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Que faire quand votre logiciel présente des dysfonctionnements majeurs ou bloquants ? Par Alexandra Six et Sandie Theolas, Avocats.
Parution : jeudi 24 juillet 2014
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L’exécution d’un contrat informatique peut parfois s’avérer plus difficile que prévu, notamment lorsque le logiciel proposé connaît des dysfonctionnements.

Dans cette hypothèse, seules la réactivité du prestataire informatique dans la proposition de solution et la coopération de l’acheteur peuvent permettre de mener à terme le projet.

Dans le cas contraire, il est fort à parier que la situation se soldera par une action en justice ou par un duel.

Ce fut effectivement le cas pour le contrat de cession d’exploitation de licences de progiciels conclu entre la société C. et la société C. R. D.

La société C. R. D. avait fait appel à la société C. afin de procéder à la refonte complète de son système d’information hospitalier.

A ce titre, par contrat du 16 novembre 2001, la société C. avait concédé à la C.R.D l’exploitation de licences de progiciels destinés notamment à la gestion des dossiers médicaux et à la création d’une base de données des médicaments.

Suite à l’installation, des dysfonctionnements vont apparaître sur un des modules installés par la société C.

La société C. R. D. considérant que les retards et les dysfonctionnements des logiciels commandés constituaient des manquements graves, a résilié unilatéralement le contrat le 28 novembre 2003.

La société C. a alors assigné la société C.R.D en paiement de certaines sommes.

Tout comme les juges de première instance, la Cour d’appel de Grenoble a, le 29 novembre 2013, constaté la résolution judiciaire du contrat de cession de licence d’exploitation et a condamné la société C. à payer à la société C.R.D la somme de 48 992,38 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2003.

La société C. a alors formé un pourvoi en cassation en considérant qu’il n’était pas justifié que ses manquements avaient un degré de gravité justifiant la résolution unilatérale du contrat et que la société C. avait eu un comportement fautif en ne la mettant pas en mesure de réaliser la mise au point effective du système informatique vendu ce qui était de nature à la décharger de sa responsabilité.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi aux motifs que « si les manquements et dysfonctionnements constatés ne mettaient pas fondamentalement en danger la vie des malades, la préparation des médicaments, pouvait en être perturbée dans quelques cas précis et sous certaines conditions, qu’outre ses dangers potentiels, même à les supposer exceptionnels, la responsabilité des établissements concernés pouvait être engagée en cas d’utilisation d’une base de données non sécurisée et non d’agrée ; que par ces constatations et appréciations faisant ressortir d’un côté l’absence de comportement fautif de la clinique de l’autre la gravité des manquements justifiant la résolution unilatérale du contrat, la cour d’appel, (…)a légalement justifié sa décision ».

En l’espèce, le rapport d’expertise constatait que seul un des modules avait été testé, que les dysfonctionnements pouvaient être aisément réparés mais que la société C. n’avait pas su apporter les réponses adéquates rapides et formalisées à toutes les demandes de correction de la société C.R.D.

Ces manquements ayant pour conséquence des erreurs dans la préparation des médicaments des patients, pouvant engager la responsabilité de la société C., la Cour considère que c’est à bon droit que la société C. R. D. a pu résilier unilatéralement le contrat et ce d’autant plus que la preuve du comportement fautif de cette dernière n’était pas rapportée.

En conclusion, le prestataire informatique (la société C. en l’espèce) doit rester extrêmement réactif lors de l’exécution du contrat à fin de solutionner tous les dysfonctionnements lors de la mise en place du logiciel sous peine de voir résilier le contrat à ses torts, sans pouvoir toutefois se retrancher derrière une absence de coopération de son client (la société C.R.D en l’espèce).

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