Le litige soumis à la Haute Cour est assez simple : un salarié, qui bénéficiait de la classification du niveau IV, échelon 2, coefficient 270 au sens de l’accord national du 21 juillet 1975 sur la classification (convention collective nationale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la Haute Vienne) a saisi la juridiction prud’homale pour se voir reconnaître la classification V échelon 1 coefficient 305.
Tant le conseil de prud’hommes que la cour d’appel ont donné raison au salarié.
Pour confirmer le jugement, la Cour a considéré, en synthèse, que l’employeur n’avait pas utilement contesté les affirmations du salarié, ni apporté d’éléments de preuve contraires aux revendications du demandeur. Sans avoir constaté de preuves positives quant à la réalité des fonctions réellement exercées par le salarié, elle s’était basée essentiellement sur l’absence de preuve par l’employeur que les fonctions réellement exercées ne répondaient pas aux critères ouvrant droit à la classification V échelon 1 coefficient 305.
Cette décision a été soumise à la censure de la Cour de cassation, qui, rappelons-le, exerce un contrôle sur les conditions de la classification des salariés, dans la mesure de son contrôle de l’application des conventions collectives de travail. Elle contrôle ainsi que les conditions prévues par la convention collective pour la reconnaissance d’une qualification et d’un niveau de classification donnée sont bien réunies ou, en tout cas, que leur réunion a bien été convenablement recherchée et constatée par les juges du fond.
D’autres arrêts ont déjà statué sur ce point, par exemple :
arrêt du 24 septembre 2014 (13-17.045) : l’arrêt retient que l’employeur ne conteste pas que le salarié disposait de la qualification professionnelle nécessaire à l’exécution correcte de sa fonction et des tâches qui lui étaient confiées et qu’en sa qualité de chauffeur "super lourds," le salarié pouvait conduire un véhicule de plus de 19 tonnes de poids total en charge, ce qui attribue à ce dernier trente points ; Qu’en se déterminant ainsi, sans vérifier si le salarié conduisait effectivement un poids lourd de plus de 19 tonnes de poids total en charge et pouvait ainsi prétendre aux trente points conventionnels correspondants, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
arrêt du 1er février 2000 (97-44.476) : la charge de la preuve de la réunion des conditions conventionnellement requises pèse sur le salarié
Dans l’espèce du 23 octobre 2019, il est apparu clairement à la Cour de cassation que la Cour d’appel n’avait pas effectué des recherches suffisantes pour constater que l’ensemble des conditions conventionnelles étaient bien réunies pour atteindre la classification revendiquée par le salarié, à savoir le fait que le demandeur « assure ou coordonne la réalisation de travaux d’ensemble ou d’une partie plus ou moins importante d’un ensemble complexe » ou que son activité « comporte à un degré variable selon l’échelon, une part d’innovation », ou encore qu’il « a généralement une responsabilité technique ou de gestion vis-à-vis de personnel de qualification moindre », et en tout cas « de larges responsabilités » ainsi « qu’un niveau de connaissances correspondant au niveau III de l’éducation nationale (circulaire du 11 juillet 1967) ».
Ce faisant, la sanction était inévitable : dès lors que ne pèse sur l’employeur aucune preuve négative (Cass. soc. 24 septembre 2014), la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 et L.2254-1 du Code du travail ainsi que des dispositions de l’accord national du 21 juillet 1975 sur la classification annexé à la convention collective nationale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la Haute Vienne.
La cassation a donc été prononcée par un motif lapidaire : « en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans examiner les fonctions réellement exercées par le salarié au regard de la définition conventionnelle du niveau V, échelon 1, et sans rechercher si le niveau de connaissance de l’intéressé correspondait au niveau III de l’éducation nationale, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Il appartiendra à la Cour de renvoi de statuer sur les mérites de la demande, en respectant le régime probatoire rappelé ci-dessus.