Les requérants d’asile – bona fide asylum seekers –, qui partent à la recherche d’une protection internationale, se trouvent face à une situation d’impasse à l’intérieur de ces flux migratoires. Leurs droits d’accès à la justice, d’accueil et d’intégration prévus aux articles 67 et 78 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (ci-après TFUE) se voient parfois limités par le droit à la sécurité intérieure ou à l’ordre public (tels qu’indiqués à l’article 72 TFUE) de l’État « prétendument » compétent [3] – prétendument en raison du fait que le processus de détermination de la compétence internationale n’est souvent pas « compatible » [4] avec les règles de droit établies par le droit international que nous allons analyser dans cet article.
Certains États sont considérés comme destinataires d’un « jurisdiction shopping » [5], « asylum shopping » [6] ou « venue-shopping » [7] en raison de politiques d’ouverture, plus affirmées que dans d’autres États, vers l’accueil de requérants d’asile. Cela implique que les résidents des États affectés par ces mouvements assistent à une mobilisation importante de sources socio-économiques « étatiques » visant l’accueil des requérants d’asile.
Dans le cadre de cette « mobilisation », nous avons rencontré une « privatisation » relative à la mise en œuvre de politiques migratoires « ouvertes ».
Ces politiques ont causé l’augmentation d’acteurs privés, ou acteurs non-étatiques, devenus protagonistes de l’accueil à la « boat migration » [8].
L’intervention d’acteurs non-étatiques, en particulier les organisations non gouvernementales (ci-après ONG), souvent étrangères à l’État désigné compétent par le droit de la mer et le droit des réfugiés, entraîne des « zones grises » relatives au processus de détermination de la compétence internationale – se situant parfois en dehors de l’application du cadre juridique international [9]. La conséquence d’un tel « désordre » juridique génère un impact disproportionné et non-uniforme parmi les États [10].
Les conséquences de cet impact sont d’abord sociales quand il s’agit de l’accueil, et éventuellement de l’intégration, mais également économiques s’agissant des coûts relatifs aux procédures de contrôle, de vérification et d’assistance sociale qui retombent sur les résidents (OECD) [11], voire même de manière indirecte.
Cet article propose une analyse juridique des règles de détermination de la compétence internationale liée à la « responsabilité étatique » visant à garantir la protection internationale des migrants.
Dans le contexte de la « boat migration », la détermination de la compétence et de la responsabilité internationale d’un État est réglée par des normes qui se situent au carrefour entre le droit de la mer et le droit international de la migration, plus précisément le droit international des réfugiés. Le besoin d’une telle analyse reflète l’importance de pouvoir prévenir et résoudre des « conflits de compétence étatique », typiques de nos jours et générés par le chevauchement des règles « internationales » de compétence en matière « maritime » et en matière « migratoire » : notamment les règles de compétence prévues par le droit de la mer et le droit international des réfugiés.
Les situations conflictuelles se rapportent en particulier aux litiges étatiques portant sur la compétence d’un État dans les eaux territoriales en vertu du droit de la mer ainsi qu’aux litiges étatiques portant sur la compétence d’un État sur les procédures d’asile en vertu du droit international des réfugiés. La détermination de la compétence internationale dans le contexte migratoire fait l’objet d’une intersection encore très peu analysée, notamment entre le droit de la mer et le droit international des réfugiés, domaines typiques du droit international public.
Il y a un aspect supplémentaire qui rend la détermination de la compétence internationale beaucoup plus complexe, concernant les relations établies entre requérants d’asile – non-résidents – et résidents de l’État où la demande d’asile est introduite. Il en est de même pour les relations entre requérants d’asile – en cours de procédure et sans statut de réfugié – et réfugiés, au sens propre du terme, au bénéfice d’une protection internationale [12].
La détermination de la compétence territoriale se situe, dès lors, dans cette analyse, entre deux domaines différents – droit international public et droit international privé – dont l’intersection devient désormais une problématique constante, qui devrait être également retenue dans l’analyse des affaires maritimes récentes en lien avec les flux migratoires.
De plus, l’étude se réfère au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui ne devraient pas être négligés, y compris dans des situations conflictuelles résultant de la détermination de la compétence internationale selon les règles de compétence établies au sein d’autres domaines du droit international – s’agissant des domaines que l’on vient d’évoquer : droit international public et droit international privé.
L’approche analytique de cet article se compose de trois chapitres : i) présentation des faits relatifs aux affaires maritimes actuelles, notamment Aquarius, Diciotti, Lifeline, Elhiblu 1 ; ii) l’analyse du cadre juridique (international), focalisée sur des aspects précis quant au chevauchement de règles de compétence prévues dans les traités applicables au sein des domaines indiqués préalablement (droit de la mer, droit des réfugiés, droits de l’homme, et droit international privé) ; iii) les conclusions à retenir.
Abstract : The analysis deals with the operation of Treaties and EU laws in determining international jurisdiction in the fields of both Public International Law, including human rights, and Private International Law regarding the implementation of ‘protective measures’, towards the international protection of migrant children and adults. The relevance of different interrelated fields and Treaties within international law towards the determination of State competence and responsibility dealing with boat migration movements towards the protection of migrants may leave complex grey areas potentially jeopardising the certainty and predictability of law. The analysis does not aim to solve general issues of jurisdiction after the arrival of migrants in the territory of a State where an asylum request has already been filed, but it refers to the ‘overlapping’ of international rules of competence and responsibility to determine State ‘protective’ jurisdiction in order to identify which State, or States, should initially deal with asylum requests. In this article, it is advocated for better clarity in the implementation of the – interdependent – mechanisms provided by different Treaties dealing with the determination of international jurisdiction inherent to the international protection of ‘boat migrants’. Therefore, the analysis will focus specifically on the international rules of competence and responsibility applicable to the specific issue of boat migration, where particular attention is given to asylum seekers given their underprivileged vulnerable protection.
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