de franche collaboration entre les avocats. Tel serait par exemple le cas si les deux professionnels se livraient quelque bataille juridique dont l’intérêt serait étranger à celui des époux [11].
B- Relativement aux autres étapes du processus, c’est surtout par la disponibilité (et la réactivité) de l’un et l’autre que pourrait se manifester ce travail d’équipe. Trois exemples, parmi d’autres.
D’une part, lorsqu’il faut convenir d’une date de rendez-vous. L’on sait qu’il est nécessaire d’en prévoir au moins deux pour les quatre protagonistes : l’une pour les échanges [12] ; l’autre pour la signature de la convention [13]. Pour peu que l’un des deux avocats excipe d’un agenda chargé pour ne pas avoir de date, c’est toute la machine qui s’en trouvera grippée.
D’autre part, lorsqu’il faut solliciter d’autres professionnels. Outre en effet le Notaire, incontournable pour l’enregistrement de la convention [14], il peut être utile de s‘entourer d’autres professionnels. Il en va par exemple ainsi d’un expert-comptable.
Enfin, pour accomplir les diligences ultérieures : envoi de la convention au notaire (pour dépôt au rang de ses minutes) [15] ou à la mairie pour transcription [16] et, le cas échéant, accomplissement de la formalité d’enregistrement.
Nombreuses sont les réserves suscitées par cette réforme, qu’il a fallu surmonter à défaut de les dissiper. Aux avocats, en particulier par la qualité de leur collaboration, de donner raison au législateur.
Discussions en cours :
Est il opportun de conseiller ce type de divorce lorsqu’un des époux est d’origine étrangère ? Je me pose cette question par rapport à l’exécution d’un tel acte à l’étranger. Merci pour votre réponse.
La difficulté,ici, est liée au sort qui sera réservé hors de France à ce nouveau divorce et à ses effets.Dans le doute, et eu égard à la nouveauté, il semble préférable de faire preuve de prudence pour ne pas exposer les clients à quelques déconvenues.Dit autrement : il convient d’attendre que la réforme se soit durablement déployée afin de tirer profit des retours d’expériences.Tout dépendra certainement du pays étranger considéré.