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Expertise médicale judiciaire : la communication des « éléments médicaux » à l’expert désigné par la juridiction. Par Marlie Michalletz, Avocat.
Parution : mercredi 30 mars 2016
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La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 a inséré un nouvel article L. 141-2-2 au Code de la sécurité sociale [1]. Le praticien-conseil du contrôle médical doit communiquer à l’expert désigné par la juridiction les éléments médicaux ayant contribué à la décision de prise en charge ou de refus de prise en charge d’un accident du travail (AT) ou d’une maladie professionnelle (MP) et à la justification des prestations servies. L’expertise ordonnée, le principe du contradictoire est alors renforcé.

Un employeur peut contester l’imputabilité et la durée des arrêts de travail prescrits à un salarié à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Il se heurte à la présomption d’imputabilité. Dès lors qu’il y a continuité des soins et des symptômes entre un accident du travail ou une maladie professionnelle et la date de guérison ou de consolidation, tous les arrêts de travail sont présumés imputables au sinistre professionnel pris en charge, sauf pour l’employeur à rapporter la preuve contraire. Il devra saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS). L’employeur est assisté par un médecin expert. La procédure se déroule en trois temps :

1. Le principe de l’expertise
2. Les opérations d’expertise
3. Le rapport d’expertise

1. Première étape : le principe de l’expertise

L’employeur doit convaincre le TASS de la nécessité de mettre en œuvre une expertise médicale judiciaire. Pour se faire, il doit apporter un faisceau d’indices démontrant l’existence d’un litige d’ordre médical. A titre d’exemple, l’apparition d’une nouvelle lésion ou l’existence d’un état antérieur peuvent constituer des difficultés médicales nécessitant le recours à une telle expertise.

Le nouvel article L. 141-2-2 du Code de la sécurité sociale ne s’applique pas à cette phase préalable. En effet, l’article dispose :
« le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet (…) à l’attention du médecin expert désigné par la juridiction ».

Ce n’est qu’une fois l’expertise ordonnée que pèse sur la caisse une obligation de communication des éléments médicaux. Avant, la situation probatoire de l’employeur est inchangée. Il devra démontrer la nécessité de mettre en œuvre une expertise sans que ne pèse sur la caisse une quelconque obligation de communication des éléments médicaux.

2. Deuxième étape : les opérations d’expertise

Lorsque la juridiction ordonne la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire, la caisse est désormais dans l’obligation de communiquer :
« les éléments médicaux ayant contribué à la décision de prise en charge ou de refus et à la justification des prestations servies à ce titre ».

Cette obligation incombe au praticien-conseil du contrôle médical. Que recouvre le vocable « éléments médicaux » ? On peut supposer que les certificats médicaux (initial, de prolongation et final descriptif) sont concernés. Qu’en est-il du rapport d’évaluations séquelles ? Des débats sur la nature des documents à transmettre se sont tenus devant les juridictions du contentieux technique. Nul doute qu’ils se tiendront également devant les juridictions du contentieux général.

La communication des éléments médicaux au médecin expert désigné par l’employeur n’est pas automatique. Il appartient à l’employeur d’en solliciter la communication à son médecin expert. L’alinéa 2 de l’article précise :
« A la demande de l’employeur, ces éléments sont notifiés au médecin qu’il mandate à cet effet ».

A défaut, ce médecin ne pourra pas en prendre connaissance avant les opérations d’expertise.

3. Troisième étape : le rapport d’expertise

Si les éléments médicaux ne sont pas transmis par la caisse, l’expert en informe le tribunal en rédigeant, au besoin, un rapport de carence. Il appartiendra à la juridiction d’en tirer les conséquences au regard de l’article L. 141-2-2 du Code de la sécurité sociale. L’inopposabilité des soins et arrêts de travail prescrits semble opportune.
Des questions se posent :
-  Une communication incomplète des éléments médicaux satisfait-elle aux exigences de cet article ?
-  L’employeur peut-il et doit-il pallier les insuffisances de la caisse et transmettre à l’expert les éléments en sa possession permettant de réaliser la mission d’expertise ?

L’article L. 141-2-2 du Code de la sécurité sociale est une avancée. Il n’en demeure pas moins insuffisant pour garantir le respect du principe du contradictoire et ce à toutes les étapes de la procédure.

Marlie MICHALLETZ chargée d'enseignement à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), docteur en droit, avocat

[1Art. L. 141-2-2 du code de la sécurité sociale : « Lorsque sont contestées, en application de l’article L. 142-1 du présent code, les conditions de reconnaissance du caractère professionnel d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou l’imputabilité des lésions ou des prestations servies à ce titre, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l’article 226-13 du code pénal, à l’attention du médecin expert désigné par la juridiction compétente, les éléments médicaux ayant contribué à la décision de prise en charge ou de refus et à la justification des prestations servies à ce titre.
A la demande de l’employeur, ces éléments sont notifiés au médecin qu’il mandate à cet effet. La victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification. »