Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit les modalités selon lesquelles les étrangers peuvent séjourner légalement sur le territoire français.
Lorsque ces derniers ne sont pas en situation régulière, ils peuvent faire l’objet d’une mesure d’éloignement (généralement une obligation de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire).
Lorsque le délai est dépassé ou en cas d’obligation de quitter le territoire sans délai, l’étranger peut être placé en rétention administrative par le Préfet.
Dans cette hypothèse, l’article L.554-1 du CESEDA prévoit que :
« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.
L’administration doit exercer toutes diligences à cet effet ».
L’une des principales diligences engagées par la préfecture est de saisir les autorités consulaires afin que l’étranger soit reconnu par les autorités du pays dont il indique être le ressortissant, afin qu’un laissez-passer consulaire lui permettant de quitter le territoire soit délivré.
A cet égard, la Cour de cassation a précisé par un arrêt en date du 9 juin 2010 (n° de pourvoi 09-12165) que les autorités consulaires devaient être saisies le premier jour ouvrable suivant le placement en rétention.
Dans cette espèce, l’étranger avait été placé au centre de rétention le vendredi 19 décembre 2008 et la saisine du consulat algérien était intervenue le lundi 22 décembre 2008.
Dans son ordonnance, le Premier Président de la cour d’appel avait considéré que la saisine des autorités consulaires algériennes par le Préfet était tardive, puisque n’étaient pas justifiées les raisons pour lesquelles cette saisine n’avait pas été faite et le placement en rétention.
Un premier arrêt est venu semer le doute quant au maintien de cette jurisprudence.
Par un arrêt en date du 23 septembre 2015 (n° de pourvoi 14-25064), la Cour de cassation a jugé que la saisine des autorités consulaires trois jours après le placement en rétention était tardive.
En soi, cette décision applique la solution qui avait été retenue en 2010 puisque la saisine n’avait pas été réalisée le premier jour ouvrable mais le surlendemain.
Le placement en rétention était effectivement intervenu le vendredi 10 janvier 2014 alors que la saisine des autorités consulaires a été réalisée le mardi 13 janvier 2014.
Cependant, la Cour de cassation ne s’est nullement référée à sa jurisprudence de 2010 et, bien au contraire, a rappelé les dispositions de l’article L.554-1 du CESEDA dans un attendu de principe.
Si certaines juridictions ont considéré qu’il s’agissait là d’un revirement, le mouvement général a été de considérer que cette décision ne remettait pas en cause la jurisprudence issue de l’arrêt du 9 juin 2010.
La Cour de cassation a définitivement levé le doute par deux arrêts en date du 9 novembre 2016 (n° de pourvoi 15-28793 et 15-28794) :
« Attendu qu’après avoir exactement retenu qu’il résulte de l’article L.554-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, qu’un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration étant tenue d’exercer toutes diligences à cet effet, le Premier Président, qui a relevé que la première diligence en vue d’obtenir l’éloignement de la personne n’avait été accomplie que plusieurs jours après son placement en rétention, sans justification de circonstances imprévisibles, insurmontables et extérieures l’empêchant d’agir, a pu en déduire que l’atteinte ainsi portée à l’étranger justifiait la mainlevée de la mesure ».
Cette espèce concernait deux géorgiens qui avaient été placés en garde à vue pour des faits de vol en réunion le 16 octobre 2015 puis en rétention administrative le lendemain, soit le samedi 17 octobre 2015.
Appliquant la jurisprudence de la Cour de cassation, le Préfet a sollicité le service administratif central afin que les autorités consulaires soient saisies, par un courriel en date du lundi 19 octobre 2015.
La Cour de cassation a considéré que cette saisine était tardive malgré le fait que le jour qui séparait les deux actes (le placement et la saisine des autorités consulaires) était un dimanche.
La Cour de cassation est donc bien revenue à une interprétation stricte de l’article L.554-1 du CESEDA.
Cette décision, rendue après la prise d’effet des nouvelles dispositions du CESEDA relatives au placement en rétention administrative, n’a pas été adoptée par hasard.
En effet, la loi du 7 mars 2016 n° 2016-274 a considérablement changé les délais concernant la rétention administrative.
Sous l’empire de la loi du 16 juin 2011, le juge des libertés contrôlait la procédure et les diligences effectuées par l’administration au bout de cinq jours.
Il pouvait alors contrôler la régularité de la saisine des autorités consulaires même si celle-ci avait été décalée en raison du week-end.
La loi du 7 mars 2016 a raccourci ce délai à 48 heures.
Avec ce changement, la solution initialement retenue par la Cour de cassation ne pouvait plus prévaloir.
Le juge des libertés, devant contrôler les diligences de la préfecture, ne peut pas se satisfaire d’une absence de saisine des autorités consulaires, même en période de week-end.
En effet, on aurait pu aboutir à ce qu’une saisine des autorités consulaires ne soit pas présente en la saisine du JLD du fait du week-end et le juge n’aurait pas pu contrôler la régularité ou l’éventuelle tardiveté d’une saisine des autorités consulaires.
La seconde intervention du JLD intervenant 28 jours plus tard, ce n’est qu’à ce moment-là qu’il aurait pu sanctionner un éventuel retard dans les diligences de la préfecture (sauf demande de mainlevée initiée par l’étranger, voir article R.552-17).
Il n’est donc pas anodin que huit jours après l’entrée en vigueur de la loi du 7 mars 2016, la Cour de cassation ait rappelé d’une manière extrêmement claire que toutes les diligences doivent s’effectuer dès le placement en rétention administrative, y compris la saisine des autorités consulaires.
Discussion en cours :
Tres bon article