Les questions relatives à la révocation d’agents publics ou assimilés pour cause de radicalisation posent actuellement de nombreuses interrogations.
En cas de manquement à ses obligations, un agent public peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire (voir en ce sens le déroulé de la procédure ici).
La révocation qui est une sanction du 4éme groupe est la sanction disciplinaire la plus grave. Elle consiste, en cas de faute grave du fonctionnaire, à lui retirer son emploi et à le sortir des cadres de l’administration.
La radicalisation n’étant pas un délit à proprement parler la question se pose de savoir selon quelles modalités la radicalisation d’un agent public peut entraîner sa révocation.
En effet la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit bien qu’une sanction disciplinaire ne peut être prononcée à l’encontre d’un agent qu’en cas de faute de celui-ci, ce que rappelle d’ailleurs régulièrement le Conseil d’Etat.
Toutefois même si la radicalisation n’est pas un délit sur lequel peut se fonder l’autorité disciplinaire pour prononcer une sanction, celle-ci peut fonder sa décision sur d’autres fondements.
A titre d’exemple, un manquement à l’obligation de neutralité peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
En effet il résulte de l’article 25 de la loi précitée que « Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité », cet article ajoute que « Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité.
A ce titre, il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses » et qu’il « traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience ». Si un agent public ne respecte pas ces dispositions il peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
De même en application de l’article 26 de la même loi, l’agent public est tenu au secret professionnel, à un devoir de réserve et a une obligation de discrétion professionnelle, qui s’applique pendant et hors du temps de travail, et en vertu desquels il ne doit pas divulguer des informations relatives aux missions et au fonctionnement de son administration.
Egalement, en cas d’apologie du terrorisme ou si celui-ci exprime une opinion contraire aux valeurs républicaines, l’agent public peut être sanctionné.
Il en est de même si il représente un risque de menace grave sur la sécurité publique.
En effet deux décrets du 27 février 2018 détaillent les modalités de mutation voire de radiation des fonctionnaires ou militaires présentant une menace grave pour la sécurité publique.
Ces décrets, pris en application de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017, institue une commission paritaire qui sera chargée de statuer sur le sort des fonctionnaires, militaires, ou agents contractuels, occupant des emplois participant à l’exercice de missions de souveraineté de l’Etat ou relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, et qui constitueraient une « menace grave » pour la sécurité publique.
Dans tous les cas la sanction ne peut intervenir qu’à la suite d’une procédure disciplinaire.
En effet pour les fonctionnaires entrant dans le champ d’application des décrets précédemment cités, l’agent est informé de sa possibilité de consulter son dossier individuel et de se faire assister par le(s) défenseur(s) de son choix. Il est ensuite convoqué devant une commission paritaire qui aura à charge de statuer sur son sort, et devant laquelle il peut être représenté.
Dans tous les autres cas, la réglementation statutaire propre à la fonction publique a vocation à protéger les agents, puisque de la même manière aucune sanction disciplinaire ne peut intervenir sans la mise en place au préalable d’une procédure dont les modalités sont fixées par la loi du 13 juillet 1983.
Cette procédure a pour objet de garantir certains droits à l’agent poursuivi.
Toute d’abord, celui-ci dispose d’un droit à l’information. En effet l’information de l’agent est un préalable obligatoire qu’il soit stagiaire, contractuel ou titulaire. Celui-ci doit être en mesure de connaître les faits reprochés, la sanction envisagée, la possibilité de prendre connaissance de son dossier individuel, de se faire assister par le(s) défenseur(s) de son choix, et de présenter des observations. Une sanction disciplinaire étant une décision défavorable, l’édiction de celle ci doit, en application des dispositions du code des relations entre le public et l’administration, être précédée d’un débat contradictoire. Et l’agent doit être en mesure de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.
Cette possibilité est garantie par l’obligation de convoquer l’agent à un entretien préalable, mais également par l’obligation de saisir un conseil de discipline lorsque la sanction envisagée fait partie des 2,3 et 4éme groupe.
Dans cette hypothèse, l’agent a le droit d’être représenté et de choisir le représentant de son choix. L’avocat produit alors un mémoire en défense qu’il communique au conseil de discipline. Lors du conseil, le président présente le rapport disciplinaire de l’administration, le mémoire en défense, puis chacune des parties présente des observations et répond aux questions des membres du conseil. Si l’avis de ce conseil n’est pas obligatoire, la saisine du conseil de discipline constitue une garantie pour l’agent contre une sanction injustifiée ou discriminatoire.
En parallèle, si l’agent est poursuivi pénalement pour les mêmes faits, celui ci peut faire l’objet d’une suspension provisoire. Cette mesure conservatoire permet, dans l’attente d’un jugement pénal ou du prononcé d’une sanction à son encontre, d’écarter l’agent du service.
Dans tous les cas la décision portant sanction disciplinaire devra respecter un certain formalisme, elle devra notamment être motivée. Le non respect de ce formalisme pourra entraîner l’annulation de ladite sanction.
Enfin le choix de la sanction devra être guidé par un principe de proportionnalité. Toute faute ne justifie pas une révocation, la sanction devra être nécessairement proportionnée à la faute commise et prendre en compte l’ensemble de la carrière de l’agent (ancienneté, responsabilité, passé disciplinaire, etc … ).
A défaut, la décision pourra faire l’objet d’un recours contentieux dans un délai de deux mois, devant l’autorité compétente.
Dans tous les cas la radicalisation n’est pas en tant que tel un motif de révocation du fonctionnaire, et toute sanction prise sur ce seul fondement pourra faire l’objet d’une contestation de la part de l’agent poursuivi.
Cependant il n’est pas exclu qu’à l’avenir un changement intervienne sur ce point.
En effet le ministre de l’Intérieur, devait, au vue des évènements récents, ouvrir un débat sur la possibilité d’un projet de loi permettant de rendre automatique la révocation des fonctionnaires en cas de radicalisation.
La difficulté résidera alors dans la définition du terme de « radicalisation », afin d’éviter que celle-ci soit trop large et favorisent l’édiction de mesures disciplinaires injustifiées ou discriminatoires.
Discussion en cours :
Que faites-vous de la procédure spécifique du code de la sécurité intérieure applicable aux titulaires et agents contractuels ? Il me semble que votre article ne couvre pas tous les champs applicables à cette question sensible.