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Procédure disciplinaire : attention au délai entre mise à pied conservatoire et engagement de la procédure. Par Dany Marignale, Avocat.
Parution : lundi 16 décembre 2013
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La question du délai entre la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure de licenciement n’est pas résolue par le Code du travail. En effet, aucune disposition ne prévoit de délai impératif entre la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure disciplinaire qui a donc pour seule limite l’abus.

Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation s’est prononcé sur la conséquence d’un délai trop long entre la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure disciplinaire (Cass. Soc. 30 Octobre 2013 n°12-22962)

Dans cette affaire, un éducateur spécialisé employé par une association avait fait l’objet d’une mise à pied conservatoire en raison de fautes qu’il avait commises dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. L’employeur lui a notifié cette mise à pied en indiquant bien sur le document qui lui a été adressé qu’il s’agissait d’une mise à pied conservatoire.

Six jours après la notification de cette mise à pied, l’association a engagé une procédure de licenciement en convoquant le salarié à un entretien préalable.

Le salarié a contesté son licenciement en soutenant notamment que le délai de six jours entre la mise à pied conservatoire était anormalement long et inexplicable par un quelconque délai d’instruction des faits qui lui étaient reprochés et que l’engagement tardif de la procédure devait conduire le juge à requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire.

Cette mise à pied disciplinaire portant sur les mêmes faits que ceux reprochés dans la lettre de licenciement, celui-ci était sans cause réelle et sérieuse, en vertu du principe non bis in idem, interdisant de sanctionner un salarié deux fois pour les mêmes faits.

La Cour d’appel a retenu cette argumentation et a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur a formé un pourvoi en soutenant notamment que la mise à pied était bien qualifiée de conservatoire dès sa notification.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en jugeant « qu’ayant relevé que l’employeur avait notifié au salarié sa mise à pied et qu’il n’avait engagé la procédure de licenciement que six jours plus tard sans justifier d’aucun motif à ce délai, la cour d’appel a pu en déduire que la mise à pied présentait un caractère disciplinaire nonobstant sa qualification de mise à pied conservatoire et que l’employeur ne pouvait sanctionner une nouvelle fois le salarié pour les mêmes faits en prononçant ultérieurement son licenciement ».

La Cour de cassation exige donc l’engagement rapide d’une procédure disciplinaire à la suite d’une mise à pied conservatoire à plus forte raison puisqu’elle juge excessif un délai de six jours entre la notification de la mise à pied conservatoire et le début de la procédure disciplinaire.

Cette décision ne peut que nous conduire à encourager la pratique consistant à notifier au salarié, en même temps que sa convocation à un entretien préalable, une mise à pied conservatoire, dans l’attente de la décision à intervenir.

L’engagement de la procédure disciplinaire est ainsi concomitant de la mise à pied conservatoire et l’employeur peut ainsi mettre à profit le temps entre la convocation et l’entretien préalable pour procéder à l’instruction des faits.

Sa décision de sanctionner ou non les faits ne pourra naturellement intervenir qu’après avoir recueilli les observations du salarié sur les faits qui lui sont reprochés, dans le cadre de l’entretien préalable.

Dany MARIGNALE Avocat au Barreau de PARIS
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