Comment est né le panel d’avocats ?
Le panel est né sous l’impulsion d’un directeur juridique groupe qui a souhaité optimiser les relations de la société avec nos conseils extérieurs notamment en contentieux où il y a un volume malheureusement récurrent de dossiers et dont les montants sont extrêmement importants.
La volonté était triple :
Resserrer le nombre d’avocats avec lesquels Pfizer Inc travaillait,
Etablir une relation suivie et régulière c’est-à-dire un partenariat avec des cabinets à moyens et longs termes,
Adapter le travail avec les conseils extérieurs aux contraintes budgétaires de l’entreprise après sa fusion.
De ce fait, un souhait plus stratégique était de sortir le plus possible du taux horaire dans la relation financière entre le client et l’avocat, considérant que ce dernier ne représentait pas la vraie valeur ajoutée du travail de l’avocat. En effet, cette relation aboutissait soit à un immobilisme sans valeur ajoutée, soit à une sous facturation au regard du taux horaire affecté à certaines prestations.
Il a donc été décidé de sélectionner un panel de cabinets d’avocats à qui serait confié le plus possible, voire l’intégralité des dossiers, sur la base d’un partenariat financier original.
Quel est le principe qui gouverne le panel ?
Le principe est que les cabinets qui acceptent de faire partie du panel se voient confier tous nos dossiers, sauf rares exceptions, dans un domaine déterminé et selon nos conditions financières pendant un an qui prend la forme d’un flat fee (honoraire forfaitaire). Ainsi, le cabinet bénéficie d’un apport de dossiers réguliers, constant et de qualité et nous, nous bénéficions de prestations de services sans doute à un coût moindre que celui que nous aurions obtenu par des procédures plus classiques.
L’avantage pour le partenaire est la perception d’un revenu sécurisé tous les mois et pour nous, c’est la garantie d’une sortie d’argent sécurisée sans avoir de mauvaise surprise en cours d’année.
Les conditions financières sont révisées tous les ans mais le but est d’établir un partenariat sur la durée où chacun s’y retrouve parce que c’est une relation gagnant-gagnant. De plus, nous nous réservons dans notre budget la possibilité de donner un bonus aux cabinets les plus performants, les plus efficaces ou les plus efficients en fin d’année.
Hormis la condition budgétaire qui est le socle de ce panel, existe-t-il d’autres critères ?
Il est clair qu’il y a aussi des critères d’expertise, de compétence et de performance des cabinets d’avocats. La plupart étaient déjà connus par notre société et excellaient dans leurs domaines d’activités respectifs (fusion acquisition, grosses opérations, class action...). Ce sont des cabinets d’avocats qui ont « pignons sur rue » et connus pour leur performance.
Comment ce panel a-t-il été mis en place en France ?
Un an après la création du panel aux Etats-Unis, nous l’avons importé en France avec quelques aménagements. En effet, les cabinets choisis étaient tous américains et leur présence à l’international était limitée ou inexistante dans certains pays. De plus, l’activité juridique internationale ne génère pas les mêmes volumes de dossiers. Les contentieux au Etats-Unis, en Europe ou en France sont très différents. Le niveau de budget avocat est donc sans commune mesure avec le budget équivalent aux Etats Unis. Par exemple, les contentieux en responsabilité produit en France ou en Angleterre sont des marchés de niche pour les cabinets américains, ce qui ne permet pas de créer un pôle spécifique à cette activité.
Il fallait donc que j’ai accès à un cabinet qui a un maximum de bureaux dans le Monde afin de pouvoir jouer sur l’aspect volume et bénéficier de discount à travers mon flat fee. Nous avons donc trouvé un cabinet qui, même s’il est d’obédience anglo-saxonne, n’est pas d’origine purement américaine et surtout était bien implanté en Europe.
Pour finir, aux Etats-Unis, la proportion d’exception de recours aux avocats hors panel est très importante, on est sur du 80/20 (panel/hors panel) alors qu’en Europe, la réalité du maillage des cabinets fait qu’on est plus sur du 50/50.
Comment le panel est-il géré en pratique ?
Il est géré en interne par des ressources dédiées, un juriste senior et une assistante, qui ne s’occupent que de la gestion de ces partenariats, puis au sein de la division juridique, chaque cabinet a un correspondant qui gère la relation au quotidien.
Ensuite, nous avons un suivi plus ou moins précis en fonction des régions où nous sommes en relation avec ces cabinets. Comme nous ne sommes pas facturés au taux horaire, nous n’avons pas de time sheet (feuille de temps). Nous faisons un tracking (suivi) le plus possible au dossier donné, en fonction de son importance, ce qui nous permet éventuellement de voir si nous restons dans les clous de nos estimations financières et si le cabinet reste dans les clous du travail qu’il est sensé fournir.
Mais nous ne rentrons pas dans la façon dont eux répartissent ensuite le travail. C’est à eux de gérer cela en interne, ce qui les oblige sans doute à développer des mécanismes qui vont au delà de leur mode de fonctionnement classique parce que par définition le flat fee reçu ne correspond pas au taux horaire qu’ils ont intégré dans leur système.
Ne craignez vous pas que la qualité des prestations baisse du fait de la régularité de la relation ?
Non, nous ne l’avons pas constaté, sans doute parce que nous constituons un gros client et qu’ils n’ont pas intérêt à mal faire. Nous n’avons jamais eu de gros soucis mais au départ nous avons fait un peu de police en interne et chez eux.
Chez nous, parce que la mise en place de ce panel ne signifiait pas que les juristes pouvaient contacter nos conseils extérieurs pour n’importe quelle question et chez eux, en leur conseillant de mettre les personnes appropriées sur les dossiers parce qu’ils pouvaient parfois avoir tendance à mettre trop d’avocats sur un dossier.
Mais, comme il y a un dialogue régulier entre nos correspondants internes et un équivalent dans le cabinet sur la bonne allocation des ressources et la priorité des dossiers, cela permet d’avoir des signaux d’alerte si jamais cela dépasse d’un côté ou de l’autre.
Il faut être attentif mais cela peut fonctionner.
Quel est le principal bénéfice au delà du coût ?
Le principal bénéfice a été pour Pfizer, la mise en place de partenariat pérenne avec des cabinets qui ont aujourd’hui une connaissance intrinsèque de notre société et de notre industrie leur permettant de mieux nous conseiller et de prendre les devants. Il y a un gain de temps et un gain d’efficience qui est remarquable.
Le troisième avantage un peu indirect mais qui existe un peu est qu’on arrive à les faire travailler ensemble de façon beaucoup plus harmonieuse. Comme ils ne sont plus en compétition, on arrive à les réunir sur des gros dossiers dans une même salle sans que les égos soient amplifiés par des problématiques business.
Et pour les avocats ?
Au bout de quelques années, les cabinets du panel nous ont dit que ce partenariat exclusif les avait aidés notamment à travailler sur des modèles d’évaluation de la performance, à aller au delà de leur pratique habituelle du taux horaire. A partir du moment où la base de la rémunération du client n’est pas celle la, cela les amène à réfléchir à des modèles internes d’analyse de leur propre performance mais aussi à des modèles alternatifs de rémunération que tout le monde recherche. Pfizer n’est pas seul à vouloir réduire ses coûts, tous les directeurs juridiques des grands groupes cherchent à optimiser l’utilisation des conseils et le panel avec exclusivité est un moyen parmi d’autres.
(1) François Garnier est Directeur juridique international de Pfizer, et également membre et ancien Président du Cercle Montesquieu.