La question de la qualité pour déposer une demande d’autorisation d’urbanisme est essentielle lors de l’instruction.
En effet, ce sujet fait l’objet d’une attention particulière et entraine un important contentieux, notamment en présence d’une indivision ou d’une copropriété.
Le Code de l’urbanisme précise les conditions qui déterminent la recevabilité d’une demande d’autorisation d’urbanisme sur ce point.
L’article R. 431-5 du Code de l’urbanisme mentionne ainsi que « la demande comporte également l’attestation du ou des demandeurs qu’ils remplissent les conditions définies à l’article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. »
L’article R. 423-1 du code de l’urbanisme indique quant à lui que :
« Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés :
a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ;
b) Soit, en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ;
c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique. »
Cette rédaction est issue de la réforme des autorisations d’urbanisme du 1er octobre 2007, qui avait tenté de clarifier la question de la qualité pour demander un permis de construire.
Depuis cette réforme, la tâche du service instructeur a considérablement été allégée afin de faciliter l’instruction de la demande.
Une telle simplification est largement favorable aux pétitionnaires.
En effet, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme n’est plus tenue de vérifier la qualité du demandeur, quelle que soit la nature du pétitionnaire.
Ainsi, quand bien même le demandeur ne serait pas titré, le service instructeur n’est pas habilité à vérifier la régularité de l’autorisation conférée par le propriétaire.
Il n’est ainsi plus nécessaire de produire une telle autorisation dans le dossier de permis de construire.
Désormais, le pétitionnaire doit simplement attester de sa qualité pour déposer la demande de permis de construire au titre de l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme.
Matériellement, une telle attestation se traduit par le fait de cocher une case du formulaire Cerfa de demande de permis de construire et de le signer.
Les dispositions du code de l’urbanisme ont fait l’objet d’une interprétation claire de la part du Conseil d’Etat.
Dans un arrêt de principe en date du 5 février 2012, la plus haute juridiction administrative française a indiqué que le service instructeur devait seulement constater l’attestation sans avoir la possibilité :
D’une part, d’exiger des renseignements supplémentaires de la part du pétitionnaire sur sa qualité à solliciter l’autorisation ;
D’autre part, de vérifier la qualité du demandeur.
Il suffit de se reporter à la lecture du considérant de principe du Conseil d’Etat pour constater le caractère didactique de la position du juge administratif :
« Considérant que, quand bien même le bien sur lequel portaient les travaux déclarés par M. A...aurait fait partie d’une copropriété régie par la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le maire était fondé à estimer que ce dernier avait qualité pour présenter une déclaration préalable de travaux, dès lors qu’il attestait remplir les conditions définies à l’article R. 423-1 pour déposer cette déclaration, sans exiger la production des autorisations auxquelles la loi subordonne le droit, pour chacun des copropriétaires, de réaliser certains travaux et, en particulier, sans vérifier si les travaux faisant l’objet de la déclaration affectaient des parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble et nécessitaient ainsi l’assentiment de l’assemblée générale des copropriétaires » [2].
Dès lors, il est désormais acquis que le débat portant sur la qualité du pétitionnaire ne relève plus de la compétence de la juridiction administrative, dans la mesure où la marge de manœuvre de l’administration est particulièrement limitée.
La contestation de la qualité du pétitionnaire entre dans le champ d’application du droit privé et dans la compétence du juge judiciaire.
Cette solution résulte d’une stricte application du principe juridique selon lequel les autorisations d’urbanisme sont délivrées sous réserve du droit des tiers.
C’est-à-dire que l’administration doit seulement s’assurer de la conformité des travaux envisagés au regard de la réglementation d’urbanisme applicable [3].
En conséquence, dès l’instant où le pétitionnaire atteste disposer de la qualité nécessaire pour solliciter une autorisation d’urbanisme, la demande est régulière sur ce point [4].
Il s’agit d’un régime purement déclaratif.
Toutefois, il convient d’attirer l’attention du lecteur sur l’existence d’une exception.
Dans l’hypothèse où l’administration viendrait à disposer au moment où elle statue sur la demande - sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir - d’informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose d’aucun droit à la déposer, il lui reviendrait de s’opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif [5].
Malgré ce cadre réglementaire et jurisprudentiel parfaitement établi, le juge peut être confronté à des situations qui posent des problèmes juridiques nouveaux.
C’est le cas de l’affaire qu’a eu à juger le Conseil d’Etat dans son arrêt du 3 avril 2020 [6].
Dans cette affaire, le Maire de Paris a délivré à un particulier un permis de construire daté du 4 juillet 2016 et un permis de construire modificatif daté du 6 décembre 2016 pour la construction, d’une maison individuelle d’un étage sur un niveau de sous-sol.
Ce permis a été contesté par différents requérants qui soulevaient l’absence de qualité du pétitionnaire pour déposer la demande de permis de construire, puisqu’il ne disposait pas de l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.
Le tribunal administratif avait fait droit à la demande d’annulation du permis de construire en relevant l’existence de manœuvres frauduleuses.
Selon le juge du fond, la fraude était caractérisée dans la mesure où le pétitionnaire a attesté de sa qualité pour déposer sa demande de permis de construire modificatif alors qu’il existait un débat sur la nécessité d’obtenir au préalable l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.
Le Conseil d’Etat a toutefois estimé qu’en statuant de la sorte, le tribunal administratif avait entaché son jugement d’une erreur de droit.
Le juge de cassation en profite alors pour préciser les conditions d’application des dispositions des articles R. 431-5 et R. 423-1 du code de l’urbanisme.
Le Conseil d’Etat précise ainsi que le pétitionnaire qui fournit l’attestation selon laquelle il remplit les conditions fixées par l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande.
Dès lors, lorsque la demande d’autorisation d’urbanisme concerne un terrain soumis au régime juridique de la copropriété, elle peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux.
Une telle demande est régulière alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l’autorisation de l’assemblée générale de la copropriété.
Le juge administratif précise qu’une contestation sur l’éventuelle autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ne peut être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire.
En conséquence, le fait qu’il existe une contestation sur cette autorisation ne saurait, par elle-même, caractériser une fraude du pétitionnaire entachant d’irrégularité la demande d’autorisation d’urbanisme.
Dès lors, selon cette jurisprudence, un copropriétaire pourra déposer une demande de permis de construire :
D’une part, sans avoir à justifier de l’obtention d’une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ;
D’autre part, alors même qu’il existe un litige portant sur la nécessité d’obtenir une telle autorisation. La connaissance de ce litige appartient en tout état de cause au juge judiciaire.