Désormais, c’est donc bien la justification de la tentative de résolution des différends qui devient obligatoire pour le demandeur à l’action et non pas le recours à un mode alternatif dont notamment la médiation comme certains tentaient hâtivement de le faire croire en prenant leurs attentes pour des certitudes ; ce qui aurait été bien surprenant pour un mode consensuel où la volonté des parties est fondamentale.
Mais c’est aussi, une incitation réelle à ne pas écarter les solutions qui peuvent résoudre à l’amiable le litige, c’est-à-dire toutes tentatives amiables par tous moyens.
Depuis le 1er avril, il n’est en principe plus possible d’introduire une instance que ce soit par requête, déclaration ou assignation sans justifier dans l’acte de cette tentative de résolution amiable, autant dire que cela risque d’entrainer une accélération des procédures d’ici la fin du mois et un ralentissement significatif de celles-ci après cette date car la charge de la preuve peut s’avérer difficile dans certains cas sauf si le défendeur ne répond pas du tout.
A défaut de justification de cette tentative, le juge pourra désigner un médiateur ou un conciliateur, ce qui par nature ralentira la procédure, au profit généralement du défendeur qui aura ainsi toute latitude pour « jouer la montre ».
Et le risque est de rendre vain ensuite une poursuite judiciaire en rendant l’accès au juge difficile.
L’alternative qui s’offre aux justiciables et aux avocats sera de justifier soit :
1 - d’avoir accompli des diligences en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ;
2 - d’avoir un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public (nouvel article 56 et 58 du CPC) pour pouvoir s’en dispenser.
Une obligation nouvelle de tentative préalable de résolution amiable du différend est donc bien imposée désormais comme préalable à la saisine du juge qui doit revenir à son cœur de métier, c’est-à-dire homologuer un accord ou trancher un litige partiel ou total argumenté juridiquement.
Ce décret simplifie aussi pour le juge la procédure de sa délégation de mission de conciliation à un conciliateur de justice devant le tribunal d’instance. Et pourtant, il était jusqu’ici dans la mission du juge de concilier les parties même si en pratique, la mission devenait chose impossible faute de pouvoir y consacrer du temps tant les juridictions sont engorgées par un nombre de magistrats très insuffisant puisque, peu ou prou, ils sont + ou – 8000, nombre qui n’a pas varié depuis Napoléon III.
Il convient de s’interroger sur ces justifications de diligences amiables érigées en principe et de l’exception alternative d’urgence pour y échapper (la matière considérée notamment d’Ordre Public imposant le recours à un juge).
Ces deux notions ne sont pas forcément compatibles car l’urgence commande parfois bien plus une tentative de pacification des conflits immédiate que de recourir à une procédure toujours trop longue. Le temps judiciaire n’est pas celui du XXIe siècle qui pousse à l’accélération des réactions alors que la résolution des conflits, amiable ou non, demande du temps et de la réflexion.
La dichotomie entre le principe et son exception est plus complexe qu’il n’y paraît et des difficultés sont à prévoir de sorte qu’il convient que l’on s’attarde sur la pratique à adopter.
1°) Le principe de justification de tentative préalable de pacification des conflits
Si vouloir pacifier les conflits en amont de toute procédure est une volonté louable dont il faut se féliciter, la justification des diligences pour y parvenir risque de devenir un vrai casse-tête pour le justiciable.
Lorsqu’un justiciable en est à envisager une procédure judiciaire, c’est qu’il qui veut que le conflit cesse au plus vite et au mieux dans le respect des droits qu’il pense avoir.
La première des choses pour qu’un conflit puisse trouver une solution amiable est que chacun connaisse la réalité de ses droits pour ne pas se fourvoyer dans une voie qui le conduirait à une impasse.
Le recours naturel pour les connaître est d’aller consulter un avocat.
Désormais, cet avocat devra proposer une solution amiable à son client et lui rappeler que cette tentative est obligatoire.
Il appartiendra à l’avocat d’éclairer son client sur les différents modes de résolution amiable des différents et de le conseiller sur celui qui est le plus adapté à sa situation entre la simple négociation, le processus collaboratif, la procédure participative, la médiation, la conciliation.
Selon le type de litige et la formation de l’avocat, telle ou telle solution sera plus adaptée.
Une fois ce choix effectuée, il sera indispensable de proposer la tentative amiable par écrit à la partie adverse afin de garantir la preuve de celle-ci ; de même, le défendeur devra-t-il répondre officiellement afin de justifier qu’il ne s’est pas abstenu ou n’a pas refusé (puisque abstention ou refus autorisent la mise en œuvre de la procédure). Le recours à des courriers recommandés paraît dès lors nécessaire.
Si une solution amiable est tentée, il faudra en cas d’échec demander à l’intervenant extérieur s’il y en a un (médiateur, conciliateur) de faire un courrier prenant acte de l’échec de la tentative (sans bien entendu faire de rapport ou stigmatiser l’une des parties). Si ce sont les avocats qui sont intervenus, ils devront alors faire des courriers officiels en ce sens.
2°) L’exception d’urgence érigée en motif légitime pour échapper à la tentative de résolution amiable des différends.
Il est navrant de voir que désormais le motif légitime de ne pas aller à une tentative de médiation soit limité à l’urgence. La question de la définition de l’urgence se pose nécessairement et l’on sait qu’elle a déjà en son temps fait couler beaucoup d’encre pour les référés. En outre, notre société a le culte de la rapidité et notre pauvre justice des délais parfois déraisonnables. Que feront par exemple, toutes les personnes qui se séparent avec le besoin d’un autre toit nécessitant de prouver qu’ils sont en procédure pour obtenir un logement social ou simplement qu’ils souffrent au quotidien de même que leurs enfants ?!
Tout cela peut être prétexte à procédure de référé mais pas nécessairement bénéficier d’un traitement plus rapide. Une entreprise peut perdre aussi de l’argent et/ou des contrats dans des tentatives amiables trop longues qui finissent par rendre la procédure vaine.
Alors bien sûr, il faut tenter de s’entendre à défaut de se comprendre mais il n’est pas supportable et en tout cas, pas plus qu’en judiciaire, de s’y enliser.
Il faut donc faire attention à ce que le processus ne dure pas indéfiniment sans aucune justification légitime et que le défendeur ne puisse pas profiter de cette « aubaine » procédurale pour gagner du temps.
Espérons que la simplification prévue par ce même décret sur les convocations électroniques raccourcisse les délais pour qu’en pratique, puisse être fixé un calendrier par avance des réunions en accord avec les parties que le processus amiable se poursuive ou non au-delà de la première réunion.
Enfin, le motif légitime réduit à l’urgence, apparaît insuffisant et ne correspond pas à l’esprit de la directive 2008/52 dite médiation et de l’ordonnance 2011-1540 visant à sa transcription en droit français. Les modes amiables de résolution des conflits sont des modes où le consensuel est indispensable pour y aller mais aussi parce qu’il y existe des empêchements légitimes à vouloir négocier sans que l’on ne doive exprimer le pourquoi comme la faiblesse d’une partie par rapport à une autre. Dans certains conflits par exemple, les pressions psychologiques très fortes subies sont difficiles à démontrer mais l’on peut se demander maintenant s’il ne faudra pas un certificat médical pour éviter une confrontation douloureuse qui ne mènera à rien.
En final, la sanction d’un manque de justification lors de la saisine n’est pas une nullité mais un retour possible à l’étape de conciliation ou de médiation proposée par le juge.
Les demandeurs qui n’auront pas satisfait à la tentative amiable préalable ou à sa justification suffisante se verront donc de facto privés de certains modes alternatifs au profit de la conciliation et de la médiation, seuls modes que le magistrat pourra leur proposer.
En outre, le mode de nomination par les magistrats d’un médiateur a le mérite de la clarté car actuellement trop souvent les magistrats nomment une association à charge pour celle-ci de choisir le médiateur. L’exclusion par certains tribunaux des avocats médiateurs, pourtant légitimes et dûment diplômés ne saurait perdurer.
Là encore, si le médiateur ne convient pas pour un motif légitime, il faudra apprendre aux personnes en conflit à l’exprimer auprès du juge ou de son avocat qui fera le nécessaire.
Si les justiciables ne veulent pas de cette médiation, ils ne pourront que dire que la mission n’a pas été possible ou poursuivie après information sur le cadre et processus y attaché.
Le médiateur est tenu à la confidentialité des échanges et ne peut en aucun cas établir des notes au magistrat.
Il peut tout au plus indiquer rencontrer une difficulté et demander à être dessaisi car il n’est pas question de contraindre des personnes en conflit à trouver des accords mais simplement tenter d’aider une prise ou reprise de contact pour améliorer un dialogue.
Tout est affaire de mesure et il est donc conseillé de consulter avant tout un avocat pour permettre d’avancer dans un monde de droit et de solutions pacificatrices qui ne sont que des solutions alternatives à la résolution du conflit mais pas au Droit car elles ont des effets juridiques incontournables.
Nous savons bien qu’au-delà des bonnes intentions, c’est un moyen pour le gouvernement d’évacuer le financement de l’aide juridictionnelle pour les plus démunis et donc l’accès au droit et aux avocats, qui seuls maîtrisent les risques judiciaires d’accords mal ficelés.
Il est dommage que ce texte ne tienne pas compte de l’absolue nécessité qu’un accord, quelque soit le mode alternatif utilisé pour y arriver, soit soumis à un professionnel du droit pour en déterminer les conséquences juridiques précises. C’est oublier que de nombreux intervenants possibles, notamment les médiateurs non avocats, ne sont pas des juristes et que quelques heures de formation juridique ne leur donnent aucune compétence réelle en la matière.
Il y a donc un risque de déni de justice faute de moyens sous couvert de tentative de résolution amiable des différends qui seront de vrais litiges bien contentieux.
Discussions en cours :
Le rôle des assureurs de protection juridique n’est pas mentionné par Maître D. Lopez-Eychenié.
Pourtant, les juristes de protection juridique, compétents et formés en continu, facilitent déjà l’accès au droit pour de nombreux justiciables ayant fait le choix de la mutualisation des prestations d’accompagnement juridique et des frais de procès.
Souvent en relation étroite avec les Avocats, les juristes de protection juridique œuvrent avec compétence et rapidité à la résolution amiable des conflits. Les assureurs de protection juridique, en contrepartie de primes modiques, jouent un rôle social important en permettant aux justiciables confrontés au mur du Droit d’être accompagnés par des juristes bien formés dans la gestion de leurs litiges avec des tiers. Cette solution présente déjà une réponse aux souhaits des justiciables, des magistrats et des pouvoirs publics, de voir se développer des actions positives visant à rapprocher les parties au conflit et éviter une trop grande judiciarisation de notre société.
vous oubliez que les juristes d’assureurs sont en lien de subordination avec la compagnie d’assurance qui les emploient et qu’ils privilégient les intérêts de leur compagnie, leurs prestations ne sont donc pas empruntes de toute la sincérité que les assurés sont en droit d’attendre notamment en cas de conflits
Il convient en l’espèce de se garder de tout jugement corporatiste mettant en cause la siincérité des juristes des sociétés d’assurances de protection juridique. Ces juristes, pour certains ayant renoncé à exercer la profession d’avocat, sont soumis au secret professionnel, respectent le libre choix de l’avocat par l’assuré, ce dernier conservant toujours la maîtrise du procés. Il pourrait être également reproché aux collaborateurs des cabinets d’avocats de porter trop rapidement les affaires devant les juridictions, dans l’intérêt de leurs cabinets,...critique à laquelle je ne saurais m’associer. Comme dans d’autres pays comme la Belgique ou le Canada, les assureurs de PJ et les avocats en France doivent dépasser leurs vieux clivages et concilier leurs efforts dans l’intérêt des justiciables.
Il est important de le préciser : les médiateurs professionnels ne sont pas formés au droit, ne sont pas des experts juridiques et ne peuvent pas remplacer le conseil de l’avocat. Il n’est donc pas question à mon sens de remplacer un professionnel par un autre, mais de créer une complémentarité entre les deux professions. le médiateur est un expert de la relation : son rôle est d’intervenir sur le lien, en restaurant le dialogue, à l’avocat d’apporter l’expertise juridique qui va consolider l’accord trouvé, et de rédiger cet accord. Et au juge de l’homologuer.
L’intérêt est le raccourcissement des délais, une médiation ne dépassant pas trois mois, et une satisfaction de tous les protagonistes, pour une solution pragmatique et raisonnable.
L’avenir pour les avocats est au processus collaboratif car vous participerez à la solution de vos clients activement. La prochaine formation des 9 et 10 avril 2015 à la maison du barreau à Paris avec notre Association Des Professionnels Collaboratifs Inter-régionale, membre fondateur pour la France de l’ENCP (European Network for Collaborative Practice) , L’ENCP vient d’être lancée à Strasbourg la semaine dernière, le site est en cours de construction.
Nos formateurs dont je suis sont formés par les américains et participent à la mise en place des standards européens.
NB : je vous précise cela car une association concurrente n’a rien trouvé de mieux que de donner nos propres dates si bien qu’il y a des confusions dans les inscriptions. Nous sommes bien les seuls à avoir une dimension européenne.
Rejoignez nos rangs !
Inscrivez vous sur notre site www.adpci.org.
Les avocats ont souvent peur des modes alternatifs de résolution des conflits ayant la crainte de perdre leur coeur de métier mais en réalité il n’en est rien. Une négociation n’a de sens et d’efficacité que pour autant que l’aboutissement soit favorable aux différents intervenants, gagnant/gagnant. Pour cela il est nécessaire que chacune des parties soit totalement informée pour pouvoir donner un accord libre et éclairé.
Or dans ce cadre le rôle des avocats est non seulement très important es qualité de conseils, mais fondamental à la pérennité des accords.
Dans ce cadre nous nous devons d’être présents à la médation et à la rédaction des accords et d’être formés pour être des professionnels collaboratifs.
Nous pourrons ainsi offrir à nos clients une alternative tout en restant dans nos cabinets.
Que nous le voulions ou non, l’évolution est hors des prétoires, ne soyons pas peureux, enfourchons ces nouvelles solutions et considérons cela comme une chance nouvelle de développement de nos cabinet.
Usons de cette nouveauté légale pour offrir à nos clients ces nouvelles possiblités
qui sera délivrée par qui ??? (avocat ou juriste dans le cadre de l’accès au droit en MJD/PAD, conciliateur, association de médiation, greffe....) , à quel coût ????? (consultation payante par un avocat, notaire, huissier , médiateur....), dans quel délai ?? et avec quelle pertinence et efficacité face aux développement "pléthorique" des MARC/MARL ???
pourquoi vouloir à tout pris et à n’importe quel prix déposséder le juge professionnel ou non de l’une de ses prérogatives, la conciliation consacrée à l’art 21 du C.P.C ???
si les modes de règlement amiable (conciliation, arbitrage ou "méd-arb") sont particulièrement adaptés aux litiges commerciaux entre entreprises pour des raisons de rapidité et de confidentialité, ils ne le sont beaucoup moins pour les litiges entre particuliers pour des raisons de coût, de déséquilibre possible entre les parties et d’objet du litige souvent relatif à l’ordre public ( conso, baux, famille...) ;
Ce sera délicat de faire un courrier au confrère adverse qualifiée d’officiel, sans pour autant livrer les conditions d’un éventuel accord.
Sauf à trouver une formule "bateau" du type : "nous avons recherché un accord mais nous n’y sommes pas parvenus", je crains que ce décret ne soit alors qu’un coup d’épée dans l’eau.
La seule avancée réside in fine dans la systématisation de l’information donnée au client de rechercher préalablement un accord, et donc de la nécessaire publicité que nous devons continuer de faire sur les différents modes alternatifs de règlements des contentieux.
Et pour certains ce sera très nouveau, notamment ceux qui viennent voir un avocat pour faire la guerre.