La société MHCS avait déposé en 2011 une marque communautaire tridimensionnelle (désormais marque de l’Union européenne) pour une bouteille de vin MOËT & CHANDON ICE IMPERIAL, en classe 33 pour des « vins mousseux, vins de ’’Champagne’’ ».
Cette marque est une bouteille de forme champenoise, de couleur blanc opaque, à la coiffe blanche, et portant une étiquette blanche ornée d’un cartouche doré sur toute la largeur de sa partie inférieure. Sa collerette est une cravate noire à liserés dorés, dont les pans se croisent sur le devant de la bouteille sous un médaillon doré.
Le signe MOËT est apposé sur la coiffe en lettres majuscules dorées, en dessous d’une étoile dorée sur le goulot. L’étiquette porte le nom MOËT & CHANDON ICE IMPERIAL, entre une couronne dorée au dessus et une étoile dorée au dessous.
Des sociétés françaises productrices de vin avaient mis en vente six bouteilles, similaires selon MHCS à sa marque tridimensionnelle. Les bouteilles, qui ont toutes, sauf une, la forme classique d’une bouteille champenoise, ont une collerette noire ou à dominante noire, utilisent le mot « ICE », et sont de couleur blanche opaque, comme leurs coiffes et leurs étiquettes à la partie inférieure ornée d’une bande dorée.
MHCS engagea une action en contrefaçon de marque à l’encontre de ses sociétés. Le tribunal de grande instance de Paris débouta MHCS de ses demandes le 8 avril 2016 et prononça en outre la déchéance partielle de la marque communautaire en ce qu’elle vise les vins mousseux.
MHCS avait interjeté appel. La cour d’appel de Paris infirma le jugement le 21 novembre 2017 en ce qu’il avait prononcé la déchéance partielle de la marque, car l’usage sérieux de la marque pour des vins de Champagne est bien une exploitation pour des vins mousseux.
En revanche, la cour d’appel confirma que les sociétés intimées n’avaient pas contrefait la marque tridimensionnelle.
Les intimées avaient argumenté que les éléments figuratifs de la marque étaient peu distinctifs et que c’étaient les dénominations MOËT sur la coiffe des bouteilles, MOËT & CHANDON au centre de l’étiquette, et le mot IMPERIAL sur l’étiquette, ainsi que la cravate de la bouteille, qui étaient les éléments distinctifs de la marque.
MHCS argumentait que les différences verbales étaient secondaires, et que ce qui importait était l’impression d’ensemble similaire créée par la reprise des éléments figuratifs de sa marque.
La cour d’appel rappela que la distinctivité d’une marque tridimensionnelle se fonde sur l’appréciation globale de la marque par le public pertinent et qu’ainsi un signe tridimensionnel doit être considéré dans son ensemble, ce qui n’est pas incompatible avec l’examen successif de ses différents éléments.
Selon la cour, l’utilisation de la couleur blanche pour une étiquette est classique, de même que l’utilisation du noir et du doré pour des collerettes, car ces couleurs évoquent le luxe. Les bouteilles de mousseux et de champagne utilisent fréquemment des collerettes et des médaillons, et le terme ICE évoque une manière, actuellement à la mode, de boire du vin pétillant à très basse température ou sur glaçons.
Pour la cour, l’élément dominant de la marque tridimensionnelle est sa collerette, une cravate noire dont les pans se croisent sous un écusson doré. Or, les bouteilles des intimées ne reproduisaient pas cette collerette.
En outre, la collerette de la marque tridimensionnelle reproduit l’inscription MOËT, qui identifie le produit par sa dénomination, et le signe verbal MOËT & CHANDON est placé au milieu de la bouteille, ce qui permet au consommateur d’identifier la source du produit. Les bouteilles querellées ne reproduisaient pas ces signes verbaux dominants qui permettent « une identification immédiate de l’origine du produit par le consommateur, comme - à un degré moindre - la cravate à deux pans ».
Par conséquent, le risque de confusion entre la marque tridimensionnelle et les bouteilles produites par les intimées n’est pas établi.