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Escroqueries au crédit : comment éviter les pièges évidents ? Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : jeudi 29 octobre 2015
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Comment savoir si le crédit proposé au consommateur, à l’internaute, celui qui vous est proposé ne masque pas une proposition frauduleuse ?

Le marché toujours vigoureux des crédits aux particuliers, conjugués aux difficultés financières d’emprunteurs, stimule de manière extraordinaire l’escroquerie aux crédits. Ces pratiques condamnables ciblent surtout les personnes (ou les entreprises) les plus fragiles.

Elles profitent d’internet et des réseaux sociaux. Alors que les techniques utilisées par les voyous du crédit semblent bien peu mobiliser les pouvoirs publics, les moyens pour détecter le caractère sérieux d’une offre de crédits ne manquent pourtant pas. Contrairement aux idées reçues, il est parfaitement possible de se faire piéger en demandant un crédit.

Les courtiers en crédits et les IOBSP, professionnels supervisés, offrent quant à eux des garanties sérieuses. La lutte contre les offres pirates constitue désormais un enjeu prioritaire de protection des consommateurs financiers.

Quatre conseils simples pour éviter de se faire voler.

A/ Les réseaux d’escrocs du crédit se mettent à l’abri des sanctions juridiques.

La situation est simple. D’un côté, des distributeurs bancaires, dont une large part est désormais composée d’entreprises indépendantes, les Intermédiaires, tels que les courtiers en crédits (courtiers-IOBSP) ou les intermédiaires en financement participatif (IFP) ,voire de banques en ligne et de sociétés financières innovantes, les « FinTechs ». Les uns commercialisent des crédits, aux particuliers, immobiliers, à la consommation, en regroupement de crédits, aux professionnels… les autres proposent des crédits généralement entre particuliers et entreprises.

Ces Intermédiaires sont des professionnels, compétents, formés, identifiés et tenus à des obligations juridiques très strictes : celles des articles L. 519-1 et suivants, R. 519-1 et suivants, L. 548-1 et D. 548-1, et suivants, principalement, du Code monétaire et financier.

De l’autre côté, les escrocs, les arnaqueurs, les voleurs : les voyous du crédit. Leurs activités sont de plus en plus intenses. Ils proposent des crédits, essentiellement aux particuliers ou aux TPE/PME. Ils ne remettent jamais les fonds du crédit désiré ; leurs offres ne servent qu’à soustraire de l’argent à des consommateurs manipulés. Ils utilisent activement des techniques de communication et de vente et s’appuient sur des sites internet, ainsi que sur les réseaux sociaux.

Vous êtes particulier et vous cherchez un crédit à la consommation. Votre navigation sur internet peut vous mettre en contact directement avec des sites dangereux.
Les escrocs du crédit vous abordent également directement. Les réseaux sociaux, dont les marques sont bien connues, se montrent en effet d’une coupable indifférence aux offres qui circulent entre leurs membres.

En entrant « prêts entre particuliers » ou « crédit sans banque » sur ces réseaux sociaux de masse, vous pouvez potentiellement aboutir à des contacts avec des escrocs. Le 28 août 2015, après le signalement de quelques aigrefins de cette nature, à l’œuvre sur un grand réseau social, voici la réponse reçue de ce réseau, conservée : « Nous vous remercions d’avoir signalé ce message et nous nous excusons sincèrement pour tout désagrément que cela a pu vous causer. Le réseau X n’est pas un outil conçu pour envoyer des messages spam qui sont inappropriés et sont en violation de nos conditions d’utilisation. Nous allons nous renseigner davantage sur ce cas et nous prendrons les actions qui s’imposent à la lumière des résultats obtenus.
À l’avenir, sachez que vous pouvez également utiliser des options d’invitations telles que le lien « Je ne connais pas cette personne
 ».

Un sidérant vide intersidéral, nocif pour des milliers d’internautes.

La responsabilité des hébergeurs et des réseaux sociaux dans la diffusion d’offres de crédits comme appâts aux escroqueries est pourtant effective [1].

Les méthodes d’escroqueries présentent des points communs : les arnaqueurs sont souvent installés en Afrique francophone. Leurs patronymes utilisés sont parfaitement courants. Les titres et professions sont flatteurs. Les contacts se font par mails, avec des adresses ronflantes. Les escrocs promettent le versement rapide des fonds du crédit. Ils enjolivent leurs petites histoires ; dont la chute est toujours la même : il faut rapidement envoyer de l’argent sur un compte à l’étranger (frais de dossier, frais d’étude, frais de recherche…). Souvent, les histoires sont inventives : un correspondant se fait passer pour un policier et vous annonce que l’escroc est en prison. Vous devez payer pour témoigner contre lui. Les sommes réclamées aux internautes se montent souvent à plusieurs centaines d’euros. Les fautes d’orthographe et les expressions inusuelles utilisées dans les mails peuvent alerter leurs lecteurs.

Rappelons que l’octroi de crédit sans agrément, ainsi que l’intermédiation bancaire illégale, sont strictement sanctionnés.

L’octroi de crédits est strictement réservé à certains établissements [2], nécessairement agréés par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).
L’ACPR en diffuse publiquement la liste, par exemple, pour l’année 2015.

L’enfreinte de cette norme est sanctionnée pénalement, [3], disciplinairement [4], ainsi que civilement [5] : trois ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, pour une personne physique ; 1.875.000 euros d’amende, pour une personne morale, avec les peines complémentaires possibles.

Pour le courtier en crédits, l’absence d’immatriculation est une infraction pénale [6]. Elle est lourdement sanctionnée : deux années d’emprisonnement et/ou 30.000 euros d’amende [7].

Toute forme de communication laissant croire à l’immatriculation au registre, ou à la possession de l’un des statuts d’Intermédiaire, est sanctionnée plus lourdement : trois années d’emprisonnement et/ou 375 000 euros d’amende (cf article du 31 mars 2014, sur www.village-justice.fr et Cour de cassation, Ch. Criminelle, 2 décembre 2009, n°09-81.088).

Mais les pouvoirs publics montrent, sur ce sujet d’hygiène bancaire publique, une très belle inertie. Aussi, l’alerte très claire lancée le 26 octobre 2015 par la structure publique de protection des consommateurs, ABE Info Services (commune à l’ACPR et à l’AMF), est donc bienvenue et mérite d’être relayée largement : Alerte ABE Info Services.

Car sans action volontariste des autorités françaises, en concertation avec les pouvoirs publics des territoires qui hébergent ces activités illégales, il sera bien difficile de mettre un terme à ces pratiques. Il est également urgent que la surveillance d’internet et des pratiques des réseaux sociaux, en matière d’offres de crédit bidonnées, deviennent une réalité.

En attendant, la protection repose sur la vigilance, y compris par le dialogue avec les personnes ou les entreprises en difficulté qui seraient tentées par des propositions inadéquates.

B/ Quatre conseils pour ne jamais se faire piéger par les prédateurs du crédit.

1/ Identifiez l’immatriculation du prestataire, avec le Registre des Intermédiaires tenu par l’ORIAS :

Les courtiers-IOBSP, Intermédiaires professionnels du crédit, sont nécessairement enregistrés sur le Registre national des Intermédiaires, banque, assurance, finance [8]. Ce registre est public et tenu par un organisme entièrement dédié à cette fonction [9] : l’ORIAS.

L’ORIAS le gère de manière active outre les inscriptions, les radiations d’immatriculation sont effectuées dès lors que la personne qui était inscrite ne remplit plus les conditions pour exercer l’un des métiers d’Intermédiaire.

En accédant à ce site (www.orias.fr), à l’aide du moteur de recherche clair et ergonomique, tout particulier peut retrouver le courtier avec lequel il est en relation, soit par sa dénomination, soit par sa marque commerciale, soit par le numéro « ORIAS », c’est-à-dire, le numéro qui est le sien dans ce registre.

En l’absence de votre interlocuteur dans ce registre national, public, il vaut mieux passer son chemin.

Pour vos crédits, choisissez sans exception un courtier-IOBSP, professionnel tenu à un devoir de conseil en crédits et possédant un numéro d’immatriculation public au registre tenu par l’ORIAS.

2/ Vérifiez les mentions légales du site internet :

Le courtier-IOBSP reçoit une obligation de présentation [10].

Les mentions légales des sites internet ont un caractère obligatoire [11].

Les sites dépourvus de mentions légales, aux mentions légales fantaisistes, ou qui ne mentionnent ni le numéro ORIAS, ni la supervision exercée par l’ACPR, ni l’adresse du site de l’ORIAS à laquelle consulter le registre, pour ne prendre que trois exemples, sont à éviter sans aucune hésitation.

Si un numéro ORIAS est présent sur le site, vous pouvez en contrôler l’authenticité en consultant le registre (cf ci-dessus).

Attention, dans tous les cas, aux noms de domaines imitant le site original d’un courtier-IOBSP.
Les mentions légales du courtier en crédits présentent quant à elles les informations d’identité détaillée et complètes de celui-ci.

3/ Soyez alerté par le manque de formalisme des crédits :

Un crédit suppose de nombreuses obligations précontractuelles, de la part des professionnels.

Les crédits accordés très rapidement, sommairement, avec très peu d’informations portées à votre connaissance, ne peuvent être conformes au droit français.

Un professionnel vous demandera des documents, des justificatifs, qu’il analysera avec vous.

N’envoyez jamais de tels documents sans vous assurer préalablement de l’identité et de l’immatriculation de la personne qui vous contacte (cf ci-dessus).

Surtout si votre situation de solvabilité est délicate.

4/ N’envoyez jamais de fonds pour obtenir un crédit :

Le Droit français interdit à un professionnel d’être rémunéré avant le versement effectif des fonds, car « aucun versement de quelque nature que ce soit, ne peut être exigé d’un particulier, avant l’obtention d’un ou de plusieurs prêts d’argent  » [12].

Donc, le professionnel ne peut vous demander de rémunération, sous aucune forme, avant la mise à disposition du crédit à l’emprunteur [13].

La rémunération du travail de recherche de crédit est clairement présentée et expliquée, dès la prise de contact. Les professionnels vous proposent un contrat à cet effet, le mandat de recherche de capitaux. Il vous précise comment ses honoraires seront réglés. L’emprunteur est tenu de régler les honoraires uniquement quand les fonds du crédit sont effectivement en sa possession.

Aucun emprunteur potentiel ne devrait accepter d’entrer en relation avec une personne demandant des versements immédiats, avec débit effectif des fonds, de surcroît, dans des modes opératoires inhabituels (comptes à l’étranger, chaîne d’intermédiaires,…),

Dans l’espoir de mesures de protection, il existe donc des mesures simples pour ne jamais fréquenter les pirates du crédit. De plus, les professionnels de la distribution bancaire sont soumis à des obligations très protectrices pour les consommateurs de crédit, que les escrocs ne peuvent appliquer.

Alors que la distribution de services bancaires connaît une mutation historique sans précédent, l’ordre public économique doit rapidement se doter d’un « ordre public bancaire ». Cet ordre public bancaire doit s’intéresser non seulement à la production des crédits, mais fortement à leur distribution, donc, à la protection des consommateurs. Les pouvoirs publics doivent assumer la police bancaire efficacement.

La dimension internationale de ce dispositif de protection étant, comme en d’autres domaines, évidente, il offre un champ utile à aborder pour l’Union européenne. Cette dernière serait, la fois, au service de la sécurité économique et de la croissance, et de celle des consommateurs les plus fragiles parmi les européens ; ce sont ceux qu’il faut protéger en priorité. La France, membre de l’Union, pourrait donner l’exemple, en ce domaine sensible.

Intermédiation bancaire - Article R. 519-1 du Code monétaire et financier.

Laurent Denis
Juriste - Droit bancaire et financier - Droit et Conformité des Intermédiaires
www.endroit-avocat.fr
Intervenant à l'ISFI / Formations bancaires (www.isfi.fr)
www.droit-distribution-bancaire.fr

[1Article 6 de la loi 2004-575 du 21 juin 2004.

[2Articles L. 511-1 et L. 511-5 du Code monétaire et financier.

[3Article L. 571-3 du Code monétaire et financier, Cour de cassation, Crim. 22 septembre 2010, n°09-85.665.

[4Articles L. 612-1, L. 612-28 et s., L. 612-39, L. 613-24 et s. du même Code.

[5Cour de cassation, Crim., 3 juin 2004, n° 03-83.514.

[6Art. L. 571-15 du Code monétaire et financier.

[7Article L. 546-4 du Code monétaire et financier, pour les IOBSP.

[8Article L. 546-1 I du Code monétaire et financier.

[9Article R. 546-1 du Code monétaire et financier.

[10Article R. 519-20 du Code monétaire et financier, principalement.

[11Loi 2004-575 du 21 juin 2004 (« LCEN »), articles 6-III-1, 6-VI-2 et 19, Code pénal : art. 131-38 et 131-39, TGI Paris, 1ère Ch. Correctionnelle, 11 juillet 2014.

[12Article L. 321-2 du Code de la consommation.

[13Dans le même sens, article L. 519-6 du Code monétaire et financier.