Village de la Justice www.village-justice.com

Santé, droit et nouvelle Constitution en Côte d’Ivoire. Par Sanogo Yanourga, Docteur en droit.
Parution : mardi 28 juin 2016
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/sante-droit-nouvelle-constitution-cOte-ivoire,22529.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La Côte d’Ivoire est sur le point de se doter d’une nouvelle Constitution censée être plus consensuelle afin de tourner la page des années de crise. Cette nouvelle loi fondamentale en gestation doit impérativement tenir compte du droit de la santé et de son pendant le droit médical afin d’offrir aux Ivoiriens un système de santé efficace, équitable et respectueux des droits des patients.

Nous l’attendions, elle arrive. A l’initiative du président de la République, un comité d’experts composé d’éminentes personnalités ivoiriennes a été mis en place afin de réfléchir et proposer à la nation une constitution beaucoup plus consensuelle.
Celle de l’an 2000 ayant été à l’origine de tant de douleur dans notre pays. Nous saluons cette volonté du chef de l’État de mettre en place une Constitution qui ne sera plus sujette à polémique. Cette action permettra aux Ivoiriens de se réconcilier véritablement d’autant plus que toutes les couches socio-professionnelles sont invitées par le président de la République à lui faire des propositions dans ce sens.

L’élaboration de cette nouvelle constitution ne doit pas seulement se limiter à la politique. Il faut qu’elle prenne en compte certains articles liés au bien-être social des populations. Notamment celui afférent à la santé. Les experts désignés par l’exécutif devront mettre l’accent au cours de leurs travaux sur l’article 7 de la Constitution qui traite de la santé des Ivoiriens. Cet article qui stipule que « …l’État assure à tous les citoyens l’égal accès à la santé… », ne peut dans sa formulation actuelle avoir le caractère constitutionnel qu’on veut lui attribuer. Deux raisons essentielles nous permettent de soutenir cette affirmation.
D’une part, cette formule ne démontre en aucun cas que les citoyens ont droit à un niveau de vie suffisant pour assurer leur santé et leurs soins médicaux comme l’affirme la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 en son article 25. Déclaration à laquelle la Côte d’Ivoire a fait allégeance dans le préambule de sa Constitution. D’autre part, l’article 7 de la Constitution ivoirienne est très éloigné des recommandations de l’article 16 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 ratifiée en 1992 par la Côte d’Ivoire qui fait du droit à la santé un droit fondamental de l’individu dont la protection est assurer par les États parties à la charte à travers une assistance médicale en cas de maladie.

Il ne s’agit pas de demander aux autorités ivoiriennes de promettre la guérison à tous les patients se trouvant dans les hôpitaux. Nous attendons que soit gravé en lettres d’or dans la Constitution nationale l’engagement sans équivoque de l’État d’assurer aux citoyens un égal accès aux soins, ce qui est déjà dit, mais aussi d’assurer la prise en charge de tous les patients dans le respect de leurs droits humains, de manière consciencieuse, professionnelle et en respectant l’éthique médicale. C’est la prise en compte de tous ces éléments qui mettra fin à la crise de confiance qui existe entre les ivoiriens et leur système de santé.

Les différents scandales survenus dans le secteur de la santé ces dernières années en Côte d’Ivoire ne nous honorent pas. Les affaires Awa Fadiga et Yaoua K. Nadège ont révélé aux Ivoiriens ce qui se passait réellement dans leurs hôpitaux. La première, sauvagement agressée, transportée dans le plus grand CHU du pays est décédée des suites de ses blessures sans avoir été prise en charge à temps par l’équipe médicale qui assurait la garde du service des urgences dudit établissement. La seconde, enceinte et en travail meurt des suites d’une hémorragie crânienne après avoir chuté de son lit au sein d’un centre de santé, ici, nous invoquons le défaut de surveillance. Deux jeunes dames qui ont perdu la vie du fait de la négligence et du manque de professionnalisme des personnels de santé. C’est bien l’absence de textes juridiques claires et précis, censés encadrer la pratique médicale qui a favorisé tous ces manquements aux devoirs et obligations de ces agents. La nouvelle Constitution de la République de Côte d’Ivoire doit aller beaucoup plus loin en préconisant un droit à la protection de la santé des citoyens qui sont en droit de recevoir les soins les plus appropriés, sans discriminations dans le respect de leur dignité et de leur vie privée, ce qui nécessairement appel au respect du secret médical.

La nouvelle Constitution devra aussi tenir compte du cas des personnes en fin de vie. Loin de nous l’idée faire l’apologie de l’euthanasie, mais il faudra accompagner ces patients dignement vers la mort à travers l’exécution de soins palliatifs.
La Côte d’Ivoire qui se veut émergente à l’horizon 2020 doit être dans l’air du temps et se décomplexer. Elle ne doit plus attendre, elle doit être en mesure d’offrir à ses populations de réelles garanties quant à la prise en charge de leurs pathologies dans les hôpitaux publics et les cliniques privées. Elle doit mettre en place un système de santé dans lequel les soignants se soumettent à leurs obligations professionnelles et où les patients n’ont plus d’appréhension quant au respect de leurs droits. La nouvelle constitution ivoirienne doit être la source de l’équité et de la justice dans la relation entre l’hôpital et le patient en Côte d’Ivoire.

La vie est ce que nous avons de plus cher. Elle s’entretient grâce à un système de santé efficace assis sur des textes juridiques clairs, solides et adaptés aux réalités du moment. La Constitution qui est la mère de toutes les lois a aujourd’hui l’opportunité d’offrir une meilleure santé aux Ivoiriens, elle ne doit et ne peut en aucun cas se priver de le faire.

Dr SANOGO YANOURGA Docteur en droit médical. syanourga@yahoo.fr
Comentaires: