Analyse de l’article 89 du dahir des obligations et des contrats qui dispose expressément ce qui suit :
« Le propriétaire d’un édifice ou autre construction est responsable du dommage causé par son écroulement ou par sa ruine partielle, lorsque l’un ou l’autre est arrivé par suite de vétusté, par défaut d’entretien, ou par le vice de la construction. La même règle s’applique au cas de chute ou ruine partielle de ce qui fait partie d’un immeuble tel que les arbres, les machines incorporées à l’édifice et autres accessoires réputés immeubles par destination.
Cette responsabilité pèse sur le propriétaire de la superficie, lorsque la propriété de celle-ci est séparée de celle du sol.
Lorsqu’un autre que le propriétaire est tenu de pourvoir à l’entretien de l’édifice, soit en vertu d’un contrat, soit en vertu de l’usufruit ou autre droit réel, c’est cette personne qui est responsable.
Lorsqu’il y a litige sur la propriété, la responsabilité incombe au possesseur actuel de l’héritage. »
Définition des termes du sujet. Dans la majorité des cas, le terme d’ « immeuble » renvoie le plus souvent à la seule image d’une maison de plusieurs étages, voire éventuellement à un bâtiment. De même, il n’est essentiellement envisagé que dans une perspective positive, à savoir que l’immeuble constitue une richesse, une valeur du patrimoine d’un individu. Si ces idées ne sont pas totalement inexactes, elles ne reflètent cependant que partiellement la réalité telle qu’envisagée par le droit.
D’une part, le sens juridique du terme « immeuble » ne se résume pas aux seules constructions. En effet, il recouvre une catégorie de choses beaucoup plus étendue. Ainsi, le droit positif distingue-t-il deux grands ensembles d’immeubles, choses corporelles : les immeubles par nature et les immeubles par destination.
D’autre part, si le terme « d’immeuble » renvoie effectivement à l’idée de valeur, de richesse dont tire profit un individu, cela ne signifie pas qu’il se présente uniquement sous cet aspect positif. En effet, l’immeuble est susceptible également d’être source de dommages pour autrui, et à ce titre, engager la responsabilité d’une personne, à savoir que cette dernière deviendra débitrice d’une obligation de réparation à l’égard de la victime.
Une responsabilité civile délictuelle. Cette responsabilité peut se présenter sous l’angle pénal, c’est-à-dire qu’elle tendra essentiellement à la punition du coupable, par le prononcé d’une peine d’amende ou d’emprisonnement, et visera à la réformation de son comportement. Il ne s’agit pas là de l’objet de notre étude qui se limitera à la seule responsabilité civile engendrée par le fait de l’immeuble, laquelle poursuit principalement un but d’indemnisation des victimes, exacerbée par la jurisprudence contemporaine. Il n’est cependant pas question d’envisager l’ensemble des responsabilités civiles encourues. En effet, le droit civil comporte deux grands types de responsabilité : la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. En effet, nous nous attacherons à la seule responsabilité civile délictuelle du fait des immeubles, laquelle implique la réparation d’un dommage causé à un tiers qui n’entretient aucun lien juridique préexistant avec le responsable désigné.
Au bout du tunnel, le droit marocain impose a toute personne une règle de comportement selon laquelle il lui est défense de préjudicier a autrui, des que cette règle est transgressée, dès qu’un tort a été causé à quiconque, l’auteur du méfait s’expose a subir a titre de sanction les rigueurs de la responsabilité civile. La responsabilité civile désigne le régime de réparation, ce régime se subdivise lui-même en deux catégories :
La responsabilité civile contractuelle qui regroupe l’ensemble des règles applicables au cas de dommage résultant de l’inexécution, et la responsabilité civile délictuelle qui regroupe l’ensemble des règles applicables au cas de dommage résultant d’un fait juridique. Le qualificatif « délictuelle » s’explique parce qu’on dénomme délit le fait volontaire générateur de dommage et « quasi-délictuelle » le fait involontaire aussi générateur de dommage.
Origines historiques. L’existence d’un régime particulier de responsabilité pour les dommages par l’effondrement d’un bâtiment trouve son origine dans le cautio damni infecti du droit romain qui a laissé des traces dans la plupart des droits modernes ayant subi directement ou indirectement l’influence de Rome. En droit Français, c’est l’article 1386 du Code civil, dont la rédaction est restée inchangée depuis 1804, qui édicte cette règle spéciale : « le propriétaire d’un bâtiment », dispose ce texte, « est responsable du dommage causé par sa ruine lorsqu’elle est arrivée par suite d’un défaut d’entretien ou par le vice de construction ». C’est ainsi que la nécessité de se prémunir contre les conséquences particulièrement graves que pouvaient occasionner les immeubles, a été ressentie depuis très longtemps. En effet ce sont essentiellement les constructions mal bâties ou mal entretenues qui, en raison du danger grave qu’elles pouvaient constituer pour les voisins et les passants en cas d’effondrement total ou partiel, ont suscité particulièrement l’attention des juristes et provoqué l’adoption de mesures spécifiques pour assurer la sécurité des uns et des autres.
A Rome, le propriétaire d’un bâtiment qui menaçait ruine n’était tenu que d’abandonner aux victimes les décombres. Le préteur intervint. Il exigea du propriétaire une promesse,la cautio damni infecti (action du dommage à venir). Pour le contraindre à la donner, en cas de refus, il employait la voie de la missio in possessionem.
Dans l’ancien droit, ce système fut aggravé. Les voisins pouvaient contraindre le propriétaire dont l’immeuble menace ruine à faire des travaux confortatifs pour remédier à cette situation. Elle résulte cependant, semble t’il, des principes généraux sur le mode de réparation du préjudice causé et sur la responsabilité. Le danger de ruine constitue un préjudice actuel et certain qui permet une réclamation pour en obtenir la réparation sous forme de dommages-intérêts, soit de travaux. Planiol est cependant d’avis contraire et enseigne que, le Code civil n’ayant pas parlé de la contrainte accordé par l’ancien droit aux voisins pour obliger leurs voisins a réparer ce qui menaçait de ruine, ce silence doit être interprété en ce sens que le Code civil avait voulu retirer ce droit aux voisins.
Au Maroc la responsabilité du fait des immeubles est consacrée par le dahir des obligations et des contrats, plus précisément dans son article 89.
Il serait donc intéressant de voir dans un premier temps les conditions de mise en jeu de la responsabilité du propriétaire (I), et dans un second temps les dérogations au principe de la présomption de responsabilité du propriétaire (II).
La responsabilité du fait des immeubles exige certaines conditions, parmi elles, un objet, qu’elle est alors la qualification exacte de cet objet comme prévu par l’article 89
?
Une simple ruine peut-elle à elle seule être suffisante pour engager la responsabilité du propriétaire, ou cela suppose d’autres conditions pour la mise en jeu de cette responsabilité ? Le propriétaire étant présumé responsable de plein de droit de la ruine totale ou partielle d’un immeuble.
Existe-il des limites à cette responsabilité, autrement dis peut-il se prévaloir d’une des causes étrangères prévues par la loi ?
Qu’en est-il de cette responsabilité, lorsqu’un autre que le propriétaire est tenu de pourvoir a l’entretien de l’édifice ?
I. Mise en œuvre de la responsabilité du fait des immeubles :
Le régime de responsabilité édicté par l’article 89 du dahir des obligations et des contrats suppose à la fois une spécificité de l’immeuble en cause (A) et une particularité quant à l’événement générateur du préjudice (B). Ainsi, la chose qui engendre le dommage doit répondre à la notion technique d’édifice ou autre construction et l’événement dommageable doit procéder de la ruine de ce bâtiment dont l’origine réside dans des vices spécialement visés par la loi : le défaut d’entretien ou le vice de construction.
A. L’objet spécifique de la responsabilité : édifice ou autre construction ?
Conformément aux dispositions du premier alinéa de l’article 89, on constate que l’idée avancée concernant la présomption de la responsabilité concerne non seulement les immeubles par nature mais aussi les immeubles par destination.
Au titre des immeubles par nature, il convient de prendre en considération toutes les choses dont la situation est fixe, de sorte qu’elles ne peuvent être transportées d’un lieu à l’autre sans être altérées. A cet égard, le bien de référence est constitué par la terre, le sol. Parcelle de territoire national, support de construction ou de plantation, le terrain est toujours immeuble par nature. Il peut s’agir d’un terrain non bâti, d’un pré, d’une carrière ou encore d’un jardin. Le critère de la catégorie étant l’attache matérielle actuelle à la terre, tout ce qui est attaché au terrain constitue également un immeuble par nature. Toujours dans le même contexte, on peut se référer aux termes cités dans le traité pratique de droit civil de MM. Planiol, qui a cet effet donne une définition des bâtiments et qui est la suivante : « Toute construction résultant de l’assemblage de matériaux qui sont reliés artificiellement de façon a procurer une union durable et qui se trouvent incorporés au sol ou a un immeuble par nature »
Développant encore cette large conception, aux objets mobiliers qui, incorporés aux immeubles, deviennent immeubles notamment : … aux tuyaux de gaz incorporés au sol, de sorte que le propriétaire est de plein droit responsable du dommage causé par leur rupture, survenue par défaut d’entretien ou vice de construction. Un bâtiment ainsi que chacune des parties de cette construction n’est donc qu’une espèce particulière d’immeubles par nature.
Au titre des immeubles par destination. Le droit envisage également les immeubles par destination, c’est-à-dire des biens mobiliers par nature mais auxquels la loi attache fictivement un caractère immobilier en raison de leur lien, matériel ou fonctionnel, à un immeuble. Ainsi, l’affectation d’un meuble au service et à l’exploitation d’un immeuble lui confère-t-il la qualification d’immeuble par destination.
B. Insuffisance de la ruine : exigence d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction.
La mise en jeu de l’article 89 du dahir des obligations et des contrats n’est pas susceptible d’être déclenchée par un fait quelconque imputable au bâtiment. Il est en effet nécessaire que le dommage ait été produit par la ruine de ce bâtiment, ruine dont l’origine doit correspondre à l’une des hypothèses visées par la loi, à savoir un défaut d’entretien ou un vice de construction.
Nécessité d’une ruine. Commençons par l’analyse de la notion dite de « ruine », qui selon une conception extensive, se définirait d’une façon générale comme le délabrement, le mauvais état de l’immeuble. Elle serait assimilée ainsi à toute espèce de dégradation ou détérioration affectant le bâtiment. Ainsi certains auteurs français avaient opté en faveur de cette interprétation large. Notamment, R. Forge qui considère que : « La ruine du bâtiment prévue par l’article 1386 du Code civil français est la ruine, totale, spontanée ou non, causant un dommage de quelque façon que ce soit, du bâtiment ou des choses qui lui sont incorporées ». Il ajoute qu’elle ne doit pas être limitée à la chute et qu’elle peut, par exemple, correspondre à une explosion voire même à des mouvements désordonnés d’un ascenseur. La jurisprudence a d’ailleurs suivi pendant un temps cette approche souple de la notion. C’est ainsi qu’elle a pu appliquer, par exemple, la ruine aux cas d’incendie ou encore d’explosions, celles-ci étant fréquente en matière d’accidents du travail.
Insuffisance de la ruine. Ajoutons à notre analyse, qu’il ne suffit pas que le dommage causé par le bâtiment provienne de sa ruine, il faut encore, d’après le texte même de l’article 89 du D.O.C, que la ruine ait l’une des deux causes suivantes :
Un défaut d’entretien ;
Ou un vice de construction.
Le demandeur en indemnité doit administrer la preuve d’une de ces deux causes. Il n’a d’ailleurs pas à démontrer que la cause alléguée est imputable a une faute du défendeur. Il suffit que l’une de ces deux causes existe objectivement pour que la responsabilité du propriétaire soit encourue. Peu importe que le défaut d’entretien soit imputable a un précédent propriétaire ou le vice de construction a un architecte.
Cette solution s’explique dans la théorie classique par l’idée d’une présomption de faute ; elle parait cadrer aussi avec le principe qui sert de point de départ aux adversaires de la théorie classique : l’idée de risque. Ceux-ci expliquent que, si l’article 89 édicte une responsabilité contre le propriétaire d’un bâtiment, même si le vice de construction ou le défaut d’entretien ne lui sont imputables, c’est parce que, ayants tous les profits de l’immeuble, il est juste qu’il en subisse tous les risques. Il n’est pas difficile de répondre aux partisans de la théorie du risque que, si leur thèse était exacte, la responsabilité du propriétaire d’un bâtiment devrait entre encourue quelle que soir la cause du dommage. Or, l’article 89 subordonne cette responsabilité à deux conditions essentielles : 1° qu’il y’ait ruine ; 2° que cette ruine provienne d’un vice de construction ou un défaut d’entretien. Il semble bien qu’il n’y ait que quand ces conditions sont réunies que le législateur a cru possible de présumer la faute, fondement qu’il estimait nécessaire a toute responsabilité. Il appartient au juge saisi du litige d’apprécier la réalisation de cette condition. Que le propriétaire ait commis une faute ou non.
II. Dérogations au principe de la présomption de responsabilité :
Dès lors que la victime a établi le défaut d’entretien ou le vice de construction du bâtiment à l’origine de sa ruine, le propriétaire est de plein droit responsable. Il existe cependant des limites à sa responsabilité. Celles qui découlent des divers modes d’exonération dont il peut se prévaloir, même s’ils sont limités, et que l’on regroupe sous le vocable de cause étrangère (A). D’autre part il y’a lieu d’ajouté d’analyser les divers cas de la propriété démembrée (B).
A. Cause étrangère :
Le propriétaire ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en apportant la preuve d’une cause étrangère à l’origine du dommage. En effet, dans un arrêt du 3 mars 1964, la Cour de cassation affirme que « le propriétaire d’un bâtiment dont la ruine a causé un dommage en raison d’un vice de construction ou du défaut d’entretien ne peut s’exonérer de la responsabilité de plein droit par lui encourue que s’il prouve que ce dommage est dû à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ». Celle-ci peut correspondre soit à un cas de force majeure, soit au fait d’un tiers, soit à une faute de la victime.
Force majeure. La question de la place de la force majeure au sein de l’article 89 du D.O.C a suscité des divergences. Certains auteurs ont contesté le rôle de la force majeure comme cause d’exonération. En effet, si la force majeure provoque la ruine du bâtiment, l’irresponsabilité tient au fait que les conditions d’application de l’article 89 ne sont pas réunies ; par hypothèse, la ruine n’est pas due à un défaut d’entretien ou un vice de construction. En réalité, la réponse à cette question nécessite une distinction entre deux hypothèses : l’hypothèse d’un cas de force majeure comme cause unique du dommage et celle du concours entre un cas de force majeure et un défaut d’entretien ou un vice de construction à l’origine du dommage.
Dans le premier cas, si la force majeure, événement imprévisible, insurmontable et extérieur, s’avère être la cause unique du dommage, cela suppose que la preuve d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction ainsi que son lien de causalité avec la ruine n’a pas été rapportée ou n’a pas été admise par les juges. Les conditions d’application de l’article 89 ne sont alors pas remplies et la responsabilité du propriétaire ne saurait être engagée sur ce fondement.
Pour la deuxième hypothèse, elle correspond au cas où la force majeure a concourue avec le défaut d’entretien ou le vice de construction à la réalisation du dommage. En principe, la responsabilité du propriétaire devrait être engagée puisque les conditions de l’article 89 sont réunies.
Faute d’un tiers. Le défaut d’entretien ou le vice de construction peut être imputable à un tiers qui sera généralement fautif. Et, souvent, ce tiers est uni par des liens contractuels avec le propriétaire. Ainsi, le fait générateur peut provenir des divers locateurs d’ouvrages, du précédent propriétaire, du locataire, de l’usufruitier… Dans cette hypothèse, en principe, le propriétaire reste quand même intégralement responsable du dommage survenu du fait de la ruine du bâtiment. Il devient une sorte de garant du fait d’autrui. Cependant, la jurisprudence a admis dans certains cas que la faute d’un tiers pouvait libérer le propriétaire. Ainsi, dans une espèce où une personne avait été blessée par la chute de pierres provenant d’une balustrade bordant la terrasse d’un immeuble, la Cour de Bordeaux a rejeté la responsabilité du propriétaire en considérant que seule la faute du locataire était à l’origine de l’accident. En somme, le fait d’un tiers pour être éventuellement exonératoire de responsabilité doit présenter les caractères de la force majeure, c’est-à-dire être imprévisible, insurmontable et extérieur.
Faute de la victime. En revanche, la faute de la victime a toujours été considéré comme pouvant entraîner l’absence de responsabilité du propriétaire du bâtiment conformément au droit commun de la responsabilité civile. Certes le fait fautif de la victime permet, selon les circonstances, de conduire à une exonération totale ou partielle du propriétaire.
Dans la mesure où si la faute de la victime est la cause unique du dommage et c’est la première hypothèse, la solution est identique à celle adoptée à propos de la force majeure. Le propriétaire ne verra pas sa responsabilité engagée sur le fondement de l’article 89 dans la mesure où une de ses conditions d’application n’est pas remplie, le défaut d’entretien ou le fait fautif de la victime permet, selon les circonstances, de conduire à une exonération totale ou partielle du propriétaire. Ainsi, quand un enfant avait été écrasé par l’écroulement d’un pan de mur, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a considéré que, bien que le bâtiment se trouvât en état de délabrement, l’accident était dû uniquement à la faute de la victime qui, aidée de camarades, s’amusait à arracher des cailloux du mur, pratiquant de ce fait un trou à sa base. La responsabilité du propriétaire a donc été écartée.
Concernant la deuxième hypothèse. Lorsque la faute de la victime a concouru avec un défaut d’entretien ou un vice de construction au dommage qu’elle a subi, la jurisprudence accepte une exonération partielle du propriétaire, opérant ainsi un partage de responsabilité.
B. Les hypothèses particulières de la propriété partagée.
La propriété peut tout d’abord, être décomposée en nue propriété et en usufruit. De ce fait une distinction s’impose selon que la ruine du bâtiment provient :
De l’absence de grosses réparations ;
D’un défaut d’entretien ;
D’un vice de construction ;
Absence de grosses réparations. Supposons d’abord que la ruine du bâtiment provient du fait que de grosses réparations nécessaires n’ont pas été faites. L’usufruitier (L’usufruit est le droit d’utiliser un bien dont une autre personne est propriétaire et d’en percevoir les revenus), n’y est pas tenu. Le nu-propriétaire, (La nue-propriété est le droit qui donne à son titulaire, appelé nu-propriétaire, la faculté de disposer d’une chose (en la vendant, la donnant, la léguant, ...) sans toutefois lui permettre d’en jouir ou d’en user), a qui n’incombe en principe qu’une obligation d’abstention ne peux être contraint de les faire. Les tiers victimes des conséquences de cette abstention de faire de grosses réparations seront-ils démunis d’action en responsabilité ?
Au niveau de la législation française, plus précisément dans son article 1386, lequel est responsable, de l’usufruitier ou du nu-propriétaire, en cas de ruine de l’édifice par défaut de grosses réparations que les articles 605 et 606 du Code civil n’imposent ni à l’un ni à l’autre. Certes Josserand voit dans l’abstention du nu-propriétaire de faire de grosses réparations un abus de droit. A cet effet vis-à-vis des tiers, c’est le nu-propriétaire qui a la responsabilité du défaut de grosses réparations, c’est donc lui qui devra l’indemnité, sans recours contre l’usufruitier, puisque ce dernier n’est pas « propriétaire »
Défaut d’entretien. Au bout du tunnel, concernant la deuxième hypothèse, si la ruine du bâtiment provient d’un défaut d’entretien, le nu-propriétaire, encore responsable vis-à-vis des tiers en vertu de l’article 1386, aura un recours contre l’usufruitier si les réparations d’entretien dont le défaut a causé cette ruine sont celles qui sont à sa charge depuis le début de l’usufruit.
Vice de construction. Enfin comme troisième hypothèse, si la ruine du bâtiment provient d’un vice de construction, le propriétaire est responsable vis-à-vis de tiers, mais même de l’usufruitier.
Quid quand un immeuble est divisé en étages appartenant à des propriétaires différents ? A qui incombe alors cette responsabilité ? S’agissant de la copropriété des immeubles divisés par appartements, à défaut de titres contraires, les divers propriétaires sont présumés être copropriétaires du sol et de toutes les parties du bâtiment qui ne sont pas affectés à l’usage exclusif de l’un d’eux, tels que murs, toitures et gros œuvre. Il semble donc qu’en cas de ruine de l’immeuble, les propriétaires des différents étages sont dans la situation de copropriétaires indivis, autrement dit responsable in solidum vis-à-vis de la victime.
Enfin, concernant le dernier alinéa de l’article 89 qui dispose ce qui suit : « Lorsqu’il y a litige sur la propriété, la responsabilité incombe au possesseur actuel de l’héritage ». Il y a lieu d’ores et déjà de noter que la possession joue un rôle déterminant comme moyen d’établissement de la preuve de la propriété tant dans la théorie classique du droit musulman que dans la jurisprudence marocaine moderne. Ajoutons que, nous ne pouvons que confirmer que le véritable moyen de preuve du droit de la propriété consiste dans l’établissement et la preuve du fait de la possession. D’autre part, le débiteur par le fait de la constitution hypothécaire consentie au profit du créancier, devient le gardien de la chose hypothéquée, et en même temps responsable de tout ce qu’il lui arrive et ce en vertu des dispositions des articles 88 et 89.
Bibliographie :
Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, Tome 2, Montchrestien, 6e édition, 1970.
Henri Lalou, Traité pratique de la responsabilité civile, 6e édition, 1962.
Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 4e édition, 2002/2003.
M. Planiol, G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, tome 3, 2e édition.
Traité de droit civil, Les obligations, Les conditions de la responsabilité, LGDJ (Librairie générale de droit et de jurisprudence), 2e édition, 1998.
Droit civil, Les obligations, Le fait juridique, Armand Colin, 10e édition, 2003.